Importations: un rapport parlementaire dénonce des contrôles "dérisoires" et des fraudes massives
information fournie par AFP 17/12/2025 à 15:32

Un employé pousse un conteneur de colis dans un entrepôt à Lesquin, près de Lille, le 12 novembre 2025 ( AFP / Sameer Al-DOUMY )

Les contrôles des produits importés en France et dans l'Union européenne sont quasi inexistants, alors même que les flux de petits colis non-conformes provenant du commerce en ligne explosent, alerte un rapport parlementaire mercredi.

En 2024, sur un million de produits importés dans l'Union européenne, seuls 82 étaient contrôlés. En France, moins de 1% des produits manufacturés importés sont contrôlés, estime le rapport.

Les rares opérations ciblées révèlent des fraudes massives: lors d'un contrôle douanier en 2022, 96% des articles étaient non conformes ou contrefaits. Une opération menée en novembre a confirmé la tendance: huit produits sur dix ne respectaient pas les normes.

"Il y a un phénomène qui accélère cette non-conformité et cette concurrence déloyale, c'est le petit colis", souligne auprès de l'AFP Antoine Vermorel-Marques, député Droite républicaine, co-rapporteur de cette mission d'information sur les produits importés, avec Julien Guibert (RN), sous la présidence de Romain Eskenazi (PS).

Les douanes, la Répression des fraudes (DGCCRF) et la direction générale de l'alimentation (DGAL), en première ligne, ont très peu de moyens face à la déferlante des colis, souligne le rapport.

En 2024, 4,6 milliards de petits colis ont été livrés dans l'UE, soit 12 millions par jour. En France, le nombre d'articles contenus dans ces colis est passé de 170 millions en 2022 à 773 millions en 2024, selon une étude des Douanes mercredi. Ces produits souvent très peu chers arrivent à 97% de Chine.

"Cette dynamique s'explique par l'émergence en 2023 de plateformes construites sur les modèles de l'+ultra-fast-fashion+ ou de +direct-from-factory+ (direc-usine, ndlr) comme Shein et Temu" ou AliExpress, analysent les Douanes.

- 1.500 boutiques de vêtements fermées -

"Il y a deux phénomènes structurels depuis trente ans, explique le député Vermorel, la libéralisation des échanges avec l'OMC et un phénomène complètement contraire qui est l'augmentation des normes au niveau national et européen pour nos producteurs".

Résultat: le secteur textile est passé de 400.000 salariés dans les années 1970 à 60.000 aujourd'hui, estime le rapport, et 1.500 boutiques de vêtement ont fermé en France en 2024. En deux ans, la filière de la prothèse dentaire a perdu 800 entreprises sur 3.800 et 3.000 salariés sur 15.000. La part des meubles produits en France a elle été divisée par deux en 20 ans.

Face à ce constat, Romain Eskenazi a annoncé le dépôt d'une proposition de loi transpartisane pour "renforcer les sanctions" et notamment les amendes qui "ne sont pas assez dissuasives". La proposition veut instaurer "la notion d'importateur présumé" pour les plateformes, afin de les rendre "responsables du produit" juridiquement en cas de "défaillance" d'un vendeur tiers non implanté en Europe.

Dans le rapport, ce sont 29 mesures qui sont préconisées, notamment la taxe de 5 euros sur les petits colis, prévue dans le projet de budget 2026 adopté au Sénat, avant une taxation européenne dès juillet 2026.

Les députés demandent plus de moyens pour les services de l'Etat et, au niveau européen, une coordination des services de douanes ainsi qu'une refonte du DSA (Digital services act), règlement européen sur les contenus en ligne qui oblige les grandes plateformes à renforcer les mesures pour protéger leurs utilisateurs contre les contenus illégaux et dangereux.

"Avec le DSA, Shein a juste besoin de retirer les poupées pédopornographiques et les armes, mais n'a pas d'amende, et personne ne vient s'interroger sur le montant du bénéfice qui s'est fait là-dessus, parce que le DSA était pensé pour réguler Facebook et les grandes plateformes avec du contenu antisémite, raciste, xénophobe", explique Vermorel.

Questionné à l'Assemblée par Romain Eskenazi, le ministre du Commerce Serge Papin a partagé son constat et rappelé qu'une décision de justice est attendue vendredi sur la demande de suspension pour trois mois du site Shein. "Ce qui s'appliquera à Shein s'appliquera aussi aux autres plateformes coupables des mêmes manquements", a affirmé le ministre, qui a prévenu que "le combat sera long".