Les dirigeants de l'UE en sommet pour décider du financement d'un prêt à l'Ukraine
information fournie par Reuters 18/12/2025 à 06:01

par Jan Strupczewski et Andrew Gray

Les dirigeants de l'Union européenne doivent décider jeudi des modalités de financement d'un prêt à l'Ukraine lors des deux prochaines années destiné à garantir que Kyiv aura les moyens de livrer bataille à la Russie, avec comme option privilégiée de recourir aux avoirs russes gelés par le bloc - à condition pour cela de surmonter les réticences de la Belgique.

Désireux de s'assurer que l'Ukraine sera en mesure de résister à l'offensive de la Russie, considérée comme une menace pour la sécurité de l'Europe toute entière, les Vingt-Sept entendent aussi démontrer leur détermination et leur force, après que le président américain Donald Trump a accusé la semaine dernière les pays européens de "faiblesse".

Alors que les aides cruciales apportées par Washington à Kyiv se sont taries sous l'administration Trump et que les budgets nationaux des pays européens sont sous tension, l'UE cherche à utiliser les 210 milliards d'avoir russes gelés dans le bloc communautaire comme base pour un prêt à l'Ukraine.

L'enjeu est grand: sans l'aide financière de Bruxelles, Kyiv sera à cours d'argent au deuxième trimestre 2026, ce qui devrait vraisemblablement entraîner sa défaite face à la Russie - un scénario craint par l'UE car la menace d'une agression russe contre le bloc se rapprocherait.

"Si nous ne trouvons pas de réponse à cette question (du financement de l'Ukraine en 2026 et 2027), nous ne permettrons pas à l'Ukraine de se défendre", a déclaré un diplomate européen de haut rang. "Cela aurait de graves conséquences (...) pour la sécurité du reste de l'Europe", a-t-il ajouté.

"Cela aurait aussi d'importantes répercussions sur la crédibilité de l'Europe et soulignerait que nous sommes aussi faibles que semble le penser Trump".

L'une des options dont l'UE dispose pour financer les besoins de l'Ukraine au cours des deux prochaines années est d'emprunter en utilisant le budget du bloc. Mais cela nécessiterait un vote à l'unanimité des Etats membres - or la Hongrie, proche de la Russie, a fait savoir qu'elle s'y opposerait.

Autre possibilité: que les pays européens désireux d'aider l'Ukraine lèvent des fonds sur les marchés pour les transmettre directement à Kyiv, ce qui signifierait d'alourdir davantage les niveaux de dette et de déficit de ces pays, en plus de laisser planer un doute sur le financement à long-terme de l'Ukraine.

"LA SEULE OPTION POSSIBLE"

D'après des diplomates, recourir aux avoirs russes gelés est donc en pratique "la seule option possible" pour ce "prêt de réparation" à l'Ukraine. Elle est privilégiée par la plupart des pays de l'UE car elle garantirait un montant important apporté à Kyiv sans peser sur les dettes nationales ou les budgets.

Reste, pour cela, à convaincre la Belgique, où est basée la structure financière de dépôts de titres Euroclear dans laquelle a été placée la majorité des avoirs russes gelés (180 des 210 milliards d'euros). Le gouvernement belge s'inquiète des risques juridiques et financiers d'une telle démarche, et veut la garantie qu'il ne sera pas seul face à de potentielles procédures engagées par Moscou.

Pour la plupart, les Etats membres du bloc sont disposés à apporter une telle garantie. Mais le Premier ministre belge Bart de Wever a mis en avant le fait que les dommages que pourrait réclamer la Russie pourraient dépasser les sommes placées en Belgique et qu'un quelconque procès pourrait avoir lieu dans plusieurs années seulement, des circonstances qui selon lui nécessitent que les pays de l'UE lui promettent un chèque en blanc pour une durée indéterminée.

"Il y a des limites aux garanties que les Etats membres peuvent donner", a noté un deuxième diplomate européen de haut rang. "De Wever semble vouloir des garanties illimitées, et aucun Etat membre de l'UE ne peut offrir des garanties illimitées", a-t-il poursuivi.

"Aucun gouvernement de l'UE ne peut demander à son Parlement des garanties indéfinies pour un montant indéfini. Ce n'est tout simplement pas possible".

Les discussions entre les dirigeants européens jeudi devraient donc être consacrées à s'accorder sur l'ampleur des garanties à apporter au gouvernement belge, afin que ces garanties conviennent également aux autres gouvernements de l'UE, ont déclaré des diplomates, soulignant qu'une solution pour financer un prêt à l'Ukraine sera trouvée.

"Ce n'est pas un Conseil européen, à l'issue duquel on peut se séparer vendredi sans rien n'avoir", a dit un troisième diplomate européen de haut rang. "Donc une solution sera disponible vendredi matin".

(Jan Strupczewski et Andrew Gray, avec la contribution de Lili Bayer, Phil Blenkinsop et Julia Payne à Bruxelles, John Irish à Paris, Andreas Rinke à Berlin; version française Jean Terzian)