Israël bombarde la bande de Gaza, plus de 400 morts information fournie par Reuters 18/03/2025 à 11:48
par Nidal al-Mughrabi, Enas Alashray et James Mackenzie
Israël a intensément bombardé la bande de Gaza dans la nuit de lundi à mardi, faisant plus de 400 morts selon les services de santé palestiniens, l'Etat hébreu promettant de recourir à la force pour libérer ses derniers otages au risque de provoquer l'effondrement total du cessez-le-feu en vigueur depuis janvier.
L'armée israélienne a annoncé qu'elle poursuivrait ses bombardements aussi longtemps que nécessaire et que ses opérations ne se limiteraient plus à des raids aériens, laissant entrevoir une reprise des assauts terrestres.
Le Hamas a reproché à Israël de rendre caduc l'accord de cessez-le-feu signé le 19 janvier en reprenant son "agression" contre les civils de la bande de Gaza. Cela rend incertain le sort des 59 otages israéliens encore détenus dans l'enclave, a-t-il ajouté.
Les services du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ont déclaré qu'il avait ordonné à l'armée de mener une "action forte" contre le Hamas, reprochant au mouvement palestinien de n'avoir pas répondu favorablement à des propositions formulées dans le cadre des négociations sur le cessez-le-feu et de n'avoir pas libéré tous les otages.
"Israël va désormais agir contre le Hamas avec une puissance militaire accrue", ont-ils dit dans un communiqué. Ces frappes aériennes interviennent "à la suite des refus répétés du Hamas de libérer nos otages, de même que son rejet de toutes les propositions qu'il a reçues de l'émissaire spécial américain Steve Witkoff et des médiateurs", ont-ils ajouté.
L'aviation israélienne a bombardé des maisons et des camps de tentes du nord au sud de la bande de Gaza tandis que des chars postés du côté israélien de la frontière ont pilonné l'est et le sud du territoire.
"Cela a été une nuit d'enfer. On avait l'impression d'être aux premiers jours de la guerre", a dit Rabiha Djamal, une mère de famille de 65 ans à Gaza-Ville.
"Nous nous apprêtions à manger quelque chose avant de commencer une nouvelle journée de jeûne quand l'immeuble a tremblé et les explosions ont commencé. Nous pensions que c'était terminé mais la guerre est de retour", a-t-elle déclaré à Reuters via une messagerie.
Dans les hôpitaux de l'enclave palestinienne, mis à mal par 15 mois de bombardements, les cadavres enveloppés dans des protections en plastique couvertes de sang se sont amoncelés à mesure que les victimes étaient amenées. Le ministère de la Santé du territoire, contrôlé par le Hamas, a fait état de 404 morts, dont de nombreux enfants, et de 562 blessés.
L'armée israélienne a par la suite émis des ordres d'évacuation pour plusieurs quartiers de Gaza.
LA MAISON BLANCHE DIT AVOIR ÉTÉ CONSULTÉE
A Washington, un porte-parole de la Maison blanche a déclaré qu'Israël avait consulté l'administration du président Donald Trump avant de mener ces frappes, qui ont selon l'armée israélienne ciblé des membres du Hamas et des infrastructures du groupe.
"Le Hamas aurait pu libérer les otages pour prolonger le cessez-le-feu, mais au lieu de cela, il a refusé et choisi la guerre", a dit Brian Hughes.
Un représentant du bureau politique du Hamas, Mohamed al Djmassi, et des membres de sa famille ont été tués dans une frappe contre leur maison dans la ville de Gaza, ont déclaré des sources au sein du groupe palestinien. Au total, au moins cinq représentants du Hamas ainsi que des membres de leurs familles ont été tués dans les frappes menées dans la nuit de lundi à mardi, a appris Reuters.
Ces dernières semaines, les médiateurs de l'Egypte et du Qatar n'ont pas réussi à faire avancer les négociations de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.
Le gouvernement israélien, soutenu par les Etats-Unis, a réclamé la libération des 59 derniers otages détenus par le Hamas en échange d'une prolongation du cessez-le-feu jusqu'à la fin du mois du ramadan. Pour sa part, le mouvement palestinien a dit vouloir négocier comme prévu la deuxième phase de l'accord, devant permettre la libération des derniers otages et aboutir à une cessation permanente des hostilités.
"FIN UNILATÉRALE" DU CESSEZ-LE-FEU
La phase initiale de l'accord scellé en janvier a permis la libération de 33 otages israéliens en échange de quelque 2.000 prisonniers palestiniens détenus par Israël.
"Nous demandons que les médiateurs tiennent Netanyahu et l'occupation sioniste comme pleinement responsables de la violation et de l'annulation de l'accord", a déclaré le Hamas mardi matin dans un communiqué.
Un haut représentant du groupe palestinien a reproché à Israël d'avoir mis fin "unilatéralement" au cessez-le-feu.
Jusqu'à présent, si les deux camps s'étaient mutuellement accusés de violations du cessez-le-feu, un plein regain des hostilités avait été évité.
Israël a toutefois bloqué les entrées d'aides humanitaires dans la bande de Gaza, coupé l'approvisionnement en eau et menacé à plusieurs reprises de reprendre des opérations militaires de grande ampleur en l'absence de la libération de tous les otages israéliens.
Le Hamas a reproché ce mois-ci à Donald Trump d'encourager Benjamin Netanyahu à ne pas respecter le cessez-le-feu. Dans la foulée de la fin de la première phase de l'accord, le président américain a lancé un "dernier avertissement" à la population de Gaza, exigeant la libération immédiate des derniers otages sous peine d'être tués.
Salué par Benjamin Netanyahu pour son rôle dans la conclusion du cessez-le-feu, annoncé juste avant son investiture pour un second mandat à la Maison blanche, Donald Trump a provoqué la colère des pays arabes en présentant en février un plan destiné à transformer la bande de Gaza en "Côte d'Azur" du Proche-Orient en déplaçant les Palestiniens hors de l'enclave.
La bande de Gaza a été complètement ravagée par le siège total décrété par Israël en réponse à l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023 lors de laquelle 1.200 personnes ont été tuées et 251 autres enlevées, selon les autorités israéliennes.
D'après les services de santé palestiniens, plus de 48.000 personnes ont été tuées lors de l'offensive israélienne dans la bande de Gaza.
Des experts de l'Onu ont accusé la semaine dernière Israël d'avoir commis des "actes génocidaires" contre les Palestiniens de Gaza, ce que l'Etat hébreu a rejeté.
(James Mackenzie à Jérusalem, Nidal al-Mughrabi, Enas Alashray et Yomna Ehab au Caire, avec Jeff Mason à Washington; version française Jean Terzian et Bertrand Boucey, édité par Blandine Hénault)