Montrer les corps des momies et regarder la vie en face
information fournie par AFP 18/11/2025 à 14:00

Une momie des Andes boliviennes nommée "Jeune femme des Andes" présentée lors de la visite de presse de l'exposition "Momies", au Musée de l’Homme à Paris, le 18 novembre 2025 ( AFP / JULIEN DE ROSA )

Les momies, ces témoins du passé qui fascinent même sans les fameuses bandelettes égyptiennes, sont au cœur d'une exposition au Musée de l'Homme qui place les vivants face aux corps des défunts pour mieux en retracer la vie.

Comment ne pas avoir envie de tout savoir sur l'homme Chachapoya, aux genoux et aux coudes repliés contre le torse, et à la bouche entrouverte dans un cri qui probablement a inspiré le tableau d'Edvard Munch?

C'est l'extraordinaire opportunité qu'offre l'exposition "Momies", à Paris à partir du 19 novembre.

"Notre souhait est de déconstruire un peu le cliché de la momie, évidemment égyptienne dans la tête des gens. De montrer qu'il y en a de plus anciennes, qu'il y en a partout, et encore maintenant", explique à l'AFP Pascal Sellier, directeur de recherche émérite au CNRS, et co-commissaire de l'exposition.

S'approcher d'une momie, c'est s'approcher d'un défunt et questionner notre rapport à la mort et à la décomposition des corps.

"Il y a un petit challenge à aller au-devant de cette discussion de la monstration des restes humains", reconnaît Pascal Sellier.

Une momie des Andes péruviennes nommée "Homme Chachapoya" présentée lors de la visite de presse de l'exposition "Momies", au Musée de l’Homme à Paris, le 18 novembre 2025 ( AFP / JULIEN DE ROSA )

"On sait qu'on préserve plusieurs milliers de restes humains au sein de nos institutions. Leur rendre leur dignité, c'est aussi leur rendre un peu leur histoire, leur identité, leur parcours, plutôt que de les laisser cachés quelque part", abonde Éloïse Quétel, co-commissaire et responsable des collections médicales et d'anatomie pathologique de Sorbonne université.

Les momies sont "tout cadavre humain ou animal préservé de la décomposition, que ce soit totalement ou partiellement, de façon accidentelle ou délibérée", expliquent-ils à l'AFP.

Ici, ce sont les interventions intentionnelles qui ont intéressé les chercheurs, "même si celles-ci peuvent conduire à laisser faire un processus naturel", comme les +bog bodies+, ces corps enfouis et conservés dans les tourbières.

- Des Chinchorros à Lénine -

Techniques, rites, croyances sont présentés au long du parcours, illustrés par des défunts momifiés.

Une momie française nommée "Jeune fille de Strasbourg" présentée lors de la visite de presse de l'exposition "Momies", au Musée de l’Homme à Paris, le 18 novembre 2025 ( AFP / JULIEN DE ROSA )

La jeune fille de Strasbourg, la jeune femme Guanche, l'enfant Chancay, Petearmosnouphis... Les organisateurs ont exclu toute mise en scène spectaculaire préférant par exemple un éclairage uniforme, sans spot ciblé.

L'exposition est ouverte à tout public, et conseillée à partir de 8 ans. Un voile est installé sur le côté d'arrivée du spectateur avant chaque momie, lui offrant la possibilité de ne pas regarder s'il le souhaite.

Ce serait dommage, car en plus d'un livret présentant leur fiche d'identité, le contexte de collecte, leur parcours muséal, ces momies ont bénéficié d'une campagne de restauration et de nettoyage.

Une momie égyptienne nommée "Petearmosnouphis" présentée lors de la visite de presse de l'exposition "Momies", au Musée de l’Homme à Paris, le 18 novembre 2025 ( AFP / JULIEN DE ROSA )

C'est particulièrement impressionnant pour la momie de Myrithis, découverte dans la nécropole d'Antinoë en Egypte. "On a pu retrouver la coupe de cheveux d'origine. Et les textiles ont retrouvé un positionnement beaucoup plus naturel et respectueux sur le corps", souligne Éloïse Quétel.

Un respect actuel à mille lieux de l'époque où l'on réduisait des momies sous forme de poudre ou d'onguent, car on leur prêtait des vertus pharmaceutiques.

On partait du principe qu'en consommant "un corps qui va vivre éternellement, on va nous-mêmes vivre éternellement", rappelle la chercheuse.

Une momie égyptienne nommée "Myrithis" présentée lors de la visite de presse de l'exposition "Momies", au Musée de l’Homme à Paris, le 18 novembre 2025 ( AFP / JULIEN DE ROSA )

On retrouvera jusqu'à la fin du XIXe siècle de la poudre de momie sous forme de pigments dans la peinture, d'engrais pour les champs, ou de combustible pour les trains à vapeur.

Avant qu'elles ne deviennent des objets de curiosité scientifique.

"Avec le défunt momifié, sont préservés de nombreux tissus mous jusqu'à la peau, les cheveux, les ongles. Chacun de ces éléments nous apporte des informations sur les types d'alimentation, certaines pathologies ou la couleur de cheveux", explique Éloïse Quétel.

Ce sont aussi des archives culturelles sur les pratiques funéraires mais aussi la "mode à travers les vêtements, les coiffures", et parfois de spectaculaires tatouages, abonde Pascal Sellier.

Une momie des îles Canaries surnommée "Jeune femme guanch"e présentée lors de la visite de presse de l'exposition "Momies", au Musée de l’Homme à Paris, le 18 novembre 2025 ( AFP / JULIEN DE ROSA )

Présente sur tous les continents, la momification a traversé les siècles pour perdurer encore dans certaines régions du monde, y compris en Europe.

Les premières traces sont apparues il y a 9.000 ans, en Amérique du Sud chez les Chinchorros, entre Pérou et Chili.

Depuis, la plupart des papes, Lénine, Eva Peron ont été momifiés... Toutes ont leur mot à dire sur notre rapport à la mort, mais aussi de nombreuses choses à nous apprendre sur la vie.