Le nouveau commandant de l'Espace alerte sur la hausse d'activités "hostiles" information fournie par Reuters 19/09/2025 à 15:46
Le plus haut responsable militaire français chargé des opérations spatiales met en garde contre l’intensification d'actes "hostiles ou inamicaux" dans l’espace, en particulier de la part de la Russie, rejoignant ainsi un nombre croissant de puissances occidentales qui alertent publiquement sur une menace de sécurité en forte expansion.
Les actes hostiles connaissent une augmentation significative depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en février 2022, a déclaré à Reuters le général de division aérienne Vincent Chusseau.
Livrant sa première interview à des médias internationaux depuis qu’il a pris la tête du Commandement de l'Espace le mois dernier, l'officier explique que les adversaires de la France, en particulier la Russie, ont diversifié leurs méthodes pour perturber les satellites, recourant de plus en plus à des pratiques telles que le brouillage, les lasers et les cyberattaques.
"Le conflit ukrainiken a montré que l’espace avait une vraie dimension dans les conflits modernes (...) et que l’espace est devenu un domaine opérationnel à part entière", souligne-t-il.
La France, au premier rang des pays européens en matière de dépenses spatiales, a publiquement accusé Moscou en 2018 d’avoir tenté d’espionner ses communications secrètes en s’approchant furtivement en 2017 d’un satellite militaire franco-italien à l'aide d'un engin spatial rôdeur. Elle n'a pas divulgué de nouvelles manœuvres suspectes depuis cette date.
Le ministère russe de la Défense et l’agence spatiale Roscosmos n’ont pas répondu immédiatement à des demandes de commentaires.
Le Kremlin affirme que les puissances occidentales mènent contre la Russie une guerre hybride massive, comprenant propagande, cyberattaques et opérations de renseignement.
Moscou assure être opposée à toute militarisation de l’espace et nie les affirmations des États-Unis selon lesquelles elle aurait lancé en orbite des armes capables d'identifier et d’attaquer d’autres satellites.
La Chine, deuxième pays au monde après les États-Unis en termes de dépenses spatiales, développe quant à elle rapidement ses capacités dans ce domaine.
"Les Chinois ont énormément progressé dans toutes les capacités spatiales et chaque jour démontre une progression vertigineuse à lancer de plus en plus de satellites dans l’espace pour de nouvelles constellations, à développer des modes d’actions qui vont au-delà de ce qu’on a pu observer jusqu’à présent", déclare Vincent Chusseau.
MONTÉE DES MENACES CONTRE LES SATELLITES
Les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni font partie des pays occidentaux qui alertent publiquement sur les menaces croissantes pesant sur les satellites, essentiels aux armées et aux économies, de la banque à la gestion de l’énergie.
"Cette dépendance économique et militaire à l’égard de l’espace est de plus en plus menacée", a déclaré le chef du Commandement spatial britannique, le général de division Paul Tedman, dans un discours prononcé la semaine dernière à Londres, ajoutant que la menace s’accroît "en ampleur, en sophistication et en rapidité".
Le responsable des services spatiaux du Canada, qui s’exprimait aux côtés de Vincent Chusseau lors d’une conférence à Paris mardi, a déclaré que plus de 200 armes antisatellites se trouvaient désormais en orbite.
"C'est un chiffre choquant", a déclarè le général de brigade canadien Christopher Horner, ajoutant que ces armes représentent un risque pour les communications par satellite, l’observation de la Terre et la connaissance du domaine spatial, c’est-à-dire la capacité à surveiller ce qui se passe dans l’espace.
Les pays occidentaux réagissent en renforçant leurs propres capacités spatiales.
Le gouvernement allemand est "absolument déterminé à renforcer rapidement nos capacités et à défendre nos systèmes nationaux", a déclaré le général de division Michael Traut, chef du Commandement spatial allemand, lors de la conférence organisée par la société de conseil française Novaspace.
Il a indiqué que l’armée allemande était en train de développer des défenses spatiales, notamment une constellation de satellites à orbite multiple qui sera déployée par étapes, la première devant être achevée en 2029.
Vincent Chusseau a déclaré que l’une des priorités de la France était d’accroître la résilience de ses actifs spatiaux, notamment dans le domaine en rapide évolution des constellations en orbite basse, stimulé par la croissance spectaculaire du réseau Starlink d’Elon Musk. La France a récemment annoncé son intention d’augmenter sa participation dans l’opérateur de satellites parisien Eutelsat, dont le réseau OneWeb en orbite basse concurrence Starlink.
Bien que la France et ses alliés discutent rarement ouvertement de leurs capacités offensives, Vincent Chusseau a déclaré lors de la conférence qu'une autre de ses priorités était d'accélérer la capacité à réaliser "un large spectre d'effets dans l'espace (...) non seulement pour voir et comprendre, mais aussi pour agir".
La France a annoncé le lancement d’une série de satellites de démonstration destinés à patrouiller en orbite et à surveiller les adversaires. L’objectif est également, "au-delà de l'action espace-espace", de "disposer au plus vite de capacités surface-espace permettant de nier, interdire ou perturber les capacités spatiales adverses", a déclaré le Commandement de l'Espace à Reuters.
(Reportage Cassell Bryan-Low et Tim Hepher, version française Bureau de Gdansk, édité par Jean-Stéphane Brosse)