Le populiste Babis clairement en tête des législatives tchèques, devra nouer des alliances information fournie par Reuters 04/10/2025 à 20:14
(Actualisé avec résultats quasi définitifs)
par Radovan Stoklasa et Jan Lopatka
Le parti ANO du milliardaire Andrej Babis est en bonne voie pour remporter une claire victoire aux élections législatives en République tchèque samedi, avec à la clé la perspective d'un nouveau gouvernement venant gonfler les rangs des populistes en Europe et d'une réduction du soutien à l'Ukraine.
Un Andrej Babis exubérant a annoncé à ses supporters qu'ANO ("Oui") chercherait à former à lui seul un gouvernement, mais qu'il discuterait aussi avec deux autres petits partis - dont le SPD d'extrême-droite - car son mouvement manquera la majorité absolue.
Il a rejeté à nouveau les accusations selon lesquelles sa victoire fera de la République tchèque un partenaire moins fiable pour l'Union européenne et l'Otan.
"Nous voulons sauver l'Europe (...) et nous sommes clairement pro-européens et pro-Otan", a-t-il déclaré aux journalistes.
Les résultats quasi-définitifs signifient qu'ANO est en bonne voie pour remplacer le gouvernement actuel de centre-droit du Premier ministre Petr Fiala, qui a reconnu sa défaite et félicité Andrej Babis.
Le dépouillement, achevé désormais dans 99% des districts électoraux, donne 34,7% des voix à ANO, tandis que le parti de centre-droit Spolu ("Enesemble") a obtenu 23,2% des suffrages, a annoncé l'Office des statistiques.
ANO remporterait environ 80 sièges de la chambre basse du parlement, qui compte 200 sièges.
Les deux jours de scrutin devraient ainsi consacrer le retour au pouvoir de l'ancien Premier ministre Andrej Babis, qui faisait figure de favori pendant une campagne où il a promis de relancer la croissance économique tout en réduisant l'aide à l'Ukraine.
Déjà Premier ministre entre 2017 et 2021, Andrej Babis viendrait aussi renforcer à l'échelle européenne le camp des partis anti-immigration et compliquer la recherche d'un consensus sur les politiques climatiques de l'Union européenne.
Le parti ANO de Babis est l'allié du Fidesz du Premier ministre hongrois Viktor Orban au sein du groupe Les Patriotes pour l'Europe (PfE) au Parlement européen.
Dans la foulée de la pandémie de Covid-19 puis de l'invasion russe de l'Ukraine, la République tchèque a vu l'inflation flamber, une situation dont elle peine à se relever complètement, alors que les revenus réels de la population ont subi l'un des pires reculs en Europe.
Cette situation, ainsi que plusieurs scandales de corruption ayant éclaboussé le pouvoir en place, a contribué à saper la popularité de la coalition Spolu ("Ensemble") du Premier ministre sortant Petr Fiala et de ses alliés libéraux, dont la priorité a été de réduire le déficit budgétaire.
CONFLITS D'INTÉRÊTS
Sur la question de l'aide à l'Ukraine, Andrej Babis affiche une position bien plus ambiguë que celle du gouvernement sortant, qui a immédiatement apporté un soutien sans faille à Kyiv après que Moscou a lancé son offensive en février 2022.
Les Tchèques ont été parmi les premiers à envoyer des chars d'assaut et des véhicules de combat à l'Ukraine, tout en mettant sur pied une initiative destinée à acheminer des millions d'obus d'artillerie en provenance du monde entier via des financements occidentaux.
Andrej Babis, 71 ans, veut mettre fin à cette initiative, dont il dénonce le coût selon lui trop important, réclamant que l'Otan et Bruxelles s'occupent du dossier ukrainien.
Les enquêtes d'opinion créditent le parti ANO ("Oui") d'Andrej Babis d'un peu plus de 30% des intentions de vote, soit environ 10 points de plus que la coalition Spolu. Un tel score devrait toutefois être insuffisant pour obtenir la majorité à la Chambre des députés, composée de 200 sièges, même avec le soutien du petit parti "Automobilistes pour eux-mêmes".
Du fait de ses relations tendues avec Spolu et ses alliés gouvernementaux, ANO n'aurait probablement pas d'autre choix, pour gouverner, que de s'assurer l'appui de partis radicaux, anti-Europe et anti-Otan: le parti d'extrême droite Liberté et démocratie directe (SPD) et le parti d'extrême gauche Stacilo! ("Assez !").
Pour revenir au pouvoir, Andrej Babis devra aussi surmonter plusieurs obstacles en marge du scrutin. Propriétaire d'un empire dans l'agrochimie, il doit trouver un moyen de se conformer à la loi en matière de conflit d'intérêts. Il est également poursuivi en justice pour des accusations de fraude aux subventions européennes, des accusations qu'il nie.
(Jan Lopatka et Radovan Stoklasa; version française Jean-Stéphane Brosse et Gilles Guillaume)