(Actualisé avec réactions de Washington et de Paris)
par Pavel Polityuk
KYIV, 9 mars (Reuters) - La Russie a intensivement
bombardé une grande partie de l'Ukraine dans la nuit de mercredi
à jeudi, tuant au moins six civils et coupant pendant quelques
heures l'approvisionnement électrique de la centrale nucléaire
de Zaporijjia.
Cette pluie de missiles, la plus importante depuis
mi-février, met fin à la plus longue accalmie relative dans la
campagne de bombardements des infrastructures civiles
ukrainiennes lancée en octobre par Moscou.
Le ministère russe de la Défense a présenté ce raid
comme une "frappe de représailles massive" après ce que les
autorités russes ont qualifié d'attaque terroriste la semaine
dernière de la part de nationalistes ukrainiens infiltrés dans
la région de Briansk, frontalière de l'Ukraine.
Pour sa part, le président ukrainien Volodimir Zelensky
a déclaré que des infrastructures essentielles et des immeubles
résidentiels avaient été touchés dans 10 régions différentes.
"L'occupant ne sait que terroriser les civils. C'est
tout ce qu'il sait faire. Mais ça ne lui servira à rien. Il
n'échappera pas à la responsabilité de tout ce qu'il a fait",
a-t-il dit dans un communiqué.
Au moins cinq personnes ont été tuées par un tir de
missile dans un quartier résidentiel de Lviv, grande ville de
l'ouest de l'Ukraine située à 700 km du plus proche champ de
bataille, ont déclaré les services de secours ukrainiens. Des
images tournées sur place montrent une maison complètement
détruite et des bâtiments fortement endommagés.
La mort d'un autre civil a été signalée dans la région
de Dnipro, dans le centre du pays.
A Kyiv, la capitale, les habitants ont été réveillés en
pleine nuit par les explosions. Les sirènes d'alerte ont résonné
pendant sept heures, ce qui ne s'était jamais produit en cinq
mois de campagne de bombardements aériens russes.
La Russie affirme que ses tirs de missiles contre des
infrastructures ukrainiennes, même éloignées du front, visent à
réduire les capacités de combat de l'Ukraine.
Kyiv accuse au contraire Moscou de prendre délibérément
les civils pour cibles, sans réel objectif militaire, ce qui
constitue un crime de guerre.
La Maison blanche a qualifié ces frappes de
"dévastatrices".
A Paris, le Quai d'Orsay a également condamné ces
frappes massives sur l'Ukraine.
"Ces frappes ont une nouvelle fois délibérément ciblé
des immeubles résidentiels et des infrastructures civiles,
notamment énergétiques", a déclaré le ministère français des
Affaires étrangères. "Ces actes inacceptables sont constitutifs
de crimes de guerre et ne peuvent rester impunis", a-t-il ajouté
dans un communiqué.
MISSILES HYPERSONIQUES KINJAL
Selon des responsables ukrainiens, la Russie a tiré six
missiles hypersoniques Kinjal, soit un nombre sans précédent
jusqu'alors. Kyiv n'a aucun moyen d'abattre ce type de
projectile.
Des experts considèrent que Moscou ne dispose que de
quelques dizaines de missiles Kinjal, régulièrement vantés par
le président russe Vladimir Poutine comme une arme contre
laquelle l'Otan est impuissante.
Les bombardements de la nuit ont aussi coupé la centrale
nucléaire de
Zaporijjia
, la plus grande d'Europe, du réseau électrique, ce qui a
nécessité le démarrage de ses générateurs diesel de secours. La
centrale a de nouveau été raccordée au réseau en milieu
d'après-midi, a indiqué l'opérateur ukrainien Ukrenergo.
Le site, contrôlé par les Russes, se trouve près de la
ligne de front et les deux camps s'accusent mutuellement de
prendre le risque d'une catastrophe nucléaire en bombardant ses
alentours. Les responsables chargés par Moscou de faire
fonctionner la centrale ont qualifié de "provocation
ukrainienne" la rupture de son approvisionnement électrique.
Le port d'Odessa, sur la mer Noire, et Kharkiv, deuxième
ville du pays, dans l'Est, ont aussi été touchés par cette salve
de missiles qui a visé une large partie du territoire ukrainien,
de Jytomyr, Vinnytsia et Rivne dans l'ouest à Dnipro et Poltava,
dans le centre.
L'Ukraine affirme que sa défense antiaérienne est
parvenue à abattre des dizaines de missiles de croisière et de
drones.
Le maire de Kyiv, Vitali Klitschko, a fait état d'explosions
dans le sud-ouest de la capitale. Il a déclaré via la messagerie
Telegram que 40% des habitants étaient privés d'électricité.
Le gouverneur de la région d'Odessa, Maksym Martchenko, a
déclaré, lui aussi sur Telegram, que de nombreux missiles
avaient été tirés, touchant une installation électrique dans le
port, ce qui a provoqué des coupures de courant. Des quartiers
résidentiels ont aussi été atteints.
Toujours sur Telegram, le gouverneur de Kharkiv, Oleg
Sinehoubov, a pour sa part déclaré que la ville et la région
avaient subi 15 frappes.
(Rédaction de Reuters, rédigé par Peter Graff; version
française Camille Raynaud, Bertrand Boucey et Tangi Salaün,
édité par Jean-Stéphane Brosse, Matthieu Protard, Blandine
Hénault et Jean Terzian)