Libre-échange avec le Mercosur : Paris redouble d'efforts pour bloquer l'accord
information fournie par Boursorama avec Media Services 26/06/2025 à 14:27

Mercredi, la ministre française de l'Agriculture Annie Genevard et son homologue polonais ont accusé la Commission européenne de vouloir "passer en force".

Des agriculteurs manifestant contre le traité de libre-échange entre l'UE et le Mercosur, à Strasbourg, le 19 décembre 2024. ( AFP / SEBASTIEN BOZON )

Sous pression du secteur agricole, la France s'active pour bloquer -ou au moins amender- l'accord de libre-échange entre l'UE et le Mercosur, alors que la Commission européenne s'apprête à lancer le processus de ratification du traité.

"La proposition de signature et de conclusion (de l'accord) sera adoptée par la Commission avant la fin de ce mois" , a fait savoir cette semaine Leopoldo Rubinacci, le directeur adjoint chargé du commerce à la Commission. Les 27 États membres devront alors délibérer, puis voter sur ce projet de texte finalisé.

Les pays du Mercosur -Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay (la Bolivie n'est pas concernée par l'accord)- et l'Union européenne ont conclu en décembre leurs négociations au grand dam de la France, qui dénonce une clause de sauvegarde du texte actuel jugée insuffisante pour protéger certaines filières agricoles.

Le sommet qui se tient ce jeudi et vendredi à Bruxelles devrait être l'occasion pour la Commission de sonder les États membres et pour la France de presser en coulisses certains pays pour constituer une minorité de blocage.

Dans l'Hexagone, ce traité suscite une opposition farouche du monde agricole . Il doit permettre à l'UE d' exporter notamment plus de voitures, machines, spiritueux . Mais en retour, il faciliterait l'entrée de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains.

Les agriculteurs français, dont les producteurs de bœuf et de volailles, redoutent que les produits du Mercosur viennent les concurrencer en particulier sur les pièces nobles, les plus lucratives, comme l'aloyau de bœuf et le filet de poulet.

Une minorité de blocage est à portée de main ?

Le scénario pressenti à Paris est la présentation par la Commission d'un accord en deux volets, l'un politique et l'autre commercial. Dans cette configuration, la France ne pourrait bloquer à elle seule le volet commercial. Pour faire capoter sa ratification, elle devrait alors obtenir le veto ou l'abstention d' au moins quatre États représentant au moins 35% de la population de l'Union européenne.

Le temps presse alors que le président brésilien Lula, qui va prendre la présidence du Mercosur le 6 juillet, a insisté lors d'une visite à Paris début juin, sur la nécessité de la signature de l'accord avant la fin de l'année.

La présidence danoise du Conseil de l'UE, qui doit aussi commencer en juillet pour six mois, a déjà inscrit le dossier dans son programme.

Ces derniers jours, Benjamin Haddad mais aussi le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot ont multiplié les contacts avec leurs homologues, convaincus qu'une minorité de blocage est à portée de main même si une majorité de pays sont actuellement favorables à la signature de l'accord.

La France peut d'ores et déjà compter sur la Pologne qui a exprimé de "très sérieuses réserves", estimant que cet accord "est fondamentalement défavorable", selon le porte-parole du gouvernement polonais Adam Szlapka. "Nous continuerons à travailler avec d'autres États membres pour protéger nos intérêts", a-t-il dit cette semaine.

Passage en force ?

Au contraire, début mai, le chancelier allemand Friedrich Merz avait estimé que l'accord avec le Mercosur "devrait être rapidement ratifié et mis en œuvre". La position de l'Italie ne semble pas encore totalement arrêtée. Mais son ministre chargé de l'Europe Tommaso Foti et son homologue français Benjamin Haddad ont signé récemment une déclaration commune pour réclamer de nouvelles clauses de sauvegarde , ce qui a suscité l'espoir à Paris d'un ralliement de ce pays de près de 59 millions d'habitants.

Mercredi, la ministre française de l'Agriculture Annie Genevard, aux côtés de son homologue polonais Czesław Siekierski, a accusé la Commission européenne de vouloir "passer en force".

"Nous sommes rejoints dans notre combat par la Hongrie, l'Autriche, l'Irlande, les Pays-Bas, la Roumanie, l'Italie , qui ont fait part de leur forte préoccupation", a-t-elle assuré. Selon elle, l'adoption du texte "n'est pas gagnée", si l'on prend aussi les doutes exprimés par la Belgique et la Lituanie. Ces pays ont émis des réserves mais tous n'ont pas clairement indiqué s'ils s'abstiendraient ou s'ils voteraient contre lors de l'examen par le Conseil de l'UE.

À Paris, on ne peut pas croire que la Commission passera en force dans un contexte d'incertitudes sur le plan commercial avec les États-Unis. On met aussi en garde contre la capacité de nuisance du monde agricole, pas seulement français, qui a su se mobiliser l'an passé avant les élections au Parlement européen, qui devra lui aussi se prononcer sur le texte.