Meurtres au fusil d'assaut à Stains: deux condamnés à 20 ans de réclusion, trois acquittés
information fournie par AFP 06/12/2025 à 04:39

Six ans après les rafales de Kalachnikov mortelles à Stains, la cour d'assises de Seine-Saint-Denis a condamné vendredi deux hommes à 20 ans de réclusion pour meurtres en bande organisée mais elle en a acquitté trois ( AFP / Damien MEYER )

Six ans après les rafales de Kalachnikov mortelles à Stains, la cour d'assises de Seine-Saint-Denis a condamné vendredi deux hommes à 20 ans de réclusion pour meurtres en bande organisée mais elle en a acquitté trois.

Au terme de huit heures de délibérations et d'un procès de plus de trois semaines à Bobigny, le verdict a été accueilli par des cris, menaces et insultes envers la cour, les avocates générales, des avocats... Dans la salle bondée, truffée de policiers armés, ont fusé des "bâtards" et des "vous n'avez pas de face".

Ces contestations venaient des proches de Souleymane Care, 30 ans, et Moussa Baradji, 33 ans. Tous deux ont été condamnés à 20 ans de prison - avec peine de sûreté des deux tiers - pour les faits décrits par l'accusation comme "des exécutions préparées" ayant laissé deux morts et un rescapé.

Les avocates générales avaient demandé bien plus: les condamnations de cinq accusés à 20 à 30 ans de réclusion et l'acquittement d'un seul.

Tous les accusés contestaient avoir joué le moindre rôle dans les faits survenus vers minuit le 16 juillet 2019, quartier du Clos Saint-Lazare à Stains, quand un assaillant à l'arrière d'un scooter avait "rafalé" les occupants d'une Twingo.

Bakari T., 27 ans était allé s'écrouler, mort, dans le hall de son immeuble. Son frère, Dembo, 24 ans, avait été blessé au mollet. Leur ami Soriba M., 26 ans, était décédé.

- "Humiliation lavée" -

Plusieurs des accusés avaient déjà été condamnés pour trafic de stupéfiants mais pas Souleymane Care, au casier quasiment vierge, présenté par l'accusation comme le probable tireur.

Selon le réquisitoire, il aurait voulu se venger des deux frères T. - à la suite d'une "bagarre transformée en humiliation publique car filmée puis diffusée". Puis, avec Moussa Baradji, il aurait aussitôt fêté en boîte de nuit "l'humiliation lavée".

Dans ses derniers mots à la cour, ce Français de parents mauritaniens avait dit faiblement: "On m'a demandé 30 ans (de prison requis). J'ai 30 ans..." Avant d'affirmer: "je ne suis pas un tueur, je n'ai jamais touché une arme".

Ses avocats avaient plaidé que la nuit du crime, cet homme - qui disait vivre alors de "la revente au noir de véhicules" - passait une soirée "classique" pour lui, mangeant un kebab à Saint-Denis avant de finir en discothèque à Paris.

Me Yann Le Bras avait jugé "complètement barjot" de lui attribuer le rôle du tireur sur scooter, invoquant la photographie du kebab envoyée de son téléphone dans une Mercedes, peu avant l'heure des meurtres.

Cette enquête est "comme un arbre qui a commencé à pousser de travers", avait lancé Me Anouck Michelin, fustigeant les "askip" ("à ce qu'il paraît") du dossier.

Moussa Baradji avait, lui, été reconnu, dans un premier temps, par ses proches sur des images de vidéosurveillance comme le conducteur d'une Mini Cooper - ayant en fait servi à exfiltrer les tueurs - et mis en cause anonymement.

"L'enquête s'est trop nourrie de la rumeur et la rumeur s'est trop nourrie de l'enquête", avait plaidé son avocat, Me Joseph Hazan.

- Trois acquittements -

Le travail de la brigade criminelle sur la téléphonie et la vidéosurveillance avaient notamment permis d'identifier les voitures utilisées pour exfiltrer les auteurs, dont la Mini Cooper pleine de traces ADN et géolocalisable.

Mais de nombreux avocats ont fustigé "des poussettes", consistant à "pousser quelqu'un sous les roues de la procédure pour l'impliquer" anonymement en début d'investigations.

La cour a prononcé trois acquittements, dont celui de Mamadou D.

Le parquet général avait conclu que sa culpabilité ne pouvait être établie faute de confrontation avec le témoin anonyme qui l'avait accusé d'avoir remis l'arme, mais qui n'a pu être localisé au moment du procès...

Me Raphaël Chiche avait appelé à étendre ce raisonnement aux autres accusés mis en cause anonymement. La confrontation, "on en a été privés, c'est très exactement ce qui entache cette procédure d'iniquité", avait-t-il lancé.

Après l'audience, Me Chiche serrait avec effusion son client, Valentin D.S., acquitté, lui qui avait été présenté tardivement comme le probable conducteur du scooter.

Le condamné à la plus faible peine, trois ans, l'a été pour recel de la Mini Cooper dans son parking.

La défense, qui avait décrit le défunt Bakari T. comme "un racketteur faisant peur", aura beaucoup rappelé ce que le rescapé avait lui-même admis: lui et son frère pouvaient se montrer violents et avaient "beaucoup d'ennemis dans la cité".