Madagascar: les militaires prennent le pouvoir après un vote de destitution du président
information fournie par AFP 14/10/2025 à 19:19

Le colonel Michael Randrianirina (C), chef de l'unité CAPSAT qui a pris le pouvoir à Madagascar, devant le palais présidentiel le 14 octobre 2025 à Antananarico ( AFP / Luis TATO )

Le scénario se répète à Madagascar: les militaires ont affirmé mardi "prendre le pouvoir" et ont acté de fait la fin de la présidence du contesté Andry Rajoelina, qui avait accédé une première fois au pouvoir par un coup d'Etat en 2009 dans des circonstances similaires.

L'unité militaire qui s'est ralliée au mouvement de contestation généralisée dans cette île particulièrement pauvre de l'océan Indien a fait cette déclaration devant le palais présidentiel du centre d'Antananarivo, juste après un vote de l'Assemblée nationale destituant le chef de l'Etat, présumé avoir quitté le pays.

"On va prendre le pouvoir à partir d'aujourd'hui et on dissout le Sénat et la Haute cour constitutionnelle. L'Assemblée nationale, on la laisse continuer à travailler", a indiqué au micro de l'AFPTV le colonel Michael Randrianirina devant le palais présidentiel, au centre de la capitale malgache.

Scènes de fête et concerts ont suivi cette annonce sur la place du 13-mai. Drapeaux malgaches et chants de célébration ont envahi ce lieu symbolique, baptisé en hommage aux personnes tuées lors d'un soulèvement populaire en 1972 qui a conduit au départ du premier président.

La Haute cour constitutionnelle, ayant constaté la "vacance" du poste de président, "invite" dans un communiqué "l'autorité militaire compétente incarnée par le colonel Randrianirina Michaël, à exercer les fonctions de chef de l'Etat".

Contesté dans la rue et retranché dans un lieu inconnu, Andry Rajoelina, qui avait dissous un peu plus tôt mardi l'Assemblée, a dénoncé à propos du vote le destituant une "réunion (...) dépourvue de toute base légale" puis une "tentative de coup d'Etat" des militaires. "Le président demeure pleinement en fonction", assure-t-il.

Exfiltré par un avion militaire français dimanche d'après la radio française RFI, Andry Rajoelina avait été désigné président de transition par les militaires après un soulèvement populaire en 2009.

Après s'être mis en retrait en 2014, il avait été élu président en 2018, puis réélu en 2023 pour un mandat de cinq ans lors d'un scrutin boycotté par l'opposition.

"On va mettre en place un comité composé d'officiers venant de l'armée, de la gendarmerie, de la police nationale. Peut-être qu'il y aura des hauts conseillers civils là-dedans. C'est ce comité qui va assurer le travail de la présidence. En même temps, après quelques jours, on va mettre en place un gouvernement civil", a assuré le colonel Randrianirina.

En attendant, Jouannah Rasoarimanana, 24 ans savoure une "victoire" pour la jeunesse éduquée de Madagascar ayant allumé l'étincelle de la contestation. "Je suis vraiment très heureuse, en tant que jeune, ici, à Madagascar, on est libre maintenant. On a obtenu la victoire", se réjouit cette comptable.

Comme très souvent depuis le 25 septembre, des milliers de manifestants sont encore descendus dans les rues d'Antananarivo. Des jeunes mobilisés par le collectif Gen Z, rejoints par des fonctionnaires appelés à la grève par plusieurs syndicats et des protestataires de toutes générations.

- Constitution suspendue -

La Constitution est aussi suspendue, a annoncé le colonel Randrianirina, à la tête de la Capsat. Cette unité militaire, qui avait joué un rôle majeur dans le coup d'État de 2009, a renversé le rapport de force en se joignant samedi aux manifestations qui ont commencé le 25 septembre.

Ses officiers ont appelé les forces de sécurité à "refuser de tirer" sur les manifestants, avant de les rejoindre dans le centre de la capitale.

La plupart des forces armées leur ont emboîté le pas depuis et ont changé de commandement, y compris la gendarmerie, auparavant en première ligne de la répression des manifestations. Au moins 22 personnes ont été tuées au début de celles-ci et plus d'une centaine blessées, d'après un bilan des Nations unies.

Au total, 130 des 163 députés, soit plus de la majorité des deux tiers requise, ont voté mardi en faveur de la destitution d'Andry Rajoelina. Elle a été avalisée par la Haute cour constitutionnelle, dont la dissolution a été annoncée mardi par le colonel Randrianirina.

Le président de Madagascar, Andry Rajoelina, le 6 novembre 2020 à Antananarivo ( AFP / Mamyrael )

Madagascar, île à la population très pauvre, a une longue histoire de soulèvements populaires suivis par la mise en place de gouvernements militaires de transition.

"On essaie de voir exactement ce qui va se passer une fois la poussière retombée. Évidemment, s'il y a un coup d'État en cours, on s'y opposera", a réagi Farhan Haq, porte-parole du secrétaire général de l’ONU.

Le président en fuite a par ailleurs dit mardi enchaîner "plusieurs visites officielles prévues chez les pays amis, membres de la SADC", l'organisation de coopération d'Afrique australe.

Au moins 80% des 32 millions d'habitants de Madagascar vivent avec moins de 15.000 ariary par jour (2,80 euros), le seuil de pauvreté fixé par la Banque mondiale.