Gaza-L'accord signe-t-il la fin de deux ans de guerre ?
information fournie par Reuters 09/10/2025 à 17:23

par Edmund Blair

Le président américain Donald Trump a déclaré que l'accord entre Israël et le Hamas, signé jeudi, marquait les premiers pas vers une "paix forte, durable et éternelle" qui mettra fin à la guerre qui fait rage à Gaza durant depuis deux ans.

Pourtant, l'accord conclu dans la station balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh, lieu privilégié des négociations pour la paix au Proche-Orient depuis des décennies et dont le bilan est mitigé, n'est qu'une première phase.

Cette première phase comprend la remise des otages détenus à Gaza, leur échange contre des prisonniers palestiniens en Israël et un retrait partiel d'Israël de l'enclave.

Tandis que les négociateurs se sont quittés pour poursuivre les discussions ultérieurement, de nombreux écueils subsistent sur certaines des questions les plus épineuses et pour lesquelles les précédentes initiatives ont échoué. Parmi ces interrogations figurent l'ampleur du retrait israélien, le désarmement du Hamas, et qui garantira le maintien du cessez-le-feu et comment.

LES ARMES SE SONT-ELLES TUES ?

Pas encore. Donald Trump a demandé vendredi à Israël de cesser ses bombardements lorsque le Hamas a indiqué pour la première fois, qu'il acceptait partiellement son plan en 20 points. Cela n'a pas été le cas. Des dizaines de Palestiniens ont été tués depuis lors dans des frappes aériennes et des bombardements, en particulier à l'intérieur et autour de la ville de Gaza, qui a fait l'objet d'une récente offensive israélienne.

Toutefois, les bombardements ont été plus sporadiques depuis que Donald Trump a déclaré qu'un accord avait été conclu dans la nuit de mercredi à jeudi, ce qui a donné lieu à des célébrations en Israël, où les familles des otages étaient en liesse jeudi sur la "place des Otages" de Tel Aviv et à Gaza, où les gens se sont rassemblés parmi les ruines alors même que retentissaient des détonations.

EN QUOI CET ACCORD DIFFÈRE-T-IL DES CESSEZ-LE-FEU QUI ONT ÉCHOUÉ ?

Bien qu'il s'agisse d'un accord partiel, il y a une différence notable, le fait qu'il n'y ait pas de date limite pour parvenir à un accord complet, contrairement aux accords de cessez-le-feu précédents. L'accord annoncé dans la nuit de mercredi à jeudi ne fixe pas de délai de quelques semaines, après lequel les hostilités pourraient reprendre si les pourparlers venaient à échouer.

La question de savoir si cet accord est plus durable que les précédents reste encore en suspens. Certains membres de la coalition d'extrême droite du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu parlent déjà d'une nouvelle guerre. Le ministre israélien des Finances Bezalel Smotrich, farouche opposant à toute concession aux Palestiniens, a appelé à la destruction du Hamas après la libération des otages.

Mais cette fois-ci, Donald Trump s'est montré beaucoup plus déterminé à faire pression sur les deux parties, laissant moins de marge de manœuvre à Israël pour relancer son offensive ainsi qu'au Hamas pour jouer la montre. Les expériences passées incitent toutefois à la prudence et à un optimisme modéré.

La semaine dernière, le président américain a annoncé son plan aux côtés de Benjamin Netanyahu à Washington, en proposant au Hamas une offre qui semblait "à prendre ou à laisser". Pourtant, même si le Hamas a déclaré n'accepter que partiellement cette offre, Donald Trump a immédiatement demandé à Israël un arrêt des frappes. Tandis que les jours défilaient aux pourparlers de Charm el-Cheikh, le président américain a averti le Hamas que "l'ENFER, comme personne ne l'a jamais vu auparavant, éclatera" en cas de refus du plan.

En affirmant son autorité, Donald Trump a possiblement contribué à répondre à la question essentielle de savoir qui garantira que l'accord ne s'effondrera pas au prochain obstacle.

QUE SE PASSERA-T-IL ENSUITE ?

Le calendrier se dessine, mais reste encore flou.

Les responsables israéliens et du Hamas ont confirmé jeudi avoir signé l'accord prévoyant un cessez-le-feu. L'armée israélienne a alors 24 heures pour se retirer partiellement de Gaza, selon un périmètre prédéterminé. Une fois que les tirs auront cessé, le Hamas devra libérer les otages dans les 72 heures, soit probablement lundi.

L'aide humanitaire aux Palestiniens pourra alors commencer à entrer. Le plan Trump prévoit également la mise en place d'une force de stabilisation internationale, qui pourrait commencer à prendre forme à la suite d'une rencontre entre les ministres européens et les hauts responsables des États arabes jeudi à Paris. Les interrogations concernant la future gouvernance de Gaza, l'aide, la reconstruction et la démilitarisation doivent également être discutées.

Donald Trump devrait se rendre dans la région dans les prochains jours. Le bureau du président israélien Isaac Herzog a indiqué jeudi que son agenda pour dimanche avait été libéré en prévision de la visite du dirigeant américain.

À QUELS CALCULS POLITIQUES SONT CONFRONTÉS LE HAMAS ET ISRAËL ?

Israël et le Hamas ont montré qu'ils étaient prêts à répondre positivement aux pressions de Donald Trump et d'autres dirigeants, mais chaque partie est confrontée à ses propres calculs politiques.

Pour Benjamin Netanyahu, l'acceptation du plan semble reposer sur un calcul visant à rester du bon côté des États-Unis, l'allié vital d'Israël, et à gagner la confiance de l'opinion israélienne qui souhaite désespérément la fin de la guerre, tout en faisant le moins de concessions possibles afin de ne pas se mettre à dos ses partenaires de coalition. Le plan en 20 points offre par exemple une possible voie, bien que très conditionnelle, vers un État palestinien, même si Benjamin Netanyahu a déclaré que cela n'arriverait jamais.

Le Hamas a renoncé à s'opposer à tout accord qui ne serait que partiel en raison du risque de reprise de la guerre une fois les otages libérés. Il a également donné son accord à la démilitarisation, qu'il avait rejetée à plusieurs reprises.

Sous la pression des États arabes et de la Turquie, ainsi que de Donald Trump, le Hamas n'a peut-être pas eu d'autre choix que d'accepter. Mais le Hamas estime peut-être que la détermination de Trump est la meilleure garantie que la guerre ne reprendra pas dans l'immédiat, tandis que les pourparlers de Charm el-Cheikh ont amené le groupe islamiste à la table des négociations pour façonner l'avenir des Palestiniens, même si l'accord cherche à le mettre à l'écart.

(Bureaux de Reuters ; version française Coralie Lamarque, édité par Kate Entringer)