Les USA autorisent la Syrie à intégrer d'anciens djihadistes étrangers dans son armée
information fournie par Reuters 02/06/2025 à 18:33

par Timour Azhari et Suleiman Al-Khalidi

Les États-Unis ont donné leur aval à un plan du gouvernement intérimaire syrien visant à enrôler des milliers d'anciens combattants djihadistes étrangers dans l'armée nationale, sous réserve de transparence, a déclaré à Reuters Thomas Barrack, l'envoyé en Syrie du président américain Donald Trump.

En vertu de ce plan, précisent trois responsables syriens, quelque 3.500 combattants étrangers, principalement des Ouïghours originaires de Chine et de pays voisins, rejoindraient une unité nouvellement formée, la 84e division de l'armée syrienne.

Interrogé par Reuters à Damas sur le feu vert de Washington à l'intégration de combattants djihadistes étrangers dans la nouvelle armée syrienne, Thomas Barrack, l'ambassadeur des États-Unis en Turquie et envoyé spécial en Syrie, a déclaré : "Je dirais qu'il y a une entente, avec de la transparence."

Estimant qu'il était préférable de garder les combattants au sein d'un projet d'État plutôt que de les exclure, il a souligné que beaucoup de ces étrangers étaient "très loyaux" envers la nouvelle administration syrienne.

Le sort de ces combattants étrangers, qui ont combattu aux côtés du Hayat Tahrir al-Cham (HTC) pendant les 13 années de guerre civile, est l'un des points qui entravent le rapprochement entre les nouvelles autorités syriennes avec l'Occident, depuis la chute de Bachar al Assad en décembre dernier.

Au moins jusqu'au début du mois de mai, les États-Unis exigeaient des nouveaux dirigeants syriens qu'ils excluent les combattants étrangers des forces de sécurité.

L'approche de Washington a cependant radicalement changé lors de la tournée de Donald Trump au Proche-Orient le mois dernier, au cours de laquelle il a rencontré le président intérimaire de la Syrie, Ahmed al Charaa, et a décidé - contre toute attente - de lever les sanctions américaines imposées à la Syrie.

D'après deux sources proches du ministère syrien de la Défense, Ahmed al Charaa et son entourage ont fait valoir à leurs interlocuteurs occidentaux que l'intégration de combattants étrangers dans l'armée constituerait un risque moindre pour la sécurité que leur abandon, qui pourrait les pousser à rallier les rangs d'Al-Qaïda ou de l'organisation État islamique (EI).

Le département d'État américain et un porte-parole du gouvernement syrien n'ont pas répondu aux demandes de commentaires.

INQUIÉTUDES CHINOISES

Des milliers d'étrangers musulmans sunnites ont rejoint les forces rebelles lors de la guerre civile les opposant au régime Assad.

Au sein du HTC, ils notamment ont acquis une réputation de militants loyaux, disciplinés et expérimentés, et ont formé l'épine dorsale des unités d'élite dites "suicides" du groupe.

Principalement Ouïghours de Chine et d'Asie centrale, ils sont entre autres membres du Parti islamique du Turkestan, un groupe désigné comme terroriste par Pékin.

Un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères faisait ainsi part des inquiétudes de Pékin : "La Chine espère que la Syrie s'opposera à toute forme de terrorisme et aux forces extrémistes en réponse aux préoccupations de la communauté internationale."

Osman Boughra, un responsable politique du Parti islamique du Turkestan, a déclaré par écrit à Reuters que le groupe avait été officiellement dissous et intégré à l'armée syrienne.

"À l'heure actuelle, le groupe opère entièrement sous l'autorité du ministère de la Défense, adhère à la politique nationale et n'entretient aucune affiliation avec des entités ou des groupes extérieurs", a-t-il déclaré.

En décembre, la nomination d'une poignée de djihadistes étrangers faisant partie de la haute direction du HTS à des postes militaires avait alarmé les gouvernements occidentaux, suscitant des inquiétudes quant à l'orientation de la nouvelle direction de la Syrie.

Les demandes de gel des nominations et d'expulsion des combattants étrangers étaient alors régulièrement demandées par Washington et d'autres pays occidentaux, jusqu'à la rencontre historique entre Donald Trump et Ahmed al Charaa.

Le président intérimaire syrien a déclaré que les combattants étrangers et leurs familles pourraient se voir accorder la citoyenneté syrienne à terme, en raison de leur rôle dans la lutte contre Bachar al Assad.

Abbas Sharifa, expert des groupes djihadistes basé à Damas, observe que les combattants intégrés dans l'armée font preuve de loyauté envers les dirigeants syriens et sont "désidéologisés".

Mais "si vous les abandonnez, ils deviennent la proie d'EI ou d'autres groupes radicaux", souligne-t-il.

(Reportage Timour Azhari à Damas et Suleiman al-Khalidi à Amman, avec Maya Gebeily à Beyrouth et de Liz Lee à Pékin, version française Etienne Breban, édité par Sophie Louet)