"La démocratie gagne toujours": dix ans après le 13-Novembre, François Hollande se souvient information fournie par AFP 05/11/2025 à 09:37
Le 13 novembre 2015, François Hollande se trouve au Stade de France lorsque les premières explosions retentissent à l'extérieur, début d'une soirée d'"horreur" dont l'ex-président se souvient avec émotion, dans un entretien à l'AFP.
De 2012 à 2017, son quinquennat "aura été marqué par la lutte contre le terrorisme islamiste". Dix ans après les attentats de Saint-Denis et Paris, qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés, M. Hollande l'assure: à la fin, "la démocratie gagne toujours".
Question: Les cérémonies de commémoration des attentats du 13-Novembre s'adressent-elles d'abord à notre pays ou aux survivants et proches des victimes tuées?
Réponse: "Elles s'adressent d'abord aux survivants et aux proches des victimes. C'est le devoir que nous avons à leur égard. Ne rien oublier, savoir que les cicatrices ne sont pas refermées, qu'il y a des blessures qui ne s'effaceront jamais et que nous sommes en dette à l'égard de cette partie de notre communauté nationale qui a été touchée. Pourquoi en dette? Parce que c'est la France qui était visée, toute la France, et ce sont certaines personnes qui sont tombées. Ensuite, elles s'adressent à la France et plus qu'à la France, au monde entier, pour montrer que les démocraties sont plus fortes que les barbares ou que les totalitarismes de toutes sortes, les fanatismes."
Q: Le 13 novembre 2015, peu avant minuit, vous prenez la parole depuis l'Elysée. "C'est une horreur", dites-vous. On vous sent très ému.
R: "Oui, je le suis encore au moment où je vous parle, quand je revois ces images, parce que cette intervention à la télévision est inédite. Le président de la République ne s'exprime pas devant les Français à minuit. S'il le fait, c'est parce qu'il y a des actes d'une très grande gravité qui viennent, et qui sont même en train de se commettre. Donc, je le fais parce que je mesure ce que ça représente, des dizaines de morts, des centaines de blessés. Et les mots +c'est une horreur+ me viennent spontanément. Ce discours, je ne l'ai pas écrit. Je l'ai prononcé avec trois, quatre phrases que j'avais la volonté de donner aux Français, pour à la fois marquer ce que nous vivions, la sidération qu'ils ressentaient, et aussi l'action que je devais engager."
Q: Dix ans après le 13-Novembre, vous y pensez encore souvent?
R: "Oui, j'y pense chaque fois que je passe devant les lieux. Il se trouve que je n'habite pas si loin à Paris, et donc je passe devant les terrasses, devant le Bataclan, et je me rends aussi parfois au Stade de France. (...) Mais je n'ai pas besoin d'être forcément sur les lieux pour y songer, parce que tout mon quinquennat aura été marqué par la lutte contre le terrorisme islamiste. (...) La France, durant toutes ces années, elle a fait bloc et elle a été capable de surmonter. Et la meilleure preuve, j'évoquais le procès (des attentats du 13-Novembre, en 2021-2022 ndlr), c'est que lorsque je me suis adressé, sans qu'ils aient à répondre, aux accusés, aux terroristes, ceux qui étaient les complices ou même ceux qui ont agi, je leur ai dit: +Vous voyez, la différence, c'est que vous, vous avez attaqué, vous avez tué, vous avez assassiné des personnes innocentes. Nous, on vous juge, vous avez des avocats, vous avez le droit, vous avez un procès, eh bien c'est ça, nous avons gagné la partie. Vous êtes des individus qui ont commis l'irréparable, nous, nous sommes la démocratie, elle gagne, elle gagne toujours à la fin+."
Q: L'extension de la déchéance de nationalité que vous proposez après les attentats, le regrettez-vous?
R: J'avais reçu toutes les formations politiques et parmi les demandes qui étaient faites par l'opposition de l'époque, il y avait la déchéance de nationalité, qui existe dans notre droit et qui pouvait être étendue aux doubles nationaux, même si en l'occurrence ceux qui avaient commis ces actes horribles à Paris étaient des Français qui n'avaient pas de double nationalité. Donc j'ai pris cette mesure parce qu'elle pouvait réunir (...) puis ensuite il y a eu cette interrogation: même si cette déchéance existe -et qu'elle est prononcée encore aujourd'hui, bien plus que je ne l'avais fait durant mon quinquennat- est-ce qu'elle était comprise pour ce qu'elle était? Est-ce qu'il n'y avait pas un risque que les personnes qui ont la double nationalité par naissance (...) aient le sentiment qu'ils n'étaient pas des Français comme les autres. (...) Et comme il y avait cette crainte, en tout cas ce débat, j'ai pensé que c'était mieux de retirer la mesure. Elle était faite pour unir, elle commençait à diviser.
Q: Avez-vous avez finalement des regrets sur cette période?
R: "Non, je n'ai pas de regrets sauf celui, toujours, qui reste à l'esprit, même si ce n'était pas ma responsabilité, de dire +Est-ce que nous aurions pu déjouer ici, là?+, chaque fois qu'il se produisait un attentat. (...) Mais je pouvais aussi dire, +on en a déjoué beaucoup, d'attentats+, dont personne n'a entendu, et heureusement, parler. (...) Est-ce que j'ai des regrets pour avoir mené la politique internationale qui était la mienne contre le terrorisme islamiste? Non, je pense que c'était, et c'est encore le devoir de la France. (...) Pas de regrets non plus dans les lois que nous avons pu faire voter, parce que ça, c'était mon interrogation. (...) Est-ce que, finalement, pour protéger les Français, on n'allait pas mettre en cause nos libertés, nos principes fondamentaux? Non, j'ai tenu bon pour que l'on trouve cet équilibre."
Q: Certains des auteurs des attentats étaient Français. N'est-ce pas aussi un échec de la République?
R: "Oui, on peut dire que c'est un échec collectif. Comment n'a-t-on pas pu leur donner l'amour de leur propre pays, l'amour de leurs propres concitoyens? Comment on n'a pas pu les amener à réfléchir à ce que représente l'idée de la France plutôt que cette idée fanatique d'aller tuer ses semblables? Pourquoi? Et comment on les a laissés s'échapper, d'une certaine façon, de la République? Oui, cette question-là, on doit se la poser à bien des égards encore aujourd'hui."