Messe pour Pétain: enquête ouverte pour contestation de crime contre l'humanité information fournie par AFP 17/11/2025 à 11:40
Deux jours après une messe à Verdun en hommage à Philippe Pétain, une enquête a été ouverte lundi pour contestation de crime contre l'humanité contre le président de l'association organisatrice, qui pourrait faire l'objet d'une dissolution.
Jacques Boncompain, président de l'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain (ADMP), s'était exprimé à la sortie de l'église devant la presse, soutenant notamment que Philippe Pétain avait été "le premier résistant de France".
Dans une vidéo mise en ligne par le journal L'Est républicain, on entend M. Boncompain qualifier le chef du régime collaborationniste de Vichy de "plus grand serviteur de la France du XXe siècle".
"Il a sauvé, devant témoins je peux le dire, au moins 700.000 juifs", ajoute-t-il.
Dans un courriel adressé à l'AFP, la procureure de la République de Verdun, Delphine Moncuit, a indiqué avoir ouvert une enquête contre M. Boncompain "et tous autres" pour "contestation publique de l'existence de crime contre l'humanité commis durant la Seconde guerre mondiale".
L'enquête porte aussi sur la "tenue d'une réunion politique dans un local servant habituellement à l'exercice d'un culte" et vise le prêtre qui a célébré la messe: Gautier Luquin, 31 ans, est mis en cause pour "provocation par ministre du culte à la résistance à l'exécution des lois ou actes de l'autorité publique".
Le préfet de la Meuse, Xavier Delarue, avait annoncé samedi qu'il ferait un signalement au procureur à la suite de propos "clairement révisionnistes" prononcés à cette occasion.
Interrogée par l'AFP, la préfecture de la Meuse a précisé lundi qu'un aspect du signalement fait à la justice était "la perspective éventuelle de la dissolution" de l'ADMP, une décision qui relève du ministère de l'Intérieur.
- Zemmour condamné -
Le maire de Verdun, Samuel Hazard (divers gauche), avait pris un arrêté la semaine dernière pour interdire cet hommage par craintes de "trouble à l'ordre public", mais sa décision a été annulée vendredi par le tribunal administratif de Nancy.
"Un tout petit nombre" de personnes, "une vingtaine au maximum", a assisté à la messe samedi en l'église Saint-Jean-Baptiste, selon le préfet. Une centaine de manifestants, dont plusieurs élus en écharpe tricolore, ont manifesté devant l'édifice religieux, surveillé par une vingtaine de policiers et gendarmes.
Sous les huées, un militant d'extrême droite, Pierre-Nicolas Nups, ancien candidat aux législatives de 2024 en Meurthe-et-Moselle sous la bannière du Parti de la France, a interprété "Maréchal nous voilà", chant à la gloire du chef du régime de Vichy.
Les propos révisionnistes sont passibles d'une peine pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende. Ils sont définis comme la négation, la minoration ou la banalisation de façon outrancière d'un crime de génocide, de crime de guerre ou de crime contre l'humanité.
Surnommé "le vainqueur" de la bataille de Verdun en 1916, Philippe Pétain prit en 1940 la tête du régime de Vichy qui collabora avec l'Allemagne nazie. Il a été frappé d'indignité nationale en 1945 et condamné à mort, une peine commuée en prison à vie.
La thèse consistant à dire qu'il aurait "protégé les juifs français", est, selon plusieurs historiens, dénuée de tout fondement.
Elle apparaît ultra-minoritaire dans le monde académique. Elle est notamment contredite par l'arrestation avérée d'enfants français lors de la rafle du Vel d'Hiv de 1942 et fait fi du système de ségrégation mis en œuvre dès 1940 par le régime de Vichy et frappant tout particulièrement les juifs français.
Le président du parti d'extrême droite Reconquête!, Eric Zemmour, a été condamné en avril par la cour d'appel de Paris pour contestation de crime contre l'humanité à 10.000 euros d'amende pour avoir déclaré en 2019 que Pétain avait sauvé des juifs français. Il a annoncé un pourvoi en cassation.
L'association ADMP n'était pas joignable lundi dans la matinée pour recueillir sa réaction.