L'ex-ministre égyptien Khaled el-Enany désigné à la tête de l'Unesco information fournie par AFP 06/10/2025 à 21:13
Le Conseil exécutif de l'Unesco a désigné lundi l'Egyptien Khaled el-Enany pour devenir son prochain directeur général pour les quatre prochaines années dans un contexte de remise en cause de l'organisation, accusée d'être politisée et secouée par le retrait annoncé des Etats-Unis.
Cet ancien ministre des Antiquités et du Tourisme de 54 ans, égyptologue de formation, a très largement devancé le candidat congolais Firmin Edouard Matoko, rassemblant 55 voix sur 57.
Ce vote doit désormais être entériné le 6 novembre lors de la réunion de la Conférence générale de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture à Samarcande (Ouzbékistan). Jamais la Conférence n'est allée à l'encontre d'un choix du Conseil exécutif.
Ce parfait francophone, diplômé d'égyptologie à l'université de Montpellier, deviendra alors le premier directeur général de l'Unesco originaire d'un pays arabe, et le deuxième Africain après le Sénégalais Amadou Mahtar Mbow (1974-1987).
"Je souhaite le meilleur au Dr el-Enany pour accomplir sa noble mission", a réagi le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi dans un communiqué, évoquant une "réussite historique" pour son pays.
M. el-Enany prendra officiellement ses fonctions mi-novembre, succédant à la Française Audrey Azoulay, en poste depuis 2017.
Devant le Conseil exécutif, il a promis lundi de travailler "main dans la main avec tous les Etats membres pour bâtir ensemble une feuille de route pour moderniser l'Unesco et la projeter vers l'avenir".
- Le budget, "notre priorité" -
Il prend les rênes d'une organisation traversée par une profonde remise en question, accusée ces derniers mois d'être politisée.
Après Israël en 2017, elle a enregistré cette année le départ du Nicaragua, annoncé en mai après l'attribution d'un prix à un journal d'opposition, et surtout des Etats-Unis, officialisé en juillet par l'administration Trump qui l'accuse de parti pris anti-israélien, de promouvoir "des causes sociales et culturelles clivantes" et de défendre "une feuille de route idéologique et mondialiste".
Le départ des Etats-Unis ampute non seulement les finances de l'organisation - Washington fournit 8% de son budget total - mais encore son prestige.
Khaled el-Enany a promis de s'employer à faire revenir les Etats-Unis, ce qu'avait réussi à faire Audrey Azoulay en 2023, six ans après la décision de Donald Trump de retirer son pays.
Devant la presse, il a déclaré vouloir "privilégier les délibérations techniques plutôt que la politisation de l'organisation, construire le consensus afin de préserver l'Unesco comme un espace de rapprochement et de solutions", dans "un monde en pleine tourmente".
"Le défi actuel, c'est le budget. Ca va être notre priorité à tous", a-t-il ajouté.
Face à la perte des financements américains et aux réticences croissantes des pays européens qui préfèrent orienter leurs dépenses vers la défense, M. el-Enany en a appelé à "la responsabilité" des Etats membres.
Il entend notamment attirer plus de contributions volontaires de gouvernements, via notamment des systèmes d'échange de dette (debt swap), et de recourir davantage au secteur privé (fondations, mécènes, entreprises etc...), dont les apports ne représentaient que 8% du budget en 2024.
- "Terrain" -
Durant sa campagne, Khaled el-Enany a promis d'apporter un "regard nouveau" et le savoir-faire tiré de sa carrière passée "sur le terrain" - en tant que chercheur, directeur du célèbre Musée égyptien du Caire, puis ministre - pour donner "plus de visibilité et plus d'impact" à l'Unesco.
Son passage en tant que ministre en Egypte avait été globalement salué, dans une période où ce secteur majeur de l'économie du pays, grand pourvoyeur d'emplois et de devises, a été ébranlé par de sanglants attentats de l'Etat islamique en 2017 et 2018, puis la pandémie de Covid de 2020.
Il a également supervisé la création du Musée national de la civilisation égyptienne, qui abrite depuis 2021 une dizaine de momies royales dont celle de Ramsès II.
Son nom a toutefois été associé à des dommages causés en 2020 par des grands travaux de développement urbains dans la nécropole historique du Caire, "La Cité des morts". L'expulsion d'habitants précaires et le déplacement de dépouilles de ce site inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco avaient suscité de vives critiques.
Le ministère dirigé par M. el-Enany avait alors assuré n'avoir procédé à "aucune destruction de monuments", seulement "des tombes contemporaines".