Les coalitions possibles après les élections allemandes information fournie par Reuters 12/02/2025 à 16:06
L'Allemagne pourrait connaître à nouveau des mois d'incertitude politique après les élections du 23 février, les conservateurs de la CDU/CSU étant largement en tête dans les sondages mais sans doute pas suffisamment pour obtenir la majorité absolue.
Le bloc dirigé par Friedrich Merz essaiera probablement de privilégier la formation d'une coalition avec un seul autre parti, et non deux comme celle du chancelier social-démocrate sortant Olaf Scholz, qui a fini par être emportée par ses dissensions internes.
Mais la CDU/CSU n'aura peut-être pas le choix. Si certains petits partis atteignent le seuil de 5% pour obtenir des sièges au Bundestag, un seul parti d'appoint pourrait ne pas suffire pour former un gouvernement majoritaire.
L'autre difficulté provient du poids croissant du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), en seconde position dans les sondages, ce qui risque de limiter la marge de manoeuvre des autres partis qui refusent tous, en tout cas officiellement, de composer avec lui.
Voici les coalitions les plus probables à l'issue du scrutin :
"GRANDE COALITION" (CDU/CSU, SPD)
Une grande coalition des deux grands partis situés au centre de l'échiquier, la CDU/CSU et les sociaux-démocrates (SPD) de centre-gauche d'Olaf Scholz, est considérée comme l'issue la plus probable.
Le SPD et la CDU/CSU ont déjà gouverné ensemble quatre fois depuis la Seconde Guerre mondiale, dont trois fois sous la direction de l'ancienne chancelière conservatrice Angela Merkel.
Toutefois, Friedrich Merz a poussé le bloc conservateur vers la droite en adoptant une position plus dure sur l'immigration qu'Angela Merkel et une position plus libérale sur le plan économique.
La CDU/CSU souhaite de vastes réductions d'impôts, tandis que le SPD veut augmenter les impôts pour les hauts revenus et relancer l'impôt sur la fortune.
Les deux partis auront donc du mal à s'entendre sur un programme économique commun, à l'exception d'un éventuel assouplissement du frein à l'endettement public inscrit dans la Constitution.
Probabilité : 60%, selon la société de consulting Eurasia Group.
"KIWI" (CDU/CSU, Verts)
Une coalition "Kiwi" entre la CDU/CSU et les Verts - nommés ainsi en raison de leurs couleurs respectives, le noir et le vert - est une autre possibilité, même si elle est considérée comme moins probable. Il est possible que ces deux partis ne parviennent pas à obtenir ensemble une majorité.
S'ils partagent certains points de vue en matière de politique étrangère, comme la nécessité d'augmenter l'aide militaire à l'Ukraine, ils sont très éloignés sur les sujets de politique intérieure et, en particulier, sur l'immigration.
Ce fossé s'est creusé le mois dernier lorsque Friedrich Merz a présenté une proposition de loi durcissant la lutte contre l'immigration clandestine avec le soutien de l'AfD. Les Verts se sont montrés très critiques envers ce texte, qui a échoué de peu au Bundestag.
Markus Söder, le chef de file de la CSU, émanation bavaroise de la CDU, a souvent dit son opposition à une telle coalition.
Il s'agirait d'une alliance sans précédent au niveau national, bien que les deux partis gouvernent ensemble dans trois États allemands.
Probabilité : 15%, selon Eurasia Group.
"KENYA" (CDU/CSU, SPD, Verts)
Si des petits partis comme les Libéraux-Démocrates du FDP, qui faisaient partie de la coalition sortante, ou Die Linke (extrême gauche) entrent au Parlement et qu'aucun des deux grands partis n'a la majorité, la CDU, le SPD et les Verts pourraient décider de former une coalition surnommée "Kenya", car leurs couleurs correspondent à celles du drapeau kenyan.
Les trois partis se sont rarement associés au niveau des Länder.
Probabilité : 10%, selon Eurasia Group.
"ALLEMAGNE" (CDU/CSU, SPD, FDP)
Une autre combinaison tripartite improbable pourrait être la coalition "Allemagne" composée de la CDU/CSU, du SPD et du FDP, nommée d'après les couleurs noir, rouge et or du drapeau allemand.
Il serait difficile pour le FDP et le SPD de trouver un terrain d'entente, étant donné que les désaccords sur le projet de budget 2025 entre Olaf Scholz et le chef de file du FDP, Christian Lindner, qui était alors ministre des Finances, ont conduit à l'effondrement de la coalition sortante et entraîné la convocation des élections anticipées.
Probabilité : 10%, selon l'Eurasia Group.
GOUVERNEMENT MINORITAIRE
Certains Länder allemands ont eu des gouvernements minoritaires qui cherchaient des partenaires différents pour faire adopter chaque projet de loi.
Cela ne s'est cependant jamais produit au début d'une nouvelle législature au niveau fédéral, mais seulement après l'implosion d'une coalition, afin d'éviter de plonger le pays dans l'instabilité en convoquant immédiatement des élections.
L'hypothèse n'est toutefois plus totalement exclue depuis qu'il est devenu si difficile de former une coalition. Friedrich Merz lui-même ne s'était pas dit opposé à une telle formule dans une interview accordée en 2017, même s'il ne s'est pas prononcé à nouveau publiquement sur le sujet depuis cette date.
(Rédigé par Andrey Sychev et Sarah Marsh, avec Andreas Rinke ; version française Tangi Salaün, édité par Blandine Hénault)