Japon: malgré sa débâcle électorale, Ishiba s'accroche au pouvoir
information fournie par AFP 21/07/2025 à 09:10

Le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba pendant la soirée électorale au siège de son parti à Tokyo, le 20 juillet 2025 ( POOL / Franck ROBICHON )

L'impopulaire Premier ministre japonais Shigeru Ishiba a manifesté son intention de rester au pouvoir malgré la cuisante défaite aux élections sénatoriales de dimanche, à l'issue desquelles il ne dispose plus de majorité dans aucune des deux chambres du Parlement.

Lors du scrutin de dimanche, qui a renouvelé 125 des 248 sièges de la chambre haute, le Parti libéral-démocrate (PLD, droite conservatrice) de M. Ishiba et son allié Komeito (centre-droit) n'ont remporté que 47 sièges à eux deux, selon les résultats officiels rapportés lundi par la télévision publique NHK et d'autres médias.

Quoique supérieur aux projections initiales des médias locaux, ce résultat reste en-deçà des 50 sièges nécessaires aux deux partis pour conserver leur majorité. Ils ne compteront plus que 122 sénateurs, même si l'opposition, très fragmentée, n'apparaît pas en mesure de former une majorité alternative.

De quoi exacerber les spéculations sur une démission de Shigeru Ishiba , 68 ans, en fonction depuis dix mois seulement.

Interrogé dimanche soir sur son intention de rester en place, le Premier ministre a répondu à un média local: "c'est bien cela".

"Des changements dans l'environnement extérieur, comme la situation internationle, ou des désastres climatiques, ne peuvent pas attendre que la situation politique s'améliore", a expliqué M. Ishiba au cours d'une conférence de presse lundi.

"Pour cette raison, bien que je sois tout à fait conscient de notre profonde responsabilité dans le résultat des élections, pour ne pas paralyser les affaires politiques, je pense que je dois assurer ma responsabilité en tant que parti ayant recueilli le plus de suffrages", a-t-il dit.

Pour Takeshi Nemoto, 80 ans, un militant du PLD, interrogé par l'AFP, le choix d'un nouveau chef de file "serait un combat perdu d'avance pour le parti" et compliquerait en outre les discussions sur les taxes douanières avec le président américain Donald Trump.

- Terrain inconnu -

Opération de dépouillement à Tokyo, le 20 juillet 2025 ( AFP / Philip FONG )

La coalition gouvernementale est déjà en minorité à la chambre basse du Parlement, depuis une débâcle aux élections législatives anticipées de l'automne - que M. Ishiba avait lui-même convoquées après avoir pris en septembre la tête du PLD.

Le PLD gouverne le Japon de manière quasi ininterrompue depuis 1955, malgré de fréquents changements de dirigeants.

Le Japon entre désormais "en terrain inconnu, avec un gouvernement en minorité dans les deux chambres du Parlement, situation inédite depuis la Seconde Guerre mondiale", rappelle Toru Yoshida, professeur de sciences politiques à l'Université Doshisha.

Le Parti démocrate constitutionnel (centre-gauche), principale force d'opposition, a lui gagné 22 sièges, et le Parti démocrate du peuple (centriste) 17 sièges.

Surtout, le parti populiste anti-immigration Sanseito, au slogan "Le Japon d'abord", fait une forte percée avec 14 sièges remportés dans la chambre haute, contre deux auparavant.

- Riz cher -

En raison de leur absence de majorité à la Diète, le PLD et Komeito devaient déjà transiger avec l'opposition pour faire voter leurs textes, alors même que la conjoncture s'assombrit.

L'inflation reste forte (+3,3% en juin hors produits frais), tirée par une vertigineuse flambée des prix du riz, qui ont doublé en un an.

Le chef du parti d'extrême droite Sanseito pendant la soirée électorale, le 20 juillet 2025 ( JIJI Press / STR )

Pour atténuer l'impact inflationniste, M. Ishiba a étendu les aides au logement, prolongé des subventions à l'énergie, et s'est engagé à verser des chèques d'aides aux citoyens. Les autorités ont également débloqué une partie des réserves stratégiques de riz pour faire baisser les prix, sans succès pour l'heure.

Par ailleurs, l'offensive douanière de Donald Trump a fait plonger d'un quart les ventes automobiles vers les Etats-Unis, un secteur qui représente 8% des emplois dans l'archipel.

La menace de surtaxes américaines généralisées de 25% au 1er août fragilise le tissu économique nippon, très dépendant des exportations.

Alors que le négociateur japonais Ryosei Akazawa s'est rendu à sept reprises aux Etats-Unis, les pourparlers avec Washington s'enlisent.

Les marchés financiers s'inquiètent, eux, des dérives budgétaires, les massifs plans de relance et d'aides du gouvernement Ishiba aggravant un endettement déjà lourd. Plusieurs émissions obligataires de Tokyo ont été boudées ces derniers mois, faisant s'envoler les taux nippons.