Israël se prépare à prendre le contrôle de la ville de Gaza
information fournie par AFP 08/08/2025 à 19:00

Des Palestiniens au milieu des ruines de Gaza-ville, le 8 août 2025 ( AFP / Bashar TALEB )

L'armée israélienne se préparait vendredi, sous les critiques internationales, à prendre le contrôle de la ville de Gaza, la plus grande du territoire palestinien, dans le but de "vaincre" le Hamas et assurer la libération des otages.

Après 22 mois de guerre, le Premier ministre Benjamin Netanyahu est confronté à une très forte pression en Israël et de l'étranger pour mettre fin à son offensive dans la bande de Gaza, où plus de deux millions de Palestiniens sont menacés d'une "famine généralisée", selon l'ONU.

Selon le plan validé par le cabinet de sécurité israélien, l'armée "se prépare à prendre le contrôle de la ville de Gaza", une agglomération en grande partie détruite dans le nord du territoire, "tout en distribuant une aide humanitaire à la population civile en dehors des zones de combat".

Outre le désarmement du Hamas et le retour "de tous les otages, vivants et morts", le plan vise à démilitariser la bande de Gaza et la placer sous contrôle israélien avant la mise en place "d'une administration civile" qui ne soit "ni le Hamas ni l'Autorité palestinienne", a précisé vendredi le bureau de M. Netanyahu.

L'armée "se prépare déjà aujourd'hui à la mise en œuvre complète des décisions", a indiqué vendredi soir le ministre de la Défense, Israël Katz.

Camp de déplacés palestiniens le long de la mer à Gaza-ville, le 8 août 2025 ( AFP / Bashar TALEB )

De l'Allemagne, pourtant l'un des plus fidèles alliés d'Israël, à l'UE, en passant par la Chine et de nombreux pays musulmans, l'annonce de ce plan a suscité une vaste réprobation internationale.

Berlin a annoncé ne plus autoriser, jusqu'à nouvel ordre, les exportations d'équipements militaires susceptibles d'être utilisés dans la bande de Gaza. M. Netanyahu a appelé le chancelier Friedrich Merz pour lui "exprimer sa déception", estimant que ces sanctions "récompensent" le Hamas.

- "Protéger nos jeunes hommes" -

Le Hamas, qui retient toujours 49 otages, dont 27 sont présumés morts, a réaffirmé que la décision israélienne signifiait le "sacrifice" de ces otages.

Des manifestants antigouvernementaux réclament un accord qui permettrait la libération des otages israéliens retenus à Gaza, devant le bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, à Jérusalem le 7 août 2025 ( AFP / AHMAD GHARABLI )

Ballottés depuis des mois au gré des ordres d'évacuation émis par l'armée israélienne, à la merci des bombardements quotidiens, des habitants de la ville de Gaza disaient craindre le pire.

L'occupation de la ville "entraînera beaucoup de déplacements. Et nous, en tant que Palestiniens, avons été déplacés des dizaines de fois...", commente Rafik Abu Jarad, 54 ans, lui-même déplacé de Beit Lahia.

"Nous devrons quitter la ville de Gaza pour protéger nos jeunes hommes, que l'occupant (ndlr: Israël) va arrêter", avance Jenin Rafik Abu Jarad, 23 ans. "Les enfants, les personnes âgées seront forcés de marcher des kilomètres sous le soleil, alors qu'il n'y a pas de nourriture".

Des Palestiniens fouillent les décombres après une frappe israélienne sur le quartier de Zeitoun, à Gaza-ville, le 8 août 2025 ( AFP / BASHAR TALEB )

Et en Israël, les familles d'otages s'inquiètent elles aussi.

Ce plan "signifie abandonner les otages, tout en ignorant complètement les avertissements répétés de la direction militaire et la volonté claire de la majorité du public israélien", a affirmé le Forum des familles.

Jeudi, M. Netanyahu avait annoncé qu'Israël avait "l'intention" de prendre le contrôle de la bande de Gaza, aux mains du Hamas depuis 2007, sans toutefois "la gouverner" ou la "garder", pour ensuite "passer le relais à des forces arabes".

Un char israélien le long de la frontière avec la bande de Gaza, le 5 août 2025 ( AFP / Jack GUEZ )

Actuellement, l'armée israélienne occupe ou opère au sol dans près de 75% de la bande de Gaza, principalement depuis ses positions permanentes dans le territoire le long de la frontière. Israël avait déjà occupé Gaza en 1967 et implanté un ensemble de 21 colonies, démantelées lors de son retrait unilatéral en 2005.

Le chef de l'opposition, Yaïr Lapid, a fustigé une "catastrophe" qui va amener "la mort des otages, celle de nombreux soldats, coûter des dizaines de milliards aux contribuables israéliens et (provoquer) une faillite diplomatique".

- Chute de parachutes -

Vue de la bande de Gaza depuis Israël, au soir du 7 août 2025 ( AFP / Jack GUEZ )

Selon la radio publique Kan, le plan approuvé, prévoit de "conquérir la ville de Gaza, dont les habitants seront évacués dans les deux prochains mois" vers des camps de réfugiés. "Ensuite, les troupes encercleront la ville et opéreront à l'intérieur".

L'armée, en collaboration avec les services de renseignements, a annoncé avoir mené vendredi une série "d'éliminations ciblées" dans la bande de Gaza, visant cinq commandants et combattants du Hamas et de son allié du Jihad islamique ayant participé à l'attaque du 7 octobre.

Le porte-parole de la Défense civile, Mahmoud Bassal, a annoncé vendredi à l'AFP la mort de 18 personnes, tuées par des tirs israéliens dans toute la bande de Gaza.

Il s'est par ailleurs inquiété des "risques élevés" de blessures et de décès parmi les populations provoqués par les parachutages d'aide.

Parachutage d'aide humanitaire au-dessus de Nousseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 6 août 2025 ( AFP / Eyad BABA )

Selon Amjad Al-Chawa, directeur du Réseau des ONG palestiniennes à Gaza, les procédures d'inspection aux points d'entrée ralentissent l'acheminement de l'aide. "Entre 70 et 80 camions par jour, transportant uniquement certains types de marchandises", a-t-il déclaré alors que l'ONU estime les besoins à au moins 600 camions par jour.

Selon l'OMS, 99 personnes, dont 29 enfants de moins de cinq ans, sont mortes de malnutrition depuis janvier, "des chiffres probablement sous-estimés". Le ministre de la Santé du Hamas a affirmé vendredi que ce nombre s'élevait à 202, dont 98 enfants.

Des Palestiniens entassés sur une voiture servant de transport public, à Gaza-ville le 8 août 2025 ( AFP / Bashar TALEB )

Le CICR a par ailleurs annoncé que son hôpital de campagne à Rafah a traité depuis le 27 mai plus de 4.500 patients blessés par des armes, "dont la plupart ont déclaré qu'ils se rendaient sur des sites de distribution de nourriture lorsqu'ils ont été blessés".

"Il est inacceptable que des personnes soient blessées et tuées alors qu'elles essaient de nourrir leurs familles", a souligné le CICR.

Carte montrant les zones de la bande de Gaza militarisées par Israël ou soumises à des ordres d'évacuation non révoqués, selon de dernières données disponibles de l'Ocha au 6 août 2025 ( AFP / Olivia BUGAULT )

Les représailles israéliennes ont déjà fait 61.330 morts à Gaza, majoritairement des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.

Du côté israélien, l'attaque du Hamas a entraîné la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.