Lourde condamnation pour Meta en Espagne qui devra indemniser les médias pour "concurrence déloyale" information fournie par AFP 20/11/2025 à 12:04
La justice espagnole a condamné Meta, maison-mère de Facebook et d'Instagram, à verser en tout plus de 540 millions d'euros à des médias locaux pour "concurrence déloyale", pour avoir enfreint la réglementation sur la protection des données personnelles, une décision qui pourrait faire date.
Le géant technologique était poursuivi pour avoir utilisé les données des internautes entre 2018 et 2023 sans leur consentement afin de créer des profils publicitaires individualisés et avoir tiré un énorme profit au détriment des médias espagnols qui respectaient la législation en matière de protection de la vie privée.
A l'origine de la plainte, plusieurs médias dont les membres de l'Association des médias d'information (AMI).
Mercredi, le tribunal de commerce de Madrid a donc condamné Meta "à payer 479 millions d'euros à 87 éditeurs de presse numérique espagnole et agences de presse membres de l'AMI pour avoir obtenu un avantage concurrentiel significatif en réalisant de la publicité sur ses réseaux sociaux Facebook et Instagram en violation du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD)", selon un communiqué.
La décision, qui peut encore faire l'objet d'un recours, mentionne également plus de 60 millions d'euros au titre des intérêts légaux qui s'ajoutent à cette somme, ainsi que l'indemnisation de l'agence Europa Press, non membre de l'AMI.
Contacté par l'AFP, Meta n'avait pas réagi dans l'immédiat jeudi.
- "Profilage massif" -
Pendant le procès début octobre, l'AMI avait dénoncé le "profilage massif du comportement de tous les internautes (...) sans les en voir avoir informés ni obtenu le consentement des citoyens" et l'"énorme profit" qu'en avait tiré Meta grâce à la vente ensuite de "publicité segmentée".
En face, les dirigeants de Meta en Espagne avaient argué que ce n'était pas tant les données des utilisateurs qui comptaient que les algorithmes utilisés pour rendre les annonces pertinentes pour chaque internaute.
Pour parvenir à établir le montant du préjudice, le juge a dû faire un calcul étant donné que Meta "n'a pas fourni au tribunal les comptes de ses activités en Espagne", explique le communiqué du tribunal.
Le juge s'est donc appuyé sur les données fournies par la presse numérique espagnole, et a conclu que pendant les cinq années qu'a duré l'infraction (du 25/05/2018, date d'entrée en vigueur du RGPD, au 01/08/2023, date à laquelle Meta propose à l'utilisateur de donner ou non son consentement), Meta avait gagné en Espagne avec son activité publicitaire en ligne plus de 5,281 milliards d'euros.
Le juge a estimé qu'une partie de cet argent devait "être redistribué aux autres concurrents du marché publicitaire espagnol" car il avait été gagné "en violant le RGPD".
Il a donc évalué le manque à gagner dû aux actions de Meta et la "perte de revenus en publicité numérique" et a conclu à la somme de 479 millions d'euros pour l'AMI, 2,57 millions pour Europa Press et 13.563 euros pour Radio Blanca.
- Enquête parlementaire -
Parmi l'AMI figurent Prisa, propriétaire du quotidien El Pais et du journal sportif AS, mais aussi Godo (La Vanguardia, Mundo deportivo...), Unidad Editorial (El Mundo, Marca) et Vocento, qui publie le quotidien conservateur ABC.
Le tribunal précise par ailleurs qu'une plainte similaire est en cours en France et que ce jugement souligne "le rôle fondamental de la législation en matière de concurrence dans le contrôle des abus liés au traitement illicite des données personnelles et le pouvoir informatif et économique immense des géants technologiques".
Mercredi, le Premier ministre espagnol s'en était directement pris à Meta, annonçant qu'une enquête parlementaire allait être lancée afin de vérifier si l'entreprise avait violé la vie privée de millions d'utilisateurs via un système caché.
Pedro Sánchez a assuré que Meta devrait "rendre des comptes" au Parlement.
Selon des experts espagnols, néerlandais et belges cités par le gouvernement, Meta "aurait utilisé pendant près d'un an un mécanisme caché permettant de suivre l'activité web des utilisateurs de dispositifs Android" et de collecter des données sur les pages visitées pour les associer à son identité dans les applications Facebook et Instagram, même lorsqu'il utilisait le mode incognito de navigation ou un VPN.