Les Gazaouis résolus à rester, malgré Trump et Israël
information fournie par Reuters 06/02/2025 à 13:26

par Nidal al-Mughrabi et Hussam al-Masri

Une pluie torrentielle s'est abattue jeudi matin sur la bande de Gaza, détruisant ou inondant des dizaines de tentes abritant des familles palestiniennes déplacées par les bombardements israéliens, mais rien, ni le temps, ni les plans échafaudés par Donald Trump ou Israël, ne dissuadera les Gazaouis de quitter leur terre, affirment les habitants de l'enclave côtière.

Le président américain a déclaré mardi que les Etats-Unis envisageaient de prendre le contrôle du territoire, d'en déloger les Palestiniens et d'y bâtir une "Riviera".

Une idée immédiatement condamnée par la communauté internationale mais saluée par le ministre israélien de la Défense Israël Katz, qui a ordonné jeudi à l'armée de préparer le "départ volontaire" des Gazaouis.

"On dirait que même la météo est contre nous, mais ni la pluie, ni Trump, ni Israël ne nous chasseront", affirme Abdel-Ghani, père de quatre enfants, originaire de la ville de Gaza, qui continue de vivre dans sa maison en grande partie démolie par les frappes de l'armée israélienne.

Le vent a emporté les bâches de plastique qu'il utilisait pour obstruer les fenêtres et les murs béants de son habitation, où la pluie s'infiltre.

"Est-il fou ? Nous ne vendrons pas notre terre à un promoteur immobilier. Nous sommes affamés, sans abri, désespérés mais nous ne sommes pas des collaborateurs. S'il veut nous aider, qu'il vienne reconstruire ici, pour nous", déclare à Reuters Abdel-Ghani, joint sur une application de messagerie.

CHAQUE GRAIN DE SABLE

Bassem Naïm, un responsable du Hamas, a déclaré qu'il n'était pas surpris par les déclarations d'Israël Katz, qui chercherait à masquer l'échec de la campagne militaire israélienne dans la bande de Gaza, laquelle n'a atteint selon lui aucun de ses objectifs.

Il juge que le retour de centaines de milliers de déplacés dans le nord de la bande de Gaza, dès l'entrée en vigueur de l'accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas le 19 janvier, illustre l'attachement des Palestiniens à leur territoire.

"S'ils étaient sincères dans leurs déclarations, ils devraient lever le blocus étouffant de Gaza et ouvrir les points de passage, et ils seraient effarés de constater que le nombre de ceux qui retournent à Gaza dépasserait le nombre de ceux qui partent, malgré les destructions massives", a-t-il dit.

La guerre dans la bande de Gaza, déclenchée par l'attaque du Hamas dans le sud d'Israël le 7 octobre 2023, qui a coûté la vie à 1.200 Israéliens et donné lieu à la capture de quelque 250 otages, a entraîné la mort d'environ 47.000 Palestiniens et anéanti une grande partie du territoire.

La trêve fragile du 19 janvier continue de tenir et des pourparlers doivent s'engager sur un retrait complet des troupes israéliennes, la libération de tous les otages et un cessez-le-feu permanent. Mais aucun plan sur l'avenir du territoire à plus long terme n'a été encore évoqué, à l'exception des déclarations tonitruantes de Donald Trump.

L'idée du président américain constituerait selon ses détracteurs un nettoyage ethnique à grande échelle. Tout déplacement de population contraint ou forcé dans un territoire sous occupation militaire est un crime de guerre banni par la convention de Genève de 1949.

Debout sous la pluie, entouré de maisons en ruines et de routes défoncées, Kassem Abou Hassoun est retourné vivre à Rafah après la trêve, après avoir été déplacé pendant des mois plus au nord du territoire.

"Malgré la tragédie que nous vivons, malgré le mauvais temps, les gens restent, s'accrochent à leur terre, à chaque grain de sable de ce pays", assure-t-il.

(Reportage Nidal al Mughrabi, Jean-Stéphane Brosse pour la version française, édité par Sophie Louet)