Les Tchèques appelés aux urnes, le populiste Babis donné favori pour revenir au pouvoir information fournie par Reuters 03/10/2025 à 01:23
par Jan Lopatka
Les Tchèques, appelés vendredi aux urnes pour des élections législatives organisées pendant deux jours, devraient selon toute vraisemblance infliger un revers au gouvernement sortant de centre-droit, les sondages suggérant un retour au pouvoir du milliardaire populiste Andrej Babis, qui a promis de relancer la croissance économique tout en réduisant l'aide à l'Ukraine.
Une victoire d'Andrej Babis viendrait renforcer à l'échelle européenne le camp des populistes anti-immigration et compliquer la recherche d'un consensus sur les politiques climatiques de l'Union européenne.
Dans la foulée de la pandémie de COVID-19 puis de l'invasion russe de l'Ukraine, la République tchèque a vu l'inflation flamber, une situation dont elle peine à se relever complètement, alors que les revenus réels de la population ont subi l'un des pires reculs en Europe.
Il s'agit de l'une des grandes préoccupations des électeurs, avec pour effet de nuire à la popularité de la coalition Spolu ("Ensemble") du Premier ministre sortant Petr Fiala et de ses alliés libéraux, dont la priorité a été de réduire le déficit budgétaire.
Les Tchèques sont habitués aux changements: aucun gouvernement sortant n'a remporté de second mandat depuis 1996.
Allié du Premier ministre hongrois Viktor Orban au sein du groupe Les Patriotes pour l'Europe (PfE) au Parlement européen, Andrej Babis a adopté sur la question de l'aide à l'Ukraine une position plus contrastée que celle du gouvernement sortant, qui a immédiatement apporté un soutien sans faille à Kyiv après que Moscou a lancé son offensive en février 2022.
Si l'aide financière apportée par Prague a été moins importante que celle d'autres pays européens, les Tchèques ont été parmi les premiers à envoyer des chars d'assaut et des véhicules de combat à l'Ukraine, tout en mettant sur pied une initiative destinée à acheminer des millions d'obus d'artillerie en provenance du monde entier via des financements occidentaux.
Andrej Babis, 71 ans, a promis de mettre fin à cette initiative, dont il dénonce le coût selon lui trop important, réclamant que l'Otan et Bruxelles s'occupent du dossier ukrainien.
"Nous n'avons pas d'argent pour notre propre population", a-t-il dit mercredi lors d'un débat télévisé. "Notre programme est en faveur d'une vie meilleure pour les citoyens tchèques (...) Nous ne sommes pas en Ukraine".
EN QUÊTE D'ALLIANCES
Les enquêtes d'opinion créditent le parti ANO ("Oui") d'Andrej Babis d'un peu plus de 30% des intentions de vote, soit environ 10 points de plus que la coalition Spolu. Un tel score devrait toutefois être insuffisant pour obtenir la majorité à la chambre basse, composée de 200 sièges, même avec le soutien du petit parti "Automobilistes pour eux-mêmes".
Du fait de ses relations tendues avec Spolu et ses alliés gouvernementaux, ANO n'aurait probablement pas d'autre choix, pour gouverner, que de s'assurer l'appui de partis radicaux, anti-Europe et anti-Otan: le parti d'extrême droite Liberté et démocratie directe (SPD) et le parti d'extrême gauche Stacilo! ("Assez !").
Andrej Babis nie vouloir de quelconques mesures destinées à sortir de l'UE ou de l'Otan, rejetant les appels à la tenue de référendums sur ces questions, alors que le gouvernement sortant avertit de la volonté du milliardaire d'opérer un virage qui détournerait la République tchèque de sa ligne pro-occidentale.
"Ces propos alarmistes vont faire peur à de nombreux électeurs, et c'est malheureux, parce que ce n'est pas basé sur la vérité", a déclaré Martin Klihavec, un entrepreneur partisan d'ANO, lors d'un rassemblement organisé plus tôt cette semaine près de Prague. "Sous le précédent gouvernement de Babis, tout allait mieux", a-t-il ajouté.
Pour revenir au pouvoir, Andrej Babis doit surmonter plusieurs obstacles en marge du scrutin. Propriétaire d'un empire dans l'agrochimie, il doit trouver un moyen de se conformer à la loi en matière de conflit d'intérêts. Il est également poursuivi en justice pour des accusations de fraude aux subventions européennes, des accusations qu'il nie.
La coalition sortante pourrait conserver une majorité si certains des petits partis obtiennent moins de 5% des suffrages - le seuil nécessaire pour entrer au Parlement -, un scénario qui lui avait été favorable lors du précédent scrutin mais qui, d'après les instituts de sondage, est peu probable cette fois.
Les bureaux de vote ouvriront vendredi à 14h00 (12h00 GMT), jusqu'à 22h00, puis samedi entre 08h00 et 14h00. Les résultats sont attendus samedi en fin de journée.
(Jan Lopatka; version française Jean Terzian)