Les mécanismes du commerce mondial menacés de "dérailler", alerte le secrétaire général de l'ONU
information fournie par AFP 22/10/2025 à 18:18

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, mercredi à Genève ( AFP / Fabrice COFFRINI )

Les mécanismes régissant le commerce mondial se trouvent sous la menace d'un "déraillement" sur fonds de conflits commerciaux, a estimé mercredi à Genève le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, se disant également préoccupé par une dette globale croissante et le manque de filets de sécurité financiers internationaux.

"La dette mondiale a explosé. La pauvreté et la faim persistent. L'architecture financière internationale ne fournit pas un filet de sécurité adéquat aux pays en développement. Et le système commercial fondé sur des règles risque de dérailler", a alerté M. Guterres dans une allocution lors de la 16e Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced).

Le chef de l'ONU a particulièrement pointé du doigt l'incertitude mondiale persistante, provoquée par les droits de douane mis en place par Donald Trump et les tensions commerciales qu'ils ont déclenchées.

"Les barrières commerciales se multiplient, certains pays les moins avancés étant confrontés à des droits de douane exorbitants de 40%, alors qu'ils ne représentent qu'à peine 1% des flux commerciaux mondiaux", a-t-il ajouté, alertant sur "un risque croissant de guerres commerciales pour les biens".

"L'incertitude grandit, et les investissements reculent. Les chaînes d'approvisionnement sont en pleine turbulence", a-t-il souligné.

M. Guterres a toutefois relevé des motifs d'espoir dans le "tourbillon de changement" de l'économie mondiale avec "les trois quarts de la croissance mondiale (qui) proviennent désormais des pays en développement".

En outre, a-t-il souligné, les technologies de pointe "injectent des milliers de milliards dans l'économie mondiale" et les accords commerciaux régionaux ont été "multipliés par sept depuis les années 1990", alors que "la collaboration Sud-Sud s'intensifie.

Toutefois, a souligné le secrétaire général de l'ONU, l'aide au développement recule, faisant peser un danger sur les pays les plus fragiles. Et "les divisions géopolitiques, les inégalités, la crise climatique et les conflits nouveaux et prolongés se répercutent sur l'économie mondiale".

- Un "Forum" sur la dette -

Face à ces dangers, M. Guterres a identifié quatre axes prioritaires sur lesquels la communauté internationale doit agir pour protéger les plus faibles: un système mondial de commerce et d'investissement équitable, le financement des pays en développement, la technologie et l'innovation pour stimuler l'économie et l'alignement des politiques commerciales sur les objectifs climatiques.

Mercredi, le chef de l'ONU a également annoncé le lancement du Forum de Séville sur la dette, avec le soutien de la Cnuced. Appelant à une réduction des coûts et des risques d'emprunt, ainsi qu'à un soutien plus rapide aux pays en situation de surendettement, M. Guterres a déclaré que certains États étaient "écrasés" par la dette.

La dette publique mondiale a atteint 102.000 milliards de dollars en 2024, dont 31.000 milliards de dollars pour les seuls pays en développement, qui ont eu 921 milliards de dollars d'intérêts à payer en 2024, selon la Cnuced.

Le Forum de Séville vise à débloquer des financements pour les pays en développement, à renforcer leur capacité à mobiliser des financements nationaux, à mobiliser davantage de financements privés et à tripler le pouvoir de prêt des banques multilatérales de développement. Sa première réunion devrait se tenir l'année prochaine.

La Cnuced indique que 3,4 milliards de personnes vivent dans des pays qui consacrent plus d'argent au service de la dette qu'à la santé ou à l'éducation. "Il s'agit d'une lente érosion du développement, en même temps qu'une réduction budgétaire", a estimé Rebeca Grynspan, directrice générale de l'agence onusienne.

"La véritable stabilité signifie que les pays peuvent anticiper au-delà du prochain paiement, investir dans leur avenir et construire, et non pas simplement survivre. Nous sommes actuellement confrontés à une gestion de crise perpétuelle déguisée en normalité", a-t-elle déploré.