Lula appelle à agir contre le changement climatique malgré les "forces extrémistes"
information fournie par Reuters 06/11/2025 à 17:16

(Actualisé avec Lula, Boric, Guterres, OMM)

par Valerie Volcovici et Lisandra Paraguassu

Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a exhorté les dirigeants mondiaux à agir au plus vite contre le dérèglement climatique malgré les mensonges des "forces extrémistes" qui le remettent en cause, jeudi lors d'un sommet organisé à Belem en amont de la Conférence annuelle de l'Onu sur le climat (COP30).

"Nous avons besoin d'une feuille de route pour planifier une manière juste d'inverser la déforestation, de venir à bout des énergies fossiles et de mobiliser les ressources nécessaires à ces objectifs", a déclaré le chef de l'Etat du pays-hôte.

S'exprimant à sa suite, le président chilien Gabriel Boric a directement mis en cause le président américain Donald Trump, l'accusant d'avoir menti en septembre devant l'Assemblée générale des Nations unies en qualifiant le changement climatique de "plus vaste escroquerie" au monde.

Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a de son côté déploré que les gouvernements aient échoué à limiter la hausse moyenne des températures mondiales à 1,5°C, un seuil que la planète franchira vers 2030 selon les scientifiques, avec le risque d'un réchauffement extrême aux conséquences irréversibles.

"Trop d'entreprises réalisent des profits records grâce à la dévastation climatique, dépensant des milliards en lobbying, trompant le public et faisant obstacle au progrès. Trop de dirigeants restent prisonniers de ces intérêts bien établis", a déclaré l'ancien Premier ministre socialiste portugais.

On estime à un millier de milliards de dollars chaque année les sommes dépensées par les Etats pour subventionner les énergies fossiles.

Les chefs d'Etat et de gouvernement de la planète ont deux options, a ajouté Antonio Guterres : "Nous pouvons choisir de mener la bataille ou d'être menés à la ruine."

"UNE VRAIE CONVERSATION MULTILATÉRALE ?"

Les négociations mondiales pour lutter contre le changement climatique ont débuté il y a trois décennies, une période durant laquelle les pays sont parvenus tant bien que mal à réduire plus qu'attendu les émissions de gaz à effet de serre, mais pas suffisamment pour empêcher la perspective de ce que les scientifiques présentent comme un réchauffement climatique extrême à travers le monde dans les prochaines décennies.

L'Organisation météorologique mondiale (OMM) a annoncé jeudi dans son rapport annuel que 2025 serait probablement la deuxième ou la troisième année la plus chaude jamais enregistrée. De janvier à août, la température moyenne du globe a été supérieure de 1,42°C à la moyenne préindustrielle, après les chaleurs records de 2023 et 2024.

Pour cette 30e édition de la Conférence onusienne sur le climat (COP30), la présidence brésilienne du sommet a programmé les discours successifs, pendant deux jours, de plusieurs dizaines de hauts représentants mondiaux, dont 53 chefs d'Etat.

Ne figurent pas parmi eux les dirigeants de quatre des cinq économies mondiales les plus polluantes - Chine, Etats-Unis, Inde et Russie -, seule la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'étant déplacée au Brésil.

Toutefois, Pékin, New Delhi et Moscou ont décidé d'envoyer des délégations, ce qui n'est pas le cas de Washington. L'administration climatosceptique du président américain Donald Trump n'a envoyé aucun représentant.

Certains disent penser que l'absence des Etats-Unis pourrait permettre aux autres pays de discuter plus librement des mesures à entreprendre sans qu'un acteur unique ne domine les débats.

"Sans la présence des Etats-Unis, nous pouvons imaginer qu'une vraie conversation multilatérale aura lieu", a commenté Pedro Abramovay, vice-président des programmes d'Open Society Foundations et ancien ministre de la Justice de Lula.

RÉDUIRE LES ÉMISSIONS DE MÉTHANE

Le président brésilien devait prendre part jeudi à des réunions bilatérales avec son homologue français Emmanuel Macron et avec le Premier ministre britannique Keir Starmer. Il s'est également entretenu mercredi, à la veille du sommet, avec le vice-Premier ministre chinois et avec Ursula von der Leyen.

"Dans une période où beaucoup de gens prétendent que le multilatéralisme est mort, je pense qu'il y a un nouvel espace pour un multilatéralisme qui n'est pas construit de haut en bas - en partant des pays les plus puissants vers les pays les plus pauvres", a déclaré Pedro Abramovay à Reuters.

Le Brésil a invité les pays à ne plus chercher à effectuer de nouvelles promesses, mais plutôt à remplir les centaines d'engagements déjà pris dans l'objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de financer des solutions salvatrices face au changement climatique.

Parmi les mesures décidées par le passé, la réduction des émissions mondiales de méthane d'au moins 30% d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 2020 - un accord conclu lors de la COP26 à Glasgow en 2021 - n'est pas sur la bonne voie, alors que ces émissions ont continué de grimper depuis lors.

Au cours du sommet, Lula espère aussi convaincre les pays industrialisés de promettre 10 milliards de dollars de contributions au Fonds international pour la conservation des forêts tropicales ("Tropical Forest Forever Facility"), dont la création a été annoncée par son gouvernement en amont de la COP30.

La Chine, la Norvège et l'Allemagne devraient dévoiler des contributions après la promesse d'un premier investissement brésilien d'un milliard de dollars. Mais Lula a d'ores et déjà essuyé un refus de la Grande-Bretagne. Si celle-ci a aidé à mettre sur pied le projet, elle a fait savoir mercredi qu'elle ne donnerait pas d'argent.

VOIR AUSSI:

COP30-Trois décennies de négociations sur le climat : progrès, écueils et une planète en péril nL6N3WI0N2

(Reportage de Valerie Volcovici et Lisandra Paraguassu à Belem, avec la contribution de William James; version française Jean Terzian et Jean-Stéphane Brosse)