La France doit "accepter de perdre ses enfants" : "Nos enfants" n'iront pas "combattre et mourir en Ukraine", assure la porte-parole du gouvernement
information fournie par Boursorama avec Media Services 21/11/2025 à 12:23

Le général Mandon a estimé mardi qu'il fallait que la France restaure sa "force d'âme pour accepter de nous faire mal pour protéger ce que l'on est" et soit prêt à "accepter de perdre ses enfants".

Un militaire français à Canjuers, le 20 octobre 2025. ( AFP / FREDERIC DIDES )

Le gouvernement cherche à apaiser après la polémique provoquée par les propos du chef d'état-major des Armées français, Fabien Mandon, qui a estimé que la France devait "accepter de perdre ses enfants". "Nos enfants n'iront pas combattre et mourir en Ukraine", a promis vendredi 21 octobre la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

"On va être très clair : nos enfants, au sens où on l'entend, ne vont pas aller combattre et mourir en Ukraine", a déclaré Maud Bregeon sur TF1 , rappelant que la France avait "une armée de métier" .

"Le chef d'état-major des armées parlait de tous ces soldats qui, et il le dit un petit peu avant cette séquence, sont déployés partout dans le monde et ont entre 18 et 27 ans", a-t-elle ajouté. "On ne peut pas ignorer qu'un certain nombre de ces soldats sont tombés en opérations extérieures".

Mardi, devant le congrès des maires de France, le général Mandon a jugé nécessaire que le pays restaure sa "force d'âme pour accepter de nous faire mal pour protéger ce que l'on est" et soit prêt à "accepter de perdre ses enfants".

La déclaration a provoqué un coup de tonnerre dans le débat public et sur les plateaux télévisés des chaînes d'information. Les partis politiques d'opposition au camp présidentiel se hérissent, accusant Emmanuel Macron de préparer la guerre contre la Russie : "Un chef d'état-major des Armées ne devrait pas dire ça" (groupe parlementaire LFI, gauche radicale), "51.000 monuments aux morts dans nos communes ce n'est pas assez ? Oui à la défense nationale mais non aux discours va-t-en-guerre" (Fabien Roussel, parti communiste).

"Il faut être prêt à mourir pour son pays (...) en revanche, il faut que la guerre qui soit menée soit juste (...) ou que la nécessité fasse que ce soit carrément la survie de la nation qui soit en jeu", a dit Louis Aliot, du Rassemblement national (extrême droite). "Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de Français qui sont prêts à aller mourir pour l'Ukraine", a-t-il ajouté.

Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les autorités françaises -à l'instar d'autres gouvernements européens- déploient un discours récurrent pour faire comprendre à la population l'instabilité croissante provoquée par les ambitions de Moscou et les positions mouvantes de l'allié américain. La France doit "se préparer à l'hypothèse d'un engagement majeur de haute intensité dans le voisinage de l'Europe à horizon 2027-2030 , parallèle à une hausse massive des attaques hybrides sur son territoire", résume la Revue nationale stratégique de 2025, feuille de route des autorités.

Les Français se sentent éloignés du conflit

Plus largement, elles essayent aussi d'accroître la capacité de la société à surmonter une crise éventuelle. Le gouvernement publie ce jeudi un guide "face aux risques", regroupant des conseils pour réagir à un large éventail de menaces, des inondations aux cyberattaques ou des guerres.

Mais même si 64% des Français craignent que le conflit militaire se propage jusqu'en France (sondage Elabe de mars 2025), nombre d'entre eux continuent de se sentir éloignés de la guerre. "Parce que la France a été un champ de bataille pendant les deux guerres mondiales, que leurs traces sont visibles, i l faut comprendre que la représentation de la guerre pour les Français, demeure très nettement l'invasion du territoire ", explique à l' AFP la chercheuse Bénédicte Chéron, qui publie en janvier "Mobiliser. Faut-il rétablir le service militaire en France?" (Éditions du Rocher).

Et les déclarations du général Mandon interviennent dans un contexte "de forte défiance envers les autorités politiques", rappelle Bénédicte Chéron, estimant que les Français ont "du mal à accepter l'idée d'engager massivement des forces, d'en payer le prix -des morts, des blessés, coût économique, etc.- pour autre chose que protéger le territoire d'une invasion".

Quant à la perception de la dissuasion nucléaire, elle est peut-être myope. "La dissuasion nucléaire ne peut pas nous protéger de toutes les menaces, elle n'a pas été conçue dans ce but, malgré ce que peut penser la population", explique Héloïse Fayet, chercheuse sur la dissuasion à l'institut français des relations internationales (IFRI). "La résilience et les forces armées conventionnelles sont donc aussi indispensables".

"Par exemple ce n'est pas la dissuasion nucléaire qui va empêcher des incursions de drones sur le territoire , des actions de sabotage ou la désinformation", toute la palette des actions dites hybrides, explique-t-elle.

Mais "ces actions hybrides sont sans commune mesure avec ce que les Français continuent de percevoir comme étant, à tort ou à raison, la 'vraie guerre'", estime Bénéedicte Chéron. "En l'état, les seuils de perturbation qu'elles franchissent ne sont pas très élevés et pas de nature à faire accepter les contraintes d'une mobilisation des Français", assure-t-elle.