Mise sous tutelle de Washington: jusqu'où peut-aller Trump ?
information fournie par Reuters 14/08/2025 à 12:00

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par Jan Wolfe

La volonté affichée par Donald Trump de prolonger la mise sous tutelle fédérale de la police de Washington constitue un nouveau défi à l'équilibre des pouvoirs aux Etats-Unis et devrait se heurter à de nombreux obstacles législatifs ou juridiques.

Lundi, le président des Etats-Unis a invoqué la section 740 du District of Columbia Home Rule Act de 1973, une disposition jamais utilisée auparavant, qui permet au chef du pouvoir exécutif de prendre le contrôle de la police locale en cas d'urgence pour une durée maximale de 30 jours.

La maire démocrate de Washington, Muriel Bowser, n'a pu qu'entériner cette initiative tout en réfutant ses affirmations selon lesquelles la capitale fédérale serait submergée par une vague de criminalité.

AVEC OU SANS LE CONGRÈS ?

Mercredi, Donald Trump a affiché son intention de prolonger cette mise sous tutelle au-delà de 30 jours, avec ou sans le feu vert du Congrès.

"Si c'est une urgence nationale, on peut le faire sans le Congrès", a-t-il affirmé, ce que contestent les juristes selon qui la loi est claire: seuls les élus du Congrès peuvent autoriser une prolongation.

De même, la menace régulièrement brandie par Donald Trump de placer l'ensemble du district de Columbia sous contrôle fédéral nécessiterait que le Congrès annule le Home Rule Act, qui délègue la gouvernance de la municipalité au bureau du maire et au city council.

Une majorité qualifiée de 60 voix serait alors requise au Sénat, où les républicains ne disposent que d'une majorité de 53 élus contre 47.

QUELLE AUTORITÉ SUR LA GARDE NATIONALE ?

Le président américain a également annoncé lundi le déploiement de 800 soldats de la Garde nationale dans la capitale, une tactique qu'il avait déjà utilisée en juin à Los Angeles, où il avait mobilisé 4.000 membres de la Garde nationale et 700 Marines pour répondre à des manifestations de protestation contre les raids de la police de l'immigration.

Contrairement aux autres Etats et territoires américains, la Garde nationale de Washington, qui compte 2.700 soldats et pilotes, dépend directement du président. Hormis cette exception, l'autorité de tutelle des gardes nationales est le gouverneur.

Usant d'une autre prérogative présidentielle, Donald Trump a également ordonné ces derniers mois au FBI et à d'autres agences de maintien de l'ordre de renforcer leur présence policière à Washington.

UN MODÈLE POUR D'AUTRES VILLES ?

Le chef de l'exécutif assure que la mise sous tutelle fédérale de la police de Washington pourrait servir de modèle pour d'autres villes, ciblant les mairies démocrates.

Mais le cas de Washington est exceptionnel et Donald Trump ne peut invoquer aucun texte légal pour prendre le contrôle des départements de police des autres villes. Le dixième amendement de la Constitution limite en effet les pouvoirs fédéraux et délégue aux Etats les pouvoirs de police.

Donald Trump pourrait décider d'envoyer la Garde nationale, comme il l'a fait à Los Angeles, sans l'accord du gouverneur démocrate Gavin Newsom.

Cette décision fait toutefois l'objet d'un procès à San Francisco, la Californie accusant l'administration de Donald Trump d'avoir violé une loi de 1878, le Posse Comitatus Act, qui interdit à l'armée d'intervenir dans le maintien de l'ordre local.

Donald Trump a justifié l'envoi de la Garde nationale à Los Angeles par des manifestations qui constituaient selon lui "une forme de rébellion" requérant une réponse militaire.

L'Etat de Californie demande au tribunal de San Francisco de juger illégale l'initiative du président et de replacer la Garde nationale sous son autorité.

(Rédigé par Jan Wolfe avec la contribution de Dietrich Knauth; Jean-Stéphane Brosse pour la version française, édité par Blandine Hénault)