L'UE renonce à interdire la vente de voitures neuves thermiques dès 2035 information fournie par Reuters 16/12/2025 à 18:56
(Actualisé avec réactions supplémentaires)
La Commission européenne a proposé mardi de lever l'interdiction effective de l'Union européenne (UE) sur les voitures neuves à moteur thermique à partir de 2035, en autorisant la poursuite de la commercialisation de certains véhicules non électriques.
Sous la pression intense de l'Allemagne, de l'Italie et de l'ensemble du secteur automobile, qui jugeaient l'objectif initial inatteignable, l'exécutif européen a proposé de fixer à 90% l'objectif de réduction des émissions de CO2 par rapport à 2021 pour les flottes des constructeurs automobiles, au lieu de 100%.
Selon la proposition de la Commission, les constructeurs automobiles devraient compenser les émissions restantes en utilisant de l'acier à faible teneur en carbone fabriqué dans l'UE et des carburants synthétiques ou des biocarburants non alimentaires.
Le plan accorde également aux constructeurs automobiles une période de trois ans, de 2030 à 2032, pour réduire les émissions de CO2 des voitures de 55% par rapport aux niveaux de 2021. Pour les camionnettes, l'objectif de 2030 serait ramené de 50% à 40%.
Cette proposition de révision de la législation de 2023 constituerait, si adoptée par les pays de l'UE et le Parlement européen, le recul le plus important des Vingt-Sept en matière de politiques environnementales depuis près de cinq ans.
Elle intervient au lendemain de l'annonce du constructeur américain Ford F.N de faire marche arrière sur l'électrification de sa gamme, un revirement stratégique majeur qui va se traduire par une provision de 19,5 milliards de dollars dans les comptes du groupe.
PRESSIONS POUR UN ASSOUPLISSEMENT
Les constructeurs automobiles traditionnels comme Volkswagen
VOWG.DE et Stellantis STLAM.MI , ont exercé de fortes pressions pour un assouplissement des objectifs face à la concurrence féroce de leurs rivaux chinois, dont les coûts sont inférieurs.
Mais les industriels les plus spécialisés dans l'électrique - batterie, recharge, véhicules - déplorent quant à eux que l'Union européenne cède de plus en plus de terrain à la Chine dans la transition vers l'électrification.
La législation de 2023 visait à accélérer la transition des moteurs à combustion vers les batteries ou les piles à combustible et à sanctionner financièrement les constructeurs automobiles qui ne respectaient pas les objectifs fixés.
Mais pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de vendre davantage de véhicules électriques (VE), un secteur où les constructeurs automobiles européens sont à la traîne par rapport à Tesla TSLA.O et des groupes chinois tels que BYD
002594.SZ et Geely GEELY.UL .
Luc Chatel, président de la Plateforme de la filière automobile (PFA), a salué la décision.
"Nous avons le sentiment d'une vraie prise de conscience de la part des autorités européennes, et les annonces qui ont été présentées il y a quelques minutes constituent une première réponse à ces urgences", a-t-il déclaré sur RTL.
"On a vu que la solution unique de l'électrique ne rencontrait pas le consommateur à un niveau suffisant, donc il fallait rouvrir le jeu et c'est ce que la Commission européenne a décidé de faire aujourd'hui", a-t-il encore dit.
NUIRE "À LA COMPÉTITIVITÉ DE L'EUROPE"
L'industrie des véhicules électriques a averti que l'assouplissement des objectifs en matière d'émissions pourrait nuire aux investissements et faire prendre encore plus de retard à l'Europe par rapport à la Chine dans la transition électrique.
"Passer d'un objectif clair de 100% d'émissions zéro à 90% peut sembler insignifiant, mais si nous faisons marche arrière maintenant, nous ne nuirons pas seulement au climat. Nous nuirons à la compétitivité de l'Europe", a déclaré Michael Lohscheller, directeur général du constructeur suédois de véhicules électriques Polestar.
William Todts, directeur exécutif du groupe de défense des transports propres T&E, a déclaré que l'UE cherchait à gagner du temps tandis que la Chine prenait une longueur d'avance.
"S'accrocher aux moteurs à combustion ne permettra pas aux constructeurs automobiles européens de retrouver leur grandeur", a-t-il estimé.
La Commission a également détaillé mardi des mesures pour renforcer le poids des véhicules électriques dans les flottes d'entreprises, qui représentent environ 60% des ventes de voitures neuves en Europe.
Les objectifs nationaux pour 2030 et 2035 seraient fixés en fonction du PIB par habitant, laissant aux pays le soin de décider comment les atteindre.
Les groupes industriels ont cité comme modèle les allégements fiscaux accordés par la Belgique aux constructeurs de VE.
La Commission a en outre proposé de créer une nouvelle catégorie réglementaire pour les petits véhicules électriques, qui seraient soumis à des règles moins strictes et pourraient bénéficier de crédits supplémentaires pour les objectifs de CO2 s'ils sont fabriqués dans l'UE.
"Aujourd'hui, c'est une victoire tragique pour le pouvoir bien établi d'une industrie qui s'accroche au passé, face à un secteur compétitif et tourné vers l'avenir, prêt à mener l'Europe vers un avenir prospère", a déclaré Dominic Phinn, responsable des transports au Climate Group.
(Philip Blenkinsop, avec Charlotte Van Campenhout and Nick Carey à Londres; Gilles Guillaume et Etienne Breban pour la version française, édité par Blandine Hénault)