Le Nobel de la paix 2025 décerné à la Vénézuélienne Maria Corina Machado information fournie par Reuters 10/10/2025 à 17:54
OSLO (Reuters) -Le prix Nobel de la paix 2025 a été décerné à la cheffe de file de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado pour son travail de défense de la démocratie au Venezuela, a annoncé vendredi le comité Nobel norvégien.
La Vénézuélienne a été récompensée "pour son travail inlassable en faveur des droits démocratiques du peuple vénézuélien et pour sa lutte en faveur d'une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie", a déclaré le comité Nobel norvégien dans son communiqué.
Maria Corina Machado, ingénieure de 58 ans vivant dans la clandestinité, s'est vu interdire en 2024 par les tribunaux vénézuéliens de se présenter à l'élection présidentielle et ainsi de défier le président Nicolas Maduro, au pouvoir depuis 2013.
Elle a dû passer le flambeau pour l'élection présidentielle à Edmundo Gonzalez, un ancien diplomate de 74 ans, dans le cadre d'un scrutin dont l'intégrité a été remise en cause.
"Lorsque des autoritaristes s'emparent du pouvoir, il est essentiel de reconnaître les courageux défenseurs de la liberté qui se soulèvent et résistent", a déclaré l'organisme dans son communiqué.
"JE NE LE MÉRITE PAS"
Nicolas Maduro, dont les douze années au pouvoir ont été marquées par une profonde crise économique et sociale, a été investi pour un troisième mandat en janvier de cette année, malgré six mois de contestation électorale, des appels internationaux à se retirer et une augmentation de la récompense américaine offerte pour sa capture.
Empêchée de se présenter à l’élection de 2024, Maria Corina Machado s’est entièrement investie dans la campagne de son remplaçant, l’ancien ambassadeur Edmundo González, rassemblant des foules parfois de plusieurs milliers de personnes, selon des témoins et les images diffusées par les médias.
Cependant, plusieurs membres du cercle rapproché de Maria Corina Machado ont été arrêtés, dont son chef de la sécurité pendant la campagne, tandis que six autres membres de son équipe se sont réfugiés à l’ambassade d’Argentine après l’émission de mandats d’arrêt à leur encontre.
"Oh mon Dieu (...) je n’ai pas de mots", a déclaré Maria Corina Machado au secrétaire du comité Nobel, Kristian Berg Harpviken, lors d’un appel téléphonique diffusé sur les réseaux sociaux.
"Je ne le mérite pas", a-t-elle ajouté.
INCERTITUDE QUANT À SA PARTICIPATION À LA CÉRÉMONIE
Il n’était pas immédiatement clair si Maria Corina Machado pourrait assister à la cérémonie de remise du prix à Oslo, prévue le 10 décembre.
Si elle ne pouvait pas y assister, elle rejoindrait la liste des lauréats du prix Nobel de la paix empêchés de participer au cours des 124 ans d’histoire de la distinction, parmi lesquels le dissident soviétique Andreï Sakharov en 1975, le Polonais Lech Walesa en 1983 et la Birmane Aung San Suu Kyi en 1991.
Maria Corina Machado devient ainsi la première Vénézuélienne et la sixième personnalité latino-américaine à recevoir le prix Nobel de la paix.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a salué cette distinction comme une reconnaissance des "aspirations claires du peuple vénézuélien à des élections libres et équitables".
Le président du comité Nobel norvégien, Joergen Watne Frydnes, a déclaré qu’il espérait que ce prix stimulerait le travail de l’opposition vénézuélienne.
"Nous espérons que l’ensemble de l’opposition retrouvera une énergie renouvelée pour poursuivre le travail en vue d’une transition pacifique de la dictature vers la démocratie", a déclaré Joergen Watne Frydnes à Reuters après l’annonce.
LES ÉTATS-UNIS, FERVENTS SOUTIENS DE L’OPPOSITION VÉNÉZUÉLIENNE
La période précédant l’attribution du prix cette année a été dominée par les déclarations publiques répétées de Donald Trump, affirmant qu’il méritait de recevoir le prix Nobel de la paix. Trump est également un fervent critique de Nicolas Maduro.
"Je pense que le principal enseignement à tirer est que le comité démontre une fois de plus son indépendance, qu'il ne se laisse pas influencer par l'opinion publique ou les dirigeants politiques pour attribuer le prix", a déclaré Halvard Leira, directeur de recherche à l'Institut norvégien des affaires internationales.
"L'opposition démocratique au Venezuela est une cause que les États-Unis ont toujours soutenue avec enthousiasme. Dans ce sens, il serait difficile de considérer cela comme une insulte à Donald Trump", a-t-il ajouté.
Ces dernières semaines, les États-Unis ont frappé plusieurs navires suspectés de transporter de la drogue au large des côtes du Venezuela.
Donald Trump a également déclaré que les États-Unis envisageraient d’attaquer les cartels de drogue "arrivant par voie terrestre" au Venezuela.
TROP TARD POUR TRUMP CETTE ANNÉE
Joergen Watne Frydnes, président du comité Nobel, a refusé de préciser ce qu’il faudrait pour que Donald Trump ou d’autres puissent remporter le prix à l’avenir, ou si les efforts pour mettre fin aux combats à Gaza pourraient conduire à une récompense en 2026.
"S’il est nommé, alors cela sera examiné, mais le temps le dira", a déclaré Joergen Watne Frydnes.
"Ce n’est pas notre rôle de dire aux autres personnes ou pays ce qu’ils doivent faire, notre tâche est de décerner le prix de la paix (...) Nous verrons donc l’an prochain."
Le comité a pris sa décision finale avant l’annonce, mercredi, d’un cessez-le-feu et d’un accord sur les otages dans le cadre de la première phase de l’initiative de Donald Trump pour mettre fin à la guerre à Gaza.
Avant l’annonce du Nobel, les experts estimaient également que Donald Trump avait très peu de chances de le remporter, ses politiques étant perçues comme démantelant l’ordre international que le comité Nobel cherche à préserver.
Le prix de la paix est le cinquième Nobel décerné cette semaine, après ceux de littérature, chimie, physique et médecine. En 2024, le prix avait été attribué à l’organisation japonaise Nihon Hidankyo, un mouvement populaire regroupant les survivants des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki.
Le prix Nobel de la paix, d’une valeur de 11 millions de couronnes suédoises, soit environ 1,2 million de dollars, doit être remis à Oslo le 10 décembre, date anniversaire de la mort de l’industriel suédois Alfred Nobel, fondateur des prix dans son testament de 1895.
LA MAISON BLANCHE CRITIQUE LE CHOIX DU NOBEL DE LA PAIX
La Maison blanche a critiqué vendredi la décision du comité Nobel de décerner le prix de la paix à une dirigeante de l’opposition vénézuélienne plutôt qu’au président américain Donald Trump.
"Le président Donald Trump continuera à conclure des accords de paix, à mettre fin aux guerres et à sauver des vies. Il a le cœur d’un humanitaire, et il n’y aura jamais quelqu’un comme lui capable de déplacer des montagnes par la seule force de sa volonté", a déclaré le porte-parole de la Maison blanche, Steven Cheung, dans un post sur X.
"Le comité Nobel a prouvé qu’il place la politique au-dessus de la paix."
Le président républicain n’a pas encore commenté la décision du Nobel, mais il a publié vendredi matin trois vidéos sur son compte Truth Social montrant des partisans célébrant l’accord sur Gaza.
(Rédigé par Gwladys Fouche, Nora Buli, Nerijus Adomaitis, Tom Little et Terje Solsvik à Oslo ; version française Blandine Hénault, Coralie Lamarque et Elena Smirnova, édité par Kate Entringer)