Le bilan de la guerre à Gaza dépasse 60.000 morts, l'aide toujours insuffisante
information fournie par Reuters 29/07/2025 à 15:40

par Michelle Nichols, Olivia Le Poidevin et Nidal al-Mughrabi

Un scénario de famine catastrophique se dessine dans la bande de Gaza et des mesures urgentes sont nécessaires pour éviter une hécatombe, a averti mardi le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), un organe de surveillance de la faim dans le monde, alors que plus de 60.000 Palestiniens sont morts depuis le début de la guerre.

Face aux critiques internationales croissantes concernant la situation humanitaire à Gaza, qui s'enfonce dans la famine selon les organisations présentes sur le terrain, Israël a annoncé ce week-end la mise en place de mesures visant à faciliter l'accès à l'aide, dont des "pauses" de ses opérations militaires.

Toutefois, le Programme alimentaire mondial (Pam) a déclaré mardi qu'il n'avait pas obtenu les autorisations nécessaires pour acheminer suffisamment d'aide depuis que l'armée a entamé ces "pauses humanitaires" dimanche.

"Nous recevons environ 50% de ce que nous demandons (...) Nous ne pourrons pas répondre aux besoins de la population si nous ne pouvons pas acheminer le volume d'aide dont nous avons besoin", a déclaré Ross Smith, conseiller principal pour les programmes régionaux du Pam, pendant une visioconférence avec des journalistes à Genève.

Le Pam dit disposer de "preuves de plus en plus nombreuses que la famine, la malnutrition et les maladies généralisées entraînent une augmentation des décès liés à la faim" et estime que les "seuils de famine" ont été atteints dans la majeure partie de la bande de Gaza.

Pour qu'une famine soit déclarée, il faut qu'au moins 20% de la population souffre de pénuries alimentaires extrêmes, qu'un enfant sur trois souffre de malnutrition aiguë et que deux personnes sur 10.000 meurent chaque jour de faim ou de malnutrition et de maladie.

Les autorités sanitaires de Gaza, liées au Hamas, font état d'un nombre croissant de personnes mourant de causes liées à la faim. Le nombre total s'élève à 147, dont 88 enfants, la plupart décédés au cours des dernières semaines.

Les images d'enfants palestiniens émaciés ont choqué le monde entier. Lundi, le président américain Donald Trump, allié inconditionnel d'Israël, a déclaré que de nombreuses personnes mouraient de faim à Gaza. Il a promis de créer de nouveaux "centres de distribution alimentaire".

LARGAGES FRANCO-ALLEMANDS À VENIR

Le gouvernement israélien, qui impose un blocus total à Gaza depuis des mois, nie mener une politique de famine, susceptible de constituer un crime de guerre et un crime contre l'humanité.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, a déclaré mardi que la situation à Gaza était "difficile", mais affirmé que des "mensonges" étaient proférés au sujet de la famine dans l'enclave, sans expliciter ses propos.

Gideon Saar a affirmé que 5.000 camions d'aide étaient entrés à Gaza au cours des deux derniers mois - un nombre très insuffisant pour subvenir aux besoins des quelque deux millions d'habitants, selon les organisations humanitaires - et ajouté qu'Israël aiderait les pays qui le souhaitent à effectuer des largages aériens - une méthode jugée inefficace et symbolique par les mêmes organisations.

Le chancelier allemand, Friedrich Merz, a déclaré mardi que deux Airbus A400M étaient en route vers la Jordanie pour effectuer des largages d'aide peut-être dès mercredi, en coordination avec la France.

"Cela ne représente sans doute qu'une petite contribution à l'aide humanitaire, mais ça envoie un signal important : nous sommes là", a-t-il dit pendant une conférence de presse aux côtés du roi Abdallah de Jordanie à Berlin.

L'arrivée chaotique et insuffisante de l'aide ajoute à la détresse des habitants de Gaza, toujours soumis à d'intenses bombardements de l'armée israélienne.

Selon les autorités sanitaires de Gaza, au moins 55 personnes ont été tuées dans la nuit de lundi à mardi, ce qui porte à plus de 60.000 le nombre de morts depuis le début de la guerre.

Des frappes aériennes ont notamment fait au moins 30 morts dans le camp de réfugiés de Nousseirat, dont 14 femmes et 12 enfants, d'après des médecins de l'hôpital Al Aouda.

L'hôpital a par ailleurs reçu de nombreux blessés et les corps de 13 personnes tuées par des tirs israéliens le long de la route de Salahedine, qui traverse Gaza du nord au sud, alors qu'elles attendaient l'arrivée des camions d'aide.

L'armée israélienne n'a pas fait de commentaire dans l'immédiat.

(Michelle Nichols aux Nations unies, Olivia Le Poidevin à Genève, Nidal Al-Mughrabi au Caire, avec la contribution de Lena Masri à Londres et Steven Scheer à Jérusalem, rédigé par Michelle Nichols et Tom Perry; version française Tangi Salaün, édité par Blandine Hénault)