France: Nicolas Sarkozy est en prison
information fournie par Reuters 21/10/2025 à 11:28

L'ancien président français Nicolas Sarkozy le jour de son incarcération à la prison de la Santé

par Manuel Ausloos et Clotaire Achi

Nicolas Sarkozy a franchi mardi les portes de la prison parisienne de la Santé pour y purger la peine de cinq ans d'emprisonnement à laquelle il a été condamné après avoir été jugé coupable d'association de malfaiteurs dans l'affaire dite du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.

Au pouvoir de 2007 à 2012, Nicolas Sarkozy, 70 ans, va devenir le premier ancien locataire de l'Elysée à être placé en détention depuis Philippe Pétain, emprisonné après la Deuxième Guerre mondiale pour avoir collaboré avec l'occupant allemand.

S'exprimant sur X peu de temps après avoir quitté son domicile parisien, Nicolas Sarkozy a une nouvelle fois clamé son innocence et dénoncé un "scandale judiciaire".

"Je ne demande aucun avantage, aucune faveur. Je ne suis pas à plaindre, car ma voix porte. Je ne suis pas à plaindre parce que ma femme et mes enfants sont à mes côtés, et mes amis sont innombrables", a-t-il écrit.

"Mais ce matin, j'éprouve une peine profonde pour la France qui se trouve humiliée par l'expression d'une vengeance qui a porté la haine à un niveau inégalé. Je n'ai pas de doute. La vérité triomphera."

"VOLONTÉ D'HUMILIER"

Il avait auparavant pris le temps de saluer les quelques dizaines de sympathisants réunis à l'initiative de deux de ses fils pour exprimer leur soutien à l'égard de l'ancien chef de l'Etat.

Le parquet national financier (PNF) avait requis en mars dernier sept ans de prison et cinq ans d'inéligibilité à l'encontre de Nicolas Sarkozy, mis en examen en 2018 pour des soupçons selon lesquels il a reçu de l'argent de l'ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi pour financer sa campagne lors de l'élection présidentielle de 2007, qu'il a remportée.

Il a été relaxé le mois dernier des accusations de recel de détournement de fonds publics, de corruption passive et d'infractions au code électoral.

L'ancien chef de file de l'UMP (Union pour un mouvement populaire, devenu par la suite le parti Les Républicains) nie toute inconduite et a dénoncé un "complot" aux motivations politiques, reprochant aux juges de vouloir l'humilier.

Bien qu'il ait fait appel de sa condamnation, Nicolas Sarkozy a été incarcéré car sa peine a été assortie d'une exécution provisoire. Une demande de remise en liberté sera déposée dès ce mardi, a déclaré Christophe Ingrain, un de ses avocats, sur BFM TV.

L'ex-locataire de l'Elysée avait déjà été condamné en 2023 dans une affaire distincte de corruption - une condamnation confirmée par la Cour de cassation en décembre dernier -, celle dite des "écoutes". Reconnu coupable de corruption active sur magistrat et trafic d'influence active sur personne dépositaire de l'autorité publique, il avait été condamné à un an d'emprisonnement ferme sous bracelet électronique.

"JOUR FUNESTE"

A la prison de la Santé, située dans le XIVe arrondissement de Paris et qui a hébergé de nombreux détenus notoires tels qu'Alfred Dreyfus, Maurice Papon ou encore Jacques Mesrine, il sera placé dans le quartier réservé aux "personnes vulnérables", où il sera seul dans sa cellule afin de garantir sa sécurité.

Les conditions de détention sont similaires au reste de la prison; les cellules mesurent entre 9 et 12 mètres carrés et, depuis que des rénovations ont été effectuées, elles disposent désormais de douches privées.

"C'est un jour funeste pour lui, pour la France et pour nos institutions car cette incarcération est une honte", a commenté son avocat Jean-Michel Darrois,

L'ancien chef de l'Etat a emmené des livres. Trois, pour sa première semaine de détention, comme il l'a confié au Figaro. Parmi eux, a-t-il dit, "Le Comte de Monte-Cristo", roman d'Alexandre Dumas qui narre l'histoire d'un homme injustement emprisonné qui se venge de ceux qui l'ont trahi.

D'après un sondage Elabe pour BFM TV diffusé le 1er octobre, 58% des Français disent penser que le verdict rendu contre Nicolas Sarkozy est impartial. Par ailleurs, 61% des personnes interrogées ont dit soutenir la décision d'emprisonner l'ancien président immédiatement, sans attendre un jugement en appel.

La décision de placer Nicolas Sarkozy en prison a provoqué l'indignation au sein de la droite et de l'extrême droite.

Sur Public Sénat, le député du Nord Sébastien Chenu (RN) a une nouvelle fois déploré que l'ancien chef de l'Etat ait été incarcéré avant que son appel soit examiné et a dénoncé une séquence "choquante".

S'exprimant sur RTL, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a quant à lui déploré sa réception la semaine dernière par le président de la République, Emmanuel Macron, et le fait que le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, a déclaré lundi qu'il rendrait visite à Nicolas Sarkozy.

"On peut considérer que la décision n'est pas juste mais le président de la République et le ministre de la Justice sont garants de l'indépendance de la justice. Ce ne sont pas des prises de position qui correspondent au respect des institutions", a dit le député de la Seine-et-Marne.

(Avec Michel Rose; rédigé par Jean Terzian et Nicolas Delame, édité par Jean-Stéphane Brosse)