Les dirigeants de l'UE tentent de s'accorder sur le financement d'un prêt à l'Ukraine
information fournie par Reuters 18/12/2025 à 09:49

(Actualisé avec déclarations du Premier ministre belge, de la présidente de la Commission et du Premier ministre polonais)

par Jan Strupczewski et Andrew Gray

Les dirigeants de l'Union européenne vont tenter de s'accorder jeudi sur les modalités de financement d'un prêt à l'Ukraine pour les deux prochaines années censé garantir que Kyiv aura les moyens de livrer bataille à la Russie, avec comme option privilégiée de recourir aux avoirs russes gelés par le bloc - à condition pour cela de surmonter les réticences de la Belgique.

Soucieux de s'assurer que l'Ukraine sera en mesure de résister à l'offensive de la Russie, considérée comme une menace pour la sécurité de l'Europe toute entière, les Vingt-Sept entendent aussi démontrer leur détermination et leur force après que le président américain Donald Trump a accusé la semaine dernière les pays européens de "faiblesse".

Alors que les aides cruciales apportées par Washington à Kyiv se sont taries sous l'administration Trump et que les budgets nationaux des pays européens sont sous tension, l'UE cherche à utiliser les 210 milliards d'avoir russes gelés dans le bloc communautaire comme base pour un prêt à l'Ukraine.

Le Premier ministre belge Bart de Wever a cependant répété jeudi matin ses craintes que son pays se retrouve en première ligne face à des représailles potentielles de Moscou, déclarant que les garanties apportées jusqu'à présent par l'UE ne répondaient pas à ses demandes.

"Je n'ai pas encore vu de texte qui me séduise, sur lequel la Belgique pourrait être d'accord", a-t-il déclaré à son Parlement avant l'ouverture du sommet, ajoutant que des alliés de la Russie, tels que le Chine, pourraient eux aussi décider des représailles.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a pour sa part déclaré jeudi qu'elle s'attendait à ce que l'UE parvienne à un accord, ajoutant soutenir la Belgique dans sa demande de partager les risques avec les autres pays du bloc.

L'enjeu est de taille : sans l'aide financière de Bruxelles, Kyiv sera à cours d'argent au deuxième trimestre 2026, ce qui devrait vraisemblablement entraîner sa défaite face à la Russie - un scénario craint par l'UE car la menace d'une agression russe contre le bloc se rapprocherait.

"DE L'ARGENT AUJOURD'HUI OU DU SANG DEMAIN"

"Nous sommes désormais face à un choix simple : de l'argent aujourd'hui ou du sang demain", a déclaré jeudi le Premier ministre polonais Donald Tusk à des journalistes à Varsovie.

Selon un diplomate européen de haut rang, si le sommet n'aboutit pas à une solution au sujet du financement de l'Ukraine en 2026 et 2027, Kyiv ne sera pas en mesure de se défendre face à la Russie et "cela aurait de graves conséquences (...) pour la sécurité du reste de l'Europe".

"Cela aurait aussi d'importantes répercussions sur la crédibilité de l'Europe et soulignerait que nous sommes aussi faibles que semble le penser Trump."

L'une des options dont l'UE dispose pour financer les besoins de l'Ukraine au cours des deux prochaines années est d'emprunter en utilisant le budget du bloc. Mais cela nécessiterait un vote à l'unanimité des Etats membres - or la Hongrie, proche de la Russie, a fait savoir qu'elle s'y opposerait.

Autre possibilité: que les pays européens désireux d'aider l'Ukraine lèvent des fonds sur les marchés pour les transmettre directement à Kyiv, ce qui signifierait d'alourdir davantage les niveaux de dette et de déficit de ces pays, en plus de laisser planer un doute sur le financement à long-terme de l'Ukraine.

D'après des diplomates, recourir aux avoirs russes gelés est donc en pratique "la seule option possible" pour ce "prêt de réparation" à l'Ukraine. Elle est privilégiée par la plupart des pays de l'UE car elle garantirait un montant important apporté à Kyiv sans peser sur les dettes nationales ou les budgets.

UNE DÉCISION ATTENDUE

Reste, pour cela, à convaincre la Belgique, où est basée la structure financière de dépôts de titres Euroclear dans laquelle a été placée la majorité des avoirs russes gelés (180 des 210 milliards d'euros). Le gouvernement belge s'inquiète des risques juridiques et financiers d'une telle démarche et veut la garantie qu'il ne sera pas seul face à de potentielles procédures engagées par Moscou.

Pour la plupart, les Etats membres du bloc sont disposés à apporter une telle garantie. Mais la Belgique fait valoir que les dommages que pourraient réclamer la Russie dépasseraient potentiellement les sommes placées sur son territoire et qu'un éventuel procès pourrait avoir lieu dans plusieurs années seulement, des circonstances qui selon le pays nécessitent que les Etats membres de l'UE lui promettent un chèque en blanc pour une durée indéterminée.

"Il y a des limites aux garanties que les Etats membres peuvent donner", a noté un deuxième diplomate européen de haut rang. "De Wever semble vouloir des garanties illimitées, et aucun Etat membre de l'UE ne peut offrir des garanties illimitées", a-t-il poursuivi.

"Aucun gouvernement de l'UE ne peut demander à son Parlement des garanties indéfinies pour un montant indéfini. Ce n'est tout simplement pas possible."

Les discussions entre les dirigeants européens jeudi devraient donc être consacrées à s'accorder sur l'ampleur des garanties à apporter au gouvernement belge, afin que ces garanties conviennent également aux autres gouvernements de l'UE, ont déclaré des diplomates, soulignant qu'une solution pour financer un prêt à l'Ukraine sera trouvée.

"Nous ne quitterons jamais le Conseil sans une décision finale visant à garantir les besoins financiers de l'Ukraine", a affirmé jeudi aux journalistes le président du Conseil européen Antonio Costa à son arrivée à Bruxelles.

(Jan Strupczewski et Andrew Gray, avec les contributions d'Inti Landauro, Phil Blenkinsop, Julia Payne, John Irish, Bart Meijer, Benoit Van Overstraeten, Andreas Rinke et Alan Charlish ; version française Jean Terzian et Benjamin Mallet, édité par Blandine Hénault)