Lecornu ne convainc pas les maires sur le budget et la décentralisation
information fournie par AFP 20/11/2025 à 18:52

Le Premier ministre Sébastien Lecornu au 107e congrès de l'Association des maires de France (AMF), à Paris, le 20 novembre 2025 ( POOL / Bertrand GUAY )

Sébastien Lecornu n'a pas convaincu les maires jeudi, en restant très vague sur le budget, dans un contexte politique incertain, et sans détailler son projet de décentralisation, deux sujets sur lesquels il était pourtant très attendu.

A quatre mois des élections municipales, le Premier ministre, qui a déjà lâché du lest aux régions et aux départements, est resté flou sur l'étau financier dont se plaignent les maires, qui étaient réunis pour leur 107e congrès à Paris de mardi à jeudi.

Il a juste annoncé étudier l'idée d'une prime "régalienne" de 500 euros par an pour chaque édile afin de "sécuriser" les actes qu'ils prennent.

Les maires sont vent debout contre leur mise à contribution de 4,7 milliards d'euros dans le prochain budget, soit deux fois plus que l'an dernier. La facture monterait même à 7,5 milliards, selon l'Association des maires de France.

Le Premier ministre a dit à cet égard qu'il allait travailler avec le Sénat à des "solutions", sans plus de précision.

Sur le projet de décentralisation que le locataire de Matignon et ancien maire de Vernon, dans l'Eure, doit présenter en décembre, il a notamment annoncé quelques mesures de simplification.

Sébastien Lecornu a dit qu'il prendrait un "méga décret" d'ici Noël pour "élaguer" une trentaine de normes "complètement surréalistes" comme l'obligation annuelle de vidange des piscines municipales. Il prévoit d'en supprimer encore 70 "entre janvier et février".

- "Angles morts" -

Mais il n'a pas détaillé le futur projet de loi qui vise à "renforcer le pouvoir local" en clarifiant les compétences entre l'Etat et les différentes collectivités.

Le président de l'Association des maires de France (AMF), David Lisnard (Les Républicains), au 107e congrès de l'organisation, à Paris, le 20 novembre 2025 ( POOL / Bertrand GUAY )

Le président l'Association des maires de France (AMF) David Lisnard (LR) a dit ne plus croire à une présentation de ce texte en Conseil des ministres avant Noël.

Il a dénoncé "deux angles morts" dans le discours de M. Lecornu, d'une part sur le "champ" de cette décentralisation, même s'il a salué des "mesures d'ajustement immédiat", et d'autre part sur les finances publiques.

Le numéro deux de l'AMF, André Laignel (PS), a regretté le "vide sidéral" des propos de M. Lecornu. Les congressistes "ont exprimé leurs difficultés, leurs attentes, et sur aucun des sujets, il n'y a une réponse sérieuse à hauteur de la situation", a-t-il dit à la presse.

L'AMF, qui fédère la quasi-totalité des quelque 35.000 communes du pays, milite depuis toujours pour un renforcement des pouvoirs locaux, après la suppression de presque tous les leviers fiscaux propres aux communes.

David Lisnard demandait notamment que les maires puissent disposer d'un pouvoir réglementaire local qui "oxygènerait tout", selon lui. En gage de bonne foi, l'AMF réclame un moratoire sur "toutes les contraintes nouvelles s'appliquant aux collectivités".

Le chef du gouvernement envisage toutefois de "mettre sur la table" le principe de subsidiarité réclamé par l'AMF, par lequel une politique est mise en oeuvre par la collectivité la plus directement concernée, pour "réhabiliter la proximité". Il a aussi promis une "grande clarification" de certaines politiques publiques comme le logement.

- "Désordre politique" -

Le maire de Cannes (Alpes-maritimes) était sans illusion avant d'accueillir le Premier ministre. "Dans un contexte où l'État est totalement affamé financièrement, où il n'y a pas de majorité parlementaire, où il n'y a pas une immense lisibilité dans les travaux gouvernementaux et de l'Assemblée nationale, quelle peut être une ambition de réorganisation profonde des pouvoirs publics ?".

Le vice-président de l'Association des maires de France (AMF), André Laignel (PS), au 107e congrès de l'organisation, à Paris, le 20 novembre 2025 ( POOL / Bertrand GUAY )

Même s'il reconnaît que Sébastien Lecornu, élu local et issu du même parti que lui, "connait nos réalités".

Le locataire de Matignon a salué "l'impulsion" donnée par les maires à la lutte contre le narcotrafic, devenu un thème majeur de la campagne des municipales, et sur lequel il a annoncé l'organisation prochaine d'un débat à l'Assemblée nationale.

C'est "un combat qui va durer, sur lequel il va falloir s'adapter, adapter les moyens de l'État à la réponse locale face à un adversaire qui lui, est en train de muter", a dit le chef du gouvernement.

Le Premier ministre a fustigé au passage le "désordre politique" au Parlement, réitérant sa volonté de "sauver la démocratie représentative" et de "faire en sorte qu'un chemin de compromis puisse être trouvé" sur le budget.

"Parce que je ne vois pas beaucoup de bonnes nouvelles pour le pays" ou les collectivités locales "issu du désordre politique", a-t-il affirmé.