Le Nobel de la paix à la "libératrice" vénézuélienne Maria Corina Machado information fournie par AFP 10/10/2025 à 15:21
Le prix Nobel de la paix a été attribué vendredi à la cheffe de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado, surnommée la "libératrice", mais contrainte de vivre cachée dans son pays transformé en "Etat autoritaire brutal".
Réveillée en pleine nuit par l'appel du secrétaire du comité Nobel norvégien qui l'a informée, la voix étranglée d'émotion, de son prix, la lauréate de 58 ans a assuré que le peuple vénézuélien finirait pas l'emporter dans son combat pour la démocratie.
"Nous travaillons très dur pour y parvenir, mais je suis sûre que nous l'emporterons", a-t-elle dit lors de cet appel filmé.
A Washington, où Donald Trump ne faisait pas mystère qu'il convoitait lui-même la prestigieuse récompense, la Maison Blanche a estimé que le comité Nobel avait fait passer "la politique avant la paix".
Maria Corina Machado "est l'un des exemples les plus extraordinaires de courage civique en Amérique latine ces derniers temps", a souligné le président du comité Nobel norvégien, Jørgen Watne Frydnes.
Entrée en politique au début des années 2000 en militant pour un référendum contre Hugo Chavez, Mme Machado a fait de la chute du régime chaviste la cause de sa vie.
Mère de trois enfants, elle a été empêchée, malgré sa popularité, de se présenter à la présidentielle de 2024, où le sortant Nicolas Maduro, héritier politique de Hugo Chavez, a été déclaré vainqueur malgré les protestations de l'opposition.
L'Union européenne, les Etats-Unis et de nombreux autres pays estiment que M. Maduro, au pouvoir depuis 2013, a usurpé la victoire et reconnaissent Edmundo Gonzalez Urrutia, derrière lequel Mme Machado s'était rangée, comme vainqueur du scrutin.
- "Machine répressive" -
Aujourd'hui exilé en Espagne, M. Gonzalez Urrutia a salué un prix "mérité", tandis que l'ONU a estimé que ce Nobel reflétait les aspirations des Vénézuéliens à des élections "libres et équitables".
"Le Venezuela est passé d'un pays relativement démocratique et prospère à un Etat brutal et autoritaire en proie à une crise humanitaire et économique", a déploré M. Frydnes.
"La machine répressive de l'Etat est dirigée contre sa propre population. Près de huit millions de personnes ont quitté le pays. L'opposition a été systématiquement muselée par la fraude électorale, les poursuites judiciaires et l'emprisonnement", a-t-il noté.
Si elle a gagné le surnom de "libertadora" ("libératrice"), Mme Machado est aujourd'hui obligée de vivre dans la clandestinité dans un Venezuela qu'elle a refusé de quitter.
"L'esprit de liberté ne peut être emprisonné", a commenté la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Emmanuel Macron a, lui, salué "l'engagement résolu" de la lauréate pour la démocratie.
A Caracas, Jesus Montero, designer graphique de 23 ans, se félicitait également. "Elle le mérite parce qu'elle fait tout pour que le peuple vénézuélien soit plus heureux, plus tranquille", a-t-il dit à l'AFP.
Technicien, Luis Torres, 65 ans, estimait au contraire que "c'est une honte après tout le mal qu'elle a fait au Venezuela" en référence aux sanctions internationales auxquelles son pays est soumis.
- Pas de Nobel pour Trump -
Le prix échappe donc à Donald Trump qui n'avait pas caché son désir de le remporter
Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, le président américain martèle qu'il "mérite" le Nobel, revendiquant un rôle dans la résolution de huit guerres, dont celle de Gaza. Une affirmation largement exagérée, selon les observateurs.
"Le comité Nobel a prouvé qu'il privilégiait la politique à la paix", a regretté le directeur de la communication de la Maison Blanche, Steven Cheung, sur X.
Donald Trump "déteste Maduro", a relevé l'historien Asle Sveen, spécialiste du prix Nobel, auprès de l'AFP.
"Il bombarde les bateaux de pêche soupçonnés de transporter des stupéfiants. Il aura donc du mal à s'attaquer à ce prix", a-t-il estimé.
A ce jour, l'administration Trump a frappé en mer au moins quatre embarcations présentées comme étant celles de narcotrafiquants.
Nicolas Maduro a dénoncé une "agression armée", accusant Washington d'utiliser le trafic de drogue comme prétexte "pour imposer un changement de régime" et s'emparer des importantes réserves de pétrole du pays.
Le prix Nobel consiste en un diplôme, une médaille d'or et un chèque de 11 millions de couronnes suédoises (près d'un million d'euros).