Les chiffres de Miran sur l'impact de l'immigration quant à l'inflation jugés surestimés
information fournie par Reuters 26/09/2025 à 23:28

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Une estimation basée sur des travaux anciens de Saiz

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Le raisonnement est bon, mais pas l'ampleur escompté - Saiz

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La position de Miran n'est pas partagée au sein de la Fed

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par Ann Saphir

L'économiste Albert Saiz, dont les recherches ont servi de base à l'argumentaire du nouveau membre de la Réserve fédérale américaine (Fed), Stephen Miran, selon lequel la répression de l'immigration par le président Donald Trump ralentira l'inflation en réduisant la demande de logements, est surestimé.

La Fed a apporté des précisions dans ses déclarations de lundi sur ce dossier après avoir été interrogée par Reuters sur les chiffres avancés par Stephen Miran. Elle note désormais que l'estimation de son nouveau gouverneur est basée sur un "important choc d'immigration quasi-aléatoire", une référence aux réfugiés cubains qui ont soudainement cherché un logement dans la région de Miami il y a 45 ans.

Un porte-parole de la Fed n'a pas répondu dans l'immédiat à une demande de commentaire.

LÉGÈRE RÉDUCTION DES LOYERS

Les travaux d'Albert Saiz, un économiste du MIT qui étudie l'immigration et le logement depuis des décennies, montrent qu'un flux d'immigration égal à 1% de la population d'une ville entraîne une augmentation d'environ 1% des loyers dans cette ville. D'autres chercheurs ont également constaté de tels effets - certains plus importants, d'autres moindre - et Albert Saiz a déclaré à Reuters qu'il ne contestait pas l'idée selon laquelle l'inversion de l'afflux de migrants aurait tendance à réduire les loyers.

Stephen Miran, dans son premier discours en tant que nouveau responsable politique au sein de la Fed, a repris cette idée mais n'a pas suivi la formule d'Albert Saiz, choisissant comme dénominateur une estimation de la population nationale de locataires d'environ 100 millions de personnes plutôt que la population totale des Etats-Unis qui est de 340 millions d'habitants. Il en résulte un impact imputé sur l'inflation environ trois fois plus important qu'en utilisant l'approche d'Albert Saiz.

"Si l'on fait le calcul en utilisant les bonnes grandeurs, on obtient un divisé par 340 millions, soit environ 0,29% par an", a déclaré Albert Saiz dans une interview accordée à Reuters.

"Etant donné que la part du logement dans l'indice des prix à la consommation est d'environ un tiers, l'impact global sur l'inflation des prix à la consommation serait au maximum de 0,1 point de pourcentage, a-t-il ajouté.

"Il est évident que la croissance démographique a un impact sur le prix des logements, mais l'ampleur n'est pas suffisante pour justifier des changements majeurs dans la politique monétaire", a-t-il poursuivi.

Stephen Miran affirme qu'une immigration nette nulle dans le cadre de la nouvelle doctrine prônée par Donald Trump implique une baisse de l'inflation des loyers d'un point de pourcentage par an. Il s'appuie pour cela sur les travaux d'Albert Saiz publiés en 2003 qui étudiaient l'impact de l'afflux soudain de Cubains à Miami en 1980, connu sous le nom d'Exode de Mariel, sur les prix des loyers dans cette ville. Cette étude a examiné dans quelle mesure cet afflux avait augmenté la population de locataires à Miami.

D'autres travaux d'Albert Saiz, publiés par la suite, en 2007, suggèrent un effet plus limité, réflétant une grande partie, même si ce n'est pas la totalité, le point de vue de la réflexion sur le sujet dans le monde.

Un article publié l'année dernière par un trio de chercheurs a montré que les expulsions massives de personnes sans papier, mises en œuvre à travers les Etats-Unis de 2008 à 2013, ont fait augmenter les prix des logements, probablement en raison de la réduction de la main-d'œuvre dans le secteur de la construction et d'un ralentissement de la construction de logements.

Les propos amendés de Stephen Miran conservent son estimation selon laquelle l'inflation des loyers dans l'indice des prix à la consommation diminuera de deux points de pourcentage jusqu'en 2027 - ce qui correspond à son estimation de l'effet de l'inflation des loyers basée sur sa lecture d'Albert Saiz.

Cette baisse entraînerait une diminution des prix PCE, mesure préférée de l'inflation par la Fed, de 0,4 point de pourcentage au début de 2028, ce qui justifierait une réduction d'un demi-point du taux directeur de la Fed, a déclaré Stephen Miran

"On pourrait qualifier d'optimiste ce point de vue sur l'inflation locative", a-t-il poursuivi. "Cependant, je pense que les prévisionnistes ont sous-estimé l'impact significatif de la politique d'immigration sur l'inflation des loyers, à la fois à la hausse et, maintenant, à la baisse", a-t-il ajouté.

L'INFLUENCE DE TRUMP

Dans l'ensemble, Stephen Miran estime que la politique monétaire de la Fed est trop restrictive, de deux points de pourcentage, un point de vue qui n'a pas été partagée par les autres décideurs du FOMC, le comité de politique monétaire de la Fed.

Cet amendement inhabituel dans les propos d'un membre de la Fed intervient dans un contexte d'incertitude permanente quant à son indépendance, alors que Donald Trump fait pression sur la banque centrale pour qu'elle réduise ses taux et tente de limoger Lisa Cook, une gouverneur de l'institution.

Stephen Miran, qui est titulaire d'un doctorat en économie à Harvard, a été nommé par Donald Trump en remplacement d'Adriana Kugler, qui a démissionné.

Parallèlement Stephen Miran a conservé son poste de président du Conseil des conseillers économiques de Donald Trump.

(Reportage Ann Saphir, version française Claude Chendjou,)