L'UE dénonce les sanctions américaines contre Thierry Breton et quatre autres européens information fournie par Reuters 24/12/2025 à 12:38
La France, l'Allemagne et la Commission européenne ont condamné mercredi la décision de l'administration Trump de priver de visa l'ancien commissaire européen Thierry Breton ainsi que quatre activistes de lutte contre la désinformation, les accusant d'avoir joué un rôle dans la censure des plateformes américaines du numérique.
Il s'agit d'une nouvelle mesure prise par Washington pour protester contre des réglementations de l'Union européenne dénoncées par des représentants américains comme illégitimement strictes.
Ordre a été donné par le passé aux diplomates de l'administration Trump de mener l'opposition à la nouvelle loi européenne sur le numérique.
La France et l'Union européenne ont fermement condamné ces sanctions, revendiquant le droit souverain de réglementer l'activité économique du bloc conformément à leurs valeurs démocratiques.
Bruxelles a déclaré avoir demandé des clarifications auprès de Washington.
"Si besoin, nous répondrons rapidement et fermement pour défendre notre autonomie réglementaire contre toute mesure injustifiée", a réagi la Commission européenne dans un communiqué.
Le président français Emmanuel Macron a lui aussi dénoncé les restrictions américaines.
"Ces mesures relèvent de l’intimidation et de la coercition à l’encontre de la souveraineté numérique européenne", a-t-il déclaré sur X.
Cette loi ("Digital Services Act", ou DSA) a été conçue par Bruxelles pour combattre les discours haineux et la désinformation en ligne, mais Washington y voit une entrave à la liberté d'expression et des coûts supplémentaires imposés aux réseaux sociaux américains.
La Maison blanche a publié plus tôt ce mois-ci un document de stratégie de sécurité nationale dans lequel il est reproché aux dirigeants européens de censurer la liberté d'expression et de supprimer toute opposition à des politiques d'immigration qui risquent selon l'administration Trump de provoquer un "effacement civilisationnel" en Europe.
Annonçant les interdictions de visa, le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a déclaré mardi que les cinq personnes visées ont "mené des efforts organisés pour forcer les plateformes américaines à censurer, démonétiser et supprimer les points de vue américains auxquels elles s'opposent".
"Ces activistes radicaux et ces ONG utilisées comme des armes ont fait progresser les campagnes de censure d'Etats étrangers - à chaque fois en ciblant des orateurs américains et des entreprises américaines", a-t-il ajouté, sans nommer les personnes visées par les sanctions.
Une représentante de haut rang du département d'Etat américain a indiqué sur le réseau social X qu'il s'agissait notamment de Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur de 2019 à 2024, présenté comme le "cerveau" du DSA.
CONDAMNATIONS EN SÉRIE
"Un vent de maccarthysme souffle-t-il à nouveau ?", s'est interrogé Thierry Breton sur X.
"Pour rappel : 90 % du Parlement européen — démocratiquement élu — et les 27 États membres à l'unanimité ont voté le DSA. À nos amis américains : La censure n'est pas là où vous le pensez", a-t-il ajouté.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a déclaré que la France condamnait "avec la plus grande fermeté" la décision de Washington.
"La France dénonce avec la plus grande fermeté la restriction de visa prise par les Etats-Unis à l'encontre de Thierry Breton, ancien ministre et Commissaire européen, et quatre autres personnalités européennes", a-t-il écrit sur le réseau social X.
"Le règlement sur les services numériques (DSA) a été démocratiquement adopté en Europe pour que ce qui est illégal hors ligne le soit aussi en ligne. Il n'a absolument aucune portée extraterritoriale et ne concerne en aucun cas les Etats-Unis", a-t-il ajouté. "Les peuples de l'Europe sont libres et souverains et ne sauraient se faire imposer par d'autres les règles s'appliquant à leur espace numérique".
Les interdictions de via concernent également: le Britannique Imran Ahmed, directeur général de Center for Countering Digital Hate, basé aux Etats-Unis; Anna-Lena von Hodenberg et Josephine Ballon, de l'ONG allemande HateAid; et Clare Melford, cofondatrice du Global Disinformation Index.
Le ministère allemand de la Justice a apporté son "soutien" et sa "solidarité" aux deux militants allemands visés par les sanctions américaines.
"Quiconque décrit cela comme de la censure déforme notre système constitutionnel", écrit-il dans un communiqué.
"Les règles selon lesquelles nous voulons vivre dans l'espace numérique en Allemagne et en Europe ne sont pas décidées à Washington."
(Rédigé par Simon Lewis et David Brunnstrom; version française Jean Terzian et Zhifan Liu, édité par Tangi Salaün et Kate Entringer)