La Chine poursuit ses manoeuvres près de Taïwan, simule un blocus de l'île information fournie par Reuters 30/12/2025 à 04:57
par Yimou Lee et Joe Cash
La Chine a lancé mardi une dizaine d'heures d'exercices militaires autour de Taïwan, effectuant pour une deuxième journée consécutive des manoeuvres d'une ampleur sans précédent, déployant des navires d'assaut amphibies, des bâtiments de guerre et des bombardiers pour simuler un blocus de l'île.
Des tirs à balle réelle vont être effectués jusqu'à 18h00 (10h00 GMT) en mer et dans l'espace aérien en cinq lieux autour de Taïwan, a fait savoir le commandement militaire du théâtre oriental chinois. La marine et l'aviation chinoises devaient procéder également à des frappes contre des cibles maritimes et aériennes, a-t-il déclaré, ajoutant que des opérations anti-sous-marins étaient menées au nord et au sud de l'île.
Ces manoeuvres militaires, baptisées "Mission Justice 2025", interviennent moins de deux semaines après que les Etats-Unis ont annoncé une vente d'armes à Taïwan d'un montant inédit de 11 milliards de dollars. Washington est le principal fournisseur d'armes de Taipei.
Une source sécuritaire taïwanaise a déclaré à Reuters que Taipei surveillait de près ce sixième cycle d'exercices militaires majeurs de la Chine depuis 2022, et notamment de quelconques tirs de missiles au-dessus de l'île démocratique, comme ce fut le cas il y a trois ans, quand Pékin avait ainsi protesté contre la visite à Taïwan de Nancy Pelosi, alors 'speaker' de la Chambre américaine des représentants.
D'après ce représentant de haut rang, il semble que l'armée chinoise profite de ces manoeuvres pour s'entraîner à viser des cibles terrestres telles que les systèmes américains de lancement de missiles HIMARS, dont la portée d'environ 300 kilomètres pourrait potentiellement permettre d'atteindre des zones côtières du sud de la Chine.
Pékin, qui considère Taïwan comme une province renégate, répète de longue date ne pas exclure de recourir à la force pour ramener l'île dans son giron.
Le détroit de Taïwan est un axe important de transit commercial, tandis que l'espace aérien au-dessus de l'île sert de corridor entre la Chine et les marchés à forte croissance d'Asie du Sud-Est et d'Asie de l'Est.
"PRESSION EXTRÊME"
Onze des quatorze liaisons aériennes de Taïwan vont être affectées par les manoeuvres militaires de la Chine, a déclaré l'administration de l'aviation civile taïwanaise, impactant plus de 100.000 passagers et laissant un seul corridor aérien disponible pour relier l'île au Japon.
"La Chine tente de progresser pour imposer sa domination sur l'archipel tout entier via des tactiques de pression extrême de différentes façons", a déclaré le représentant sécuritaire taïwanais. Pékin entend "remodeler l'ordre international conformément à ses objectifs", a-t-il ajouté.
Selon le ministère taïwanais de la Défense, 130 appareils de l'aviation chinoise et 22 navires ont effectué des opérations autour de Taïwan entre lundi 06h00 et mardi 06h00.
La presse officielle chinoise a de nouveau diffusé mardi des images de propagande, dont une, intitulée "Les Marteaux de la Justice", montrant le président taïwanais Lai Ching-te être écrasé par un marteau frappant le sud de Taïwan tandis qu'un autre marteau s'écrase sur le nord de l'île.
L'armée chinoise a déclaré avoir déployé mardi des torpilleurs, des bombardiers et d'autres unités pour effectuer des simulations d'assaut maritime ainsi que des manoeuvres de défense aérienne et anti-sous-marins.
Simuler un blocus des deux ports essentiels de Taïwan - Keelung dans le sud de l'île et Kaohsiung dans le nord - est au coeur des manoeuvres, a fait savoir lundi le commandement militaire du théâtre oriental chinois.
Une ébauche d'un rapport du Pentagone, que Reuters a pu consulter la semaine dernière, estime que "la Chine s'attend à être capable de livrer une guerre contre Taïwan et de la remporter d'ici la fin de l'année 2027", soit pour le centenaire de la création de l'armée chinoise.
Reste que la campagne de lutte anti-corruption menée par le président Xi Jinping dans les rangs de l'armée chinoise a soulevé des interrogations sur l'état de préparation de celle-ci, alors que huit généraux ont été exclus en octobre dernier.
(Joe Cash à Pékin, Yimou Lee à Taipei; version française Jean Terzian)