La consommation d'alcool est certes dangereuse pour la santé mais nous aurait fait évoluer
information fournie par Boursorama avec LabSense 20/06/2017 à 00:45

Il y a dix millions d’années, lorsque nos très lointains ancêtres ont dû descendre des arbres pour se nourrir, une mutation qui favorisa l’ingestion d’éthanol leur a permis de survivre à la consommation de fruits tombés au sol, parfois fermentés. Le goût de l’homme pour les boissons alcoolisées viendrait d’aussi loin et ne s’est depuis jamais démenti.

La consommation d'alcool estcertes dangereuse pour la santé mais nous aurait fait évoluer

Une mutation essentielle

Selon le paléogénéticien Matthew Carrigan, du Santa Fe College aux États-Unis, dont les propos sont rapportés par le magazine Sciences et Avenir, "il y a dix millions d'années, une mutation est survenue chez l'ancêtre africain commun aux humains et aux grands singes. Elle lui a permis de métaboliser l'éthanol — ou alcool éthylique— quarante fois plus rapidement !". Une mutation qui correspond chronologiquement au moment où les grands singes ont dû se mettre à marcher. Face aux changements climatiques et à la déforestation qui en résulta, les grands singes ont été contraints de descendre au sol pour aller chercher des fruits, plus ou moins fermentés. Ralentir le métabolisme, faciliter la digestion et favoriser le stockage des graisses sont les principaux avantages de l’ingestion d’éthanol. Cette modification a donc été essentielle à l'ancêtre de l'Homme, pour pouvoir s'alimenter.

« Des singes ivres »

Cette étude vient corroborer l’"hypothèse des singes ivres" (2004) du biologiste Robert Dudley. C’est ce chercheur de l’université californienne de Berkeley qui, le premier, avança l’idée que l'attrait des humains pour l'éthanol pourrait avoir des bases génétiques héritées de nos ancêtres primates et de leur consommation de fruits. Il en déduit également que notre espèce serait génétiquement prédisposée à être attirée par l’alcool et ses abus. Jusqu’à présent, cette idée a été contestée par certains archéologues qui estiment que la concentration d’alcool obtenue par fermentation « spontanée » est insuffisante pour déclencher des effets psychoactifs. Mais une récente découverte faite dans la forêt guinéenne confirme pourtant cette hypothèse. Entre 1995 et 2012, des scientifiques ont observé une communauté de chimpanzés ayant pour habitude de boire du vin de palme obtenu par fermentation naturelle de la sève du palmier. Sans cette mutation, consommer d'importantes quantités d'alcool aurait été bien plus dangereux, voire fatal.

Des raisins sauvages, des baies d’aubépine, du riz et du miel

S’il est encore difficile de déterminer le moment précis où l’homme a su fabriquer des boissons à fermentation contrôlée et les conserver, les premières traces d’un breuvage fermenté remontent à 7 000 ans avant J.C., avec l’apparition de la poterie. Les vases de Jiahu, un site archéologique proche du Fleuve Jaune en Chine, ont révélé en 2003 des résidus de raisins sauvages, de baies d’aubépine, de riz et de miel. Quant au vin, il a été identifié dans des céramiques perses datées de 5 400 ans avant J.C. De nombreux autres résidus ont été retrouvés à cette période néolithique, essentiellement dans des tombes ou des lieux de cérémonies rituelles. Les boissons alcoolisées ont eu sans doute une fonction sacrée dans les sociétés préhistoriques, fonction qui perdure encore aujourd’hui à l’instar du vin de l’eucharistie. L’alcool aurait ainsi joué un rôle majeur non seulement dans notre évolution mais aussi dans le développement de la civilisation.