L'Estonie dit que trois avions de chasse russes ont violé son espace aérien
information fournie par Reuters 19/09/2025 à 23:12

(Actualisé avec déclarations de Trump §4 et Macron §14)

par Andrius Sytas et Gram Slattery

Trois avions militaires russes ont violé vendredi l'espace aérien de l'Estonie pendant 12 minutes, a déclaré le gouvernement de ce pays membre de l'Otan, qui a dénoncé une incursion d'une "impudence sans précédent" dans un climat de plus en plus tendu sur le flanc oriental de l'alliance transatlantique.

L'Otan a dit avoir réagi immédiatement et intercepté les appareils tandis que la Haute Représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères, Kaja Kallas, elle-même ancienne Première ministre de l'Estonie, a jugé par la voix d'un porte-parole qu'"il ne s'agissait pas d'un accident".

L'actuel Premier ministre estonien, Kristen Michal, a annoncé vendredi soir sur X que Tallinn demandait à l'Otan l'organisation de consultations entre pays membres dans le cadre de l'article 4 de son traité.

Le président américain Donald Trump a quant à lui exprimé son mécontentement. "Je n'aime pas quand cela arrive. Cela pourrait être un gros problème", a-t-il dit aux journalistes.

Cet incident survient après l'intrusion de plus de 20 drones russes dans l'espace aérien polonais dans la nuit du 9 au 10 septembre, qui a incité des pays de l'Otan à faire décoller des chasseurs pour abattre une partie de ces engins. Selon les responsables occidentaux, la Russie a voulu avec cette intrusion tester l'état de préparation et la détermination de l'Alliance.

Il intervient aussi trois jours après la fin des grandes manoeuvres militaires conjointes entre la Russie et la Biélorussie, baptisées "Zapad 2025".

La Pologne a fait état vendredi soir d'un autre incident impliquant deux avions de chasse russes passés à basse altitude, au mépris des règles de sécurité, au-dessus de la plateforme pétrolière Petrobaltic en mer Baltique.

Selon l'Estonie, le plus septentrional des trois pays baltes, trois avions de combat MiG-31 sont entrés dans son espace aérien sans autorisation et y sont restés pendant 12 minutes.

"La Russie a déjà violé l'espace aérien estonien à quatre reprises cette année, ce qui est inacceptable en soi, mais la violation d'aujourd'hui, au cours de laquelle trois avions de combat sont entrés dans notre espace aérien, est d'une impudence sans précédent", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Margus Tsahkna.

"Il faut répondre à la mise à l'épreuve sans cesse croissante des frontières et à l'agressivité de la Russie en renforçant rapidement la pression politique et économique", a-t-il ajouté.

DES F-35 ITALIENS SONT INTERVENUS, DIT UNE SOURCE

Le ministère russe de la Défense n'a pas répondu dans l'immédiat à une demande de commentaire. Des chasseurs russes volent régulièrement au-dessus de la mer Baltique entre la Russie et son enclave de Kaliningrad, où est basée sa flotte de la Baltique.

"Aujourd'hui, des avions de chasse russes ont violé l'espace aérien estonien. L'Otan a réagi immédiatement et intercepté les appareils russes. C'est un nouvel exemple de l'attitude irréfléchie de la Russie et de la capacité de l'Otan à réagir", a dit une porte-parole de l'Alliance sur X.

La France, qui revendique de contribuer à la sécurité de l'Estonie via le déploiement de moyens militaires sur place depuis 2017, a dénoncé "une nouvelle provocation de la part de la Russie" et condamné "avec la plus grande fermeté cette incursion dangereuse et irresponsable", a dit le Quai d'Orsay.

Emmanuel Macron a jugé sur X qu'il s'agissait d'une "nouvelle étape dans cette accumulation de provocations et de gestes irresponsables de la Russie", en annonçant qu'une "posture de sécurité sera(it) adoptée face à ces violations répétées".

L'Estonie a dit avoir convoqué le plus haut diplomate russe dans le pays pour lui transmettre une protestation officielle.

Son Premier ministre a annoncé dans la soirée avoir réclamé à l'Otan l'organisation de consultations dans le cadre de l'article 4 de son traité, qui prévoit cette possibilité lorsque l'un de ses membres juge menacée l'intégrité territoriale, l'indépendance politique ou la sécurité de l'un des signataires.

Selon une source européenne, les chasseurs russes ont parcouru environ cinq milles nautiques (9 km) dans l'espace aérien de l'Otan avant d'être repoussés par des F-35 italiens.

Les forces de défense estoniennes ont dit que l'incursion avait eu lieu vendredi matin dans le secteur de l'île de Vaindloo, dans le nord du pays à une centaine de kilomètres de Tallinn.

Les appareils russes n'avaient pas fourni de plans de vol, leurs transpondeurs étaient éteints et ils ne sont pas entrés en contact avec le contrôle aérien, ont accusé les autorités estoniennes.

Les incursions d'avions russes dans le secteur de l'île de Vaindloo sont relativement fréquentes mais ne durent généralement pas aussi longtemps que celle de vendredi.

"Il est difficile de voir comment cela a pu ne pas être intentionnel", a commenté un responsable américain ayant requis l'anonymat, tout en soulignant qu'une évaluation de l'incident était en cours.

Fervente partisane de l'Ukraine, l'Estonie a déclaré en mai que Moscou avait brièvement envoyé un avion de chasse dans l'espace aérien de l'Otan au-dessus de la mer Baltique durant une tentative d'interception d'un pétrolier à destination de la Russie, considéré comme faisant partie d'une "flotte fantôme" défiant les sanctions occidentales.

(Andrius Sytas, Gram Slattery, Sabine Siebold, Gwladys Fouche, Angelo Amante, Idrees Ali, Anne Kauranen, Louise Rasmussen, Terje Solsvik, Nerijus Adomaitis, Lili Bayer, Andrew Gray et Anna Wlodarczak-Semczuk, rédigé par Alan Charlish, version française Benjamin Mallet et Bertrand Boucey, édité par Jean-Stéphane Brosse)