Le FMI tire la sonnette d'alarme sur le niveau de la dette publique mondiale information fournie par Reuters 15/10/2025 à 17:50
par Andrea Shalal
La dette publique mondiale devrait dépasser 100% du produit intérieur brut (PIB) d'ici 2029 et grimper à son niveau le plus élevé depuis 1948, a prévenu mercredi le Fonds monétaire international (FMI), exhortant les pays à reconstituer des réserves face à d'éventuels risques économiques.
Pour Vitor Gaspar, directeur du département du département des finances publiques du FMI, le niveau de la dette publique dans le monde pourrait atteindre 123% du PIB d'ici la fin de la décennie dans l'hypothèse d'un "scénario défavorable, mais plausible". Ce niveau est juste en dessous du record historique de 132% atteint trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
"De notre point de vue, la situation la plus préoccupante serait celle où il y aurait des turbulences financières", a-t-il dit lors d'un entretien accordé à Reuters, citant un rapport distinct du FMI publié mardi qui met en garde contre une possible correction "désordonnée" du marché.
Cela pourrait déclencher une "boucle fatale" budgéto-financière, comme celle qui s'est produite pendant la crise de la dette souveraine européenne en 2010, a-t-il prévenu.
GUERRE COMMERCIALE SINO-AMÉRICAINE
Le FMI a relevé mardi sa prévision de croissance économique mondiale pour 2025 au regard de l'impact moindre qu'anticipé des droits de douane, mais a estimé qu'une nouvelle guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine pourrait lourdement peser sur le PIB.
Les perspectives très incertaines rendent les réformes budgétaires plus importantes que jamais, a averti Vitor Gaspar, ajoutant que le FMI exhorte les économies avancées et les pays en développement à réduire leur niveau d'endettement, à baisser les déficits et à constituer des réserves.
"Compte tenu des risques importants qui se profilent à l'horizon, il est important d'être préparé, et la préparation exige de disposer de réserves budgétaires qui permettent aux autorités de répondre à des chocs négatifs graves dans l'éventualité d'une crise financière", a-t-il déclaré.
Des recherches antérieures du FMI ont montré que les pays disposant d'une plus grande marge de manœuvre budgétaire étaient mieux à même de limiter les dommages sur l'emploi et l'activité économique en cas de chocs négatifs graves combinés à une crise financière, a expliqué Vitor Gaspar.
Dans son dernier "Fiscal Monitor", le FMI note que les pays riches, entre autres les Etats-Unis, le Canada, la Chine, la France, l'Italie, le Japon et la Grande-Bretagne, ont des niveaux de dette publique déjà supérieurs à 100% du PIB ou en passe de dépasser ce seuil.
Le risque pour ces pays est cependant considéré par le FMI comme de "faible à modéré" car ils disposent de marchés obligataires souverains profonds et de davantage d'options politiques. En comparaison, sur les marchés émergents et les pays à faible revenu, les ressources sont moins importantes et ces nations doivent faire face à des coûts d'emprunt plus élevés, malgré leurs ratios d'endettement relativement faibles, note l'organisation financière internationale.
Les coûts d'emprunt sont néanmoins bien plus élevés actuellement qu'entre la crise financière mondiale de 2008-2009 et la pandémie de COVID-19, qui a débuté en 2020, relève Vitor Gaspar.
Ces taux d'intérêt élevés grèvent les budgets des Etats alors même qu'ils doivent faire face à des tensions géopolitiques, une hausse des catastrophes naturelles, une irruption de nouvelles technologies et un vieillissement de la population, ce qui entraîne de fortes revendications des citoyens.
"Même si nous reconnaissons que l'équation budgétaire est très difficile à résoudre politiquement, il est temps de s'y préparer", écrit Vitor Gaspar dans un document de suivi budgétaire, notant que des dépenses publiques bien ciblées en faveur de l'éducation et des infrastructures pourraient stimuler le PIB.
INVESTISSEMENT DANS LE CAPITAL HUMAIN
Selon le FMI, l'affectation d'un seul point de pourcentage du PIB des dépenses courantes à l'éducation ou à d'autres investissements dans le capital humain pourrait accroître le PIB de plus de 3% d'ici à 2050 dans les économies avancées, et de près du double dans les marchés émergents et les économies en développement.
Aux Etats-Unis, la dette publique rapportée au PIB a dépassé, durant la pandémie de COVID-19, le sommet touché après la Seconde Guerre mondiale, et elle devrait excéder les 140% du PIB d'ici à la fin de la décennie, souligne Vitor Gaspar.
Le FMI exhorte les autorités américaines à stabiliser la dette en réduisant le déficit budgétaire à l'occasion de la revue de l'économie américaine qui débutera le mois prochain, note également l'économiste et ancien ministre des Finances du Portugal.
La réduction du déficit contribuerait à rééquilibrer l'économie américaine, tout en libérant des ressources pour le secteur privé non seulement aux Etats-Unis mais aussi dans le monde entier, a-t-il dit, ajoutant cela contribuerait à faire baisser les taux d'intérêt et à rendre les conditions de financement plus favorables.
La dette publique de la Chine a également fortement augmenté et devrait passer de 88,3% du PIB à 113% d'ici 2029, selon le FMI, qui prévoit également une revue de l'économie chinoise en novembre.
(Reportage Andrea Shalal; version française Claude Chendjou, édité par Blandine Hénault)