L'Allemagne accuse la Russie d'une cyberattaque contre la sécurité aérienne et d'ingérence électorale
information fournie par AFP 12/12/2025 à 18:19

Le Bundestage à Berlin le 26 novembre 2025 ( AFP / JOHN MACDOUGALL )

L'Allemagne a attribué vendredi à la Russie une "attaque informatique" contre sa sécurité aérienne ainsi qu'une "campagne" de déstabilisation durant les dernières législatives allemandes, des accusations jugées "absurdes" et "infondées" par l'ambassade russe dont le représentant a été convoqué plus tôt dans la journée.

"Le service de renseignement militaire russe GRU est responsable de cette attaque" informatique commise en août 2024 contre la sécurité aérienne allemande, que Berlin "attribue clairement (...) au collectif de hackers APT28, également connu sous le nom de Fancy Bear", a déclaré un porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères lors d'un point de presse régulier.

Berlin accuse aussi "de manière formelle" Moscou d'avoir essayé, "à travers la campagne Storm 1516, d'influencer et de déstabiliser tant la dernière élection au Bundestag (Parlement allemand, en février) que, de façon continue, les affaires intérieures de la République fédérale d'Allemagne", a-t-il poursuivi.

Depuis l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, les pays européens accusent la Russie de mener une guerre "hybride" contre eux — un mélange de moyens non conventionnels qui peut inclure du sabotage et des campagnes de désinformation.

Mais l'ambassadeur de Russie a "catégoriquement rejeté les accusations d'implication de structures étatiques russes dans ces incidents et, de manière générale, dans les activités de groupes de hackers", a indiqué la représentation diplomatique russe dans un communiqué transmis à l'AFP.

Elle y voit une manoeuvre du ministère des affaires étrangères pour "attiser les sentiments anti-russes en Allemagne et détruire les relations russo-allemandes".

- Mesures de rétorsion -

Berlin affirme pourtant détenir des "preuves absolument solides" de l'implication de Moscou dans ces deux affaires, mais ne les détaillera pas pour protéger le travail de ses services de renseignement, a affirmé le porte-parole.

Il a annoncé, "en étroite concertation avec nos partenaires européens, une série de mesures de rétorsion afin de faire payer à la Russie le prix de ses attaques hybrides".

L'Allemagne va "soutenir de nouvelles sanctions individuelles contre des acteurs hybrides" au niveau de l'UE, qui impliqueront des "interdictions d'entrée" dans l'UE, "le gel de leurs avoirs et une interdiction d'accès aux ressources économiques", a-t-il expliqué.

Et à partir de janvier, les déplacements transfrontaliers des diplomates russes dans l'espace européen Schengen seront également contrôlés, afin de "minimiser les risques en matière de renseignement", tandis que d'autres "restrictions bilatérales pour le personnel diplomatique russe" sont aussi prévues, a-t-il précisé.

Ces derniers mois, Berlin a aussi sonné la mobilisation pour renforcer sa défense contre les drones afin de répliquer aux multiples incursions de ce type d'appareils sur des sites stratégiques, des aéroports aux terrains industriels, dont il soupçonne Moscou d'être responsable.

Le gouvernement du chancelier Friedrich Merz a déjà renforcé les pouvoirs de la police en lui permettant d'abattre des drones, et a adopté un projet de loi qui doit permettre à l'armée d'intervenir contre les drones non autorisés dans l'espace aérien national.

Premier soutien de l'Ukraine en Europe et plateforme logistique clé pour l'Otan, l'Allemagne se considère comme une cible centrale de ces attaques.

Berlin observe "depuis un certain temps une augmentation massive des activités hybrides menaçantes de la part de la Russie", qui vont "des campagnes de désinformation à l’espionnage et aux cyberattaques, jusqu'aux tentatives de sabotage", a souligné vendredi le même porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

- Médias imités -

La campagne Storm 1516, pendant le dernier scrutin fédéral, "montre très concrètement comment notre ordre démocratique est attaqué" via "des influenceurs pro-russes à forte audience, des idéologues complotistes et des milieux d'extrême droite", a déclaré vendredi Sinan Selen, patron du renseignement intérieur, dans un communiqué.

Au coeur de cette campagne: John Dougan, un activiste américain pro-Kremlin, qui a fondé plus de 100 sites internet imitant de manière trompeuse les médias allemands, selon la cellule factchecking de l'AFP.

Selon des sources sécuritaires allemandes, la campagne de désinformation Storm 1516 comprenait notamment une vidéo accusant l'ancien vice-chancelier Robert Habeck d'abus sur mineurs, une autre censée prouver que F. Merz avait effectué un séjour en psychiatrie, ou encore une autre où il aurait tué des ours polaires au Canada.

Et ces opérations de déstabilisation pourraient se multiplier à l'occasion d'une série d'élections régionales en Allemagne en 2026, estimait lundi Sinan Selen.

Prorusse et antimigrants, le parti d'extrême droite AfD, principale force d'opposition dans le pays, peut espérer des gains considérables dans ces cinq régions, voire prendre le contrôle de certaines.

Dans la liste des vidéos attribuées à la campagne Storm 1516 figurent aussi des vidéos où l'AfD et ses électeurs sont victimes de fraude ou d'irrégularités électorales.