IA: les géants de la tech siphonnent la "totalité de la musique mondiale", selon une enquête
information fournie par Boursorama avec AFP 17/09/2025 à 08:12

( AFP / KIRILL KUDRYAVTSEV )

Une fausse nouvelle chanson des Beatles ou une Mariah Carey à la voix métallique: les géants de la tech ont aspiré la "totalité de la musique mondiale" sans respecter le droit d'auteur, affirme une organisation internationale d'éditeurs de musique.

"Les plus grandes entreprises technologiques mondiales ainsi que des entreprises spécialisées dans l'IA comme OpenAI, Suno, Udio, Mistral etc., se livrent à la plus grande violation de droits d'auteur jamais observée", dénonce auprès de l'AFP John Phelan, directeur général de l'International Confederation of Music Publishers (ICMP).

Pendant près de deux ans, cette organisation internationale d'éditeurs musicaux basée à Bruxelles, qui regroupe notamment majors et gros labels indépendants, a enquêté sur la manière dont les services d'intelligence artificielle (IA) générative se nourrissaient.

Ses résultats, parus le 9 septembre dans le média musical Billboard, s'appuient sur des ressources en ligne, des fuites de documents, des études de modèles de ces IA et des analyses d'experts.

L'IA générative n'est pas problématique tant qu'elle est "conforme à la loi", souligne l'ICMP, citant l'exemple de l'éditeur de musique Kobalt qui a annoncé en août un accord avec Eleven Music, plateforme de génération de morceaux par IA.

Mais "la violation des droits d'auteur est un vol", martèle M. Phelan, selon lequel ces pratiques se font "à des fins commerciales".

Sollicités par l'AFP, OpenAI n'a pas souhaité s'exprimer. Google, Mistral, Suno et Udio n'ont, eux, pas répondu.

- "Menace" -

Pour collecter des fichiers audio, les sociétés mises en cause dans l'enquête ont recours au "scraping" du Web, une pratique qui utilise des robots d'indexation, c'est-à-dire des programmes conçus pour explorer automatiquement la toile, avance l'ICMP.

"Nous pensons qu'ils le font à partir de services sous licence tels que YouTube (détenu par Google, NDLR) et d'autres sources numériques", comme des plateformes musicales, précise l'organisation.

Les paroles sont aspirées pour alimenter certains modèles, selon l'ICMP, qui cite l'agent conversationnel chinois DeepSeek, reproduisant celles de Sabrina Carpenter et d'Edith Piaf, ou celles de Taylor Swift et d'Aya Nakamura sur Gemini, l'assistant IA de Google.

Les générateurs comme Suno et Udio peuvent également produire des morceaux dont les voix, les mélodies et les styles musicaux copient ceux des artistes originaux, comme les Beatles, Mariah Carey, Depeche Mode ou encore les Beach Boys, selon l'organisation.

Face à ce bouleversement, les ayants droit demandent une régulation plus forte, notamment via le règlement européen sur l'intelligence artificielle (IA Act), pour obtenir de la transparence sur les données utilisées et garantir leurs revenus.

"Il est essentiel de comprendre l'ampleur de la menace qui pèse sur les auteurs, compositeurs et éditeurs", alerte Juliette Metz, présidente de la Chambre syndicale des éditeurs de musique, par ailleurs membre de l'ICMP. "Il ne peut y avoir d'utilisation de musique protégée par le droit d'auteur sans licence", rappelle-t-elle.

Aux États-Unis, la start-up Anthropic, créatrice de l'IA Claude, a ainsi annoncé le 6 septembre avoir accepté, à l'amiable, de verser au moins 1,5 milliard de dollars à un fonds d'indemnisation d'auteurs, ayants droit et éditeurs qui poursuivaient l'entreprise pour avoir téléchargé illégalement des millions de livres.

La Recording Industry Association of America, organisation interprofessionnelle américaine, a de son côté intenté en juin 2024 une action en justice contre Suno et Udio. Sans réelle avancée un an plus tard, les trois majors Universal, Warner et Sony sont entrées en négociations avec ces entreprises, dans l'objectif d'un accord de licence.

Les géants de la tech s'abritent régulièrement derrière le "fair use", une exception au droit d'auteur permettant, dans certaines circonstances, l'utilisation non consentie d'une œuvre.

Mais déjà, la musique 100% générée par intelligence artificielle s'immisce sur les plateformes de streaming. Elle représente 28% des contenus mis en ligne chaque jour sur Deezer, a indiqué la plateforme française mi-septembre, qui observe "une montée en puissance" en un an de ces mises en ligne motivées par des "activités frauduleuses".