Le Rassemblement national espère recueillir les fruits du marasme politique
information fournie par Reuters 10/10/2025 à 17:54

Marine Le Pen, députée française et cheffe parlementaire du parti d'extrême droite Rassemblement National (RN)

par Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) -Quand le Rassemblement national a été dépassé par la gauche au deuxième tour des élections législatives de juillet 2024, Marine Le Pen, double finaliste de la course à l'Elysée, a affirmé que la victoire de son camp n'était qu'une question de temps, simplement retardée.

Quinze mois et quelque 120 députés plus tard, le parti d'extrême droite espère tirer bénéfice de la crise politique née de ce scrutin anticipé décidé par Emmanuel Macron et du malaise mâtiné de colère qui monte partout dans le pays.

Selon un sondage Ifop-Fiducial pour LCI, le Figaro et Sud Radio publié ce vendredi, 36% des Français voteraient RN au premier tour d'un éventuel nouveau scrutin législatif, à une dizaine de points devant les partis de gauche réunis, France insoumise comprise.

Même s'il n'augmente pas drastiquement son score par rapport à l'an dernier, le parti dirigé par Jordan Bardella espère s'approcher d'une majorité au Palais-Bourbon, synonyme d'entrée à Matignon.

Il compte pour ce faire sur la mésentente entre les anciens alliés du Nouveau Front populaire réunissant Insoumis, socialistes, communistes et écologistes d'une part, et les fêlures du "socle commun" qui unissait jusqu'à la semaine dernière les partis "macronistes" et Les Républicains (LR).

Illustration du cavalier seul du Rassemblement national : dépourvue d'invitation à la réunion organisée vendredi à l'Elysée pour trouver un Premier ministre et tenter de débloquer la crise politique qui plombe le pays, Marine Le Pen a mis en scène sa visite de terrain au Mans (Sarthe).

"Nous, c'est avec les Français que nous avons rendez-vous", a-t-elle écrit sur le réseau X en marge d'un déplacement à la rencontre de sapeurs-pompiers.

Même si Emmanuel Macron doit nommer un nouveau Premier ministre dans la journée, l'hypothèse d'une dissolution de l'Assemblée nationale – réclamée par le RN mais écartée par une majorité de parlementaires selon le Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu – n'est pas à exclure.

Le cas échéant, Marine Le Pen a indiqué que si un scrutin plaçait son camp loin d'une majorité au Palais-Bourbon, le RN ne briguerait pas Matignon. S'il s'en approchait, il chercherait des partenaires, notamment chez LR, afin de pouvoir agir en attendant l'élection présidentielle de 2027.

Dans cette perspective, le RN peaufine sa liste de candidats depuis des mois, veillant à éviter que des candidats antisémites et racistes se glissent dans la liste, comme ce fut le cas par endroits en 2024.

"L'objectif est d'obtenir une majorité, de convaincre les Français et de montrer que notre politique produira des résultats rapides, qu'un antidote est possible", a déclaré à Reuters le député RN Julien Odoul. "En septembre 2026 on sera déjà dans la campagne présidentielle. Ce sera donc un temps restreint qui nécessitera de l'action et du courage."

UNE NOUVELLE ÈRE AVEC BARDELLA

Le RN connaît une ascension constante depuis que Marine Le Pen cherche à professionnaliser le parti qui place le contrôle de l'immigration en tête de son programme d'action.

Le rôle de Marine Le Pen au sein d'un éventuel futur gouvernement RN est incertain. Ses ambitions présidentielles sont contrées par sa condamnation pour détournement de fonds assortie de cinq d'inéligibilité prononcée en mars dans l'affaire des assistants parlementaires du Front national.

L'appel sera examiné en janvier pour un jugement prononcé avant l'été.

Si Emmanuel Macron dissout le Parlement, elle ne pourra sans doute pas se représenter dans le Pas-de-Calais, même si elle dit avoir l'intention d'examiner toutes les voies juridiques susceptibles de l'y autoriser.

L'eurodéputé Jordan Bardella, 30 ans, pourrait quant à lui choisir d'être candidat aux législatives pour revenir sur la scène nationale, et il reste le "plan B" en cas d'empêchement de Marine Le Pen pour la course à l'Elysée.

Représentant de la nouvelle génération, le président du RN n'est pas un héritier direct de Jean-Marie Le Pen, père de Marine, sulfureux fondateur du Front national décédé en début d'année à l'âge de 96 ans.

Fils unique d'une famille d'origine italienne ayant grandi dans une banlieue populaire de Paris, Jordan Bardella a fait entrer le parti dans une nouvelle ère.

Placé à des niveaux d'intention de vote similaires à ceux de Marine Le Pen, il publiera à la fin du mois un livre intitulé "Ce que veulent les Français" (Editions Fayard), après un premier opus à succès, "Ce que je cherche".

S'il devient Premier ministre, il s'engage notamment à stopper la régularisation d'immigrés illégaux et à renforcer les contrôles aux frontières.

(Reportage Elizabeth Pineau, avec Gabriel Stargardter, édité par Blandine Hénault)