France-Lecornu jette l'éponge, la balle dans le camp de Macron information fournie par Reuters 07/10/2025 à 00:44
Le Premier ministre français, Sébastien Lecornu, a démissionné lundi, estimant que les conditions "n'étaient plus réunies" pour exercer sa fonction au regard, notamment, des "appétits partisans" liés à l'élection présidentielle de 2027.
La balle est désormais dans le camp du président Emmanuel Macron qui peut nommer un successeur, provoquer une nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale ou bien démissionner - hypothèse qu'il a toujours rejetée jusqu'ici.
"Etre Premier ministre est une tâche difficile (...) mais on ne peut pas l'être quand les conditions ne sont pas réunies", a dit Sébastien Lecornu dans une déclaration à Matignon visant à expliquer la démission de son gouvernement nommé 14 heures plus tôt.
Trois facteurs ont conduit le Premier ministre le plus éphémère de la Ve République à jeter l'éponge moins d'un mois après sa nomination.
Les formations politiques n'ont pas vu "la rupture profonde que représentait le fait de ne pas se servir de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution" pour le budget 2026, a-t-il avancé.
Sébastien Lecornu a renoncé vendredi à faire usage de cet article qui permet de faire adopter un texte sans vote, et promis une "nouvelle méthode de partage du pouvoir".
Dans un paysage politique très fragmenté, il a ensuite reproché aux partis "d'adopter une posture comme s'ils avaient tous la majorité absolue à l'Assemblée nationale".
Enfin, "la composition du gouvernement au sein du socle commun n'a pas été fluide et a donné lieu au réveil de quelques appétits partisans, parfois non sans lien, c'est d'ailleurs très légitime, avec la future élection présidentielle", a-t-il dit.
"Il suffirait de peu pour que ça fonctionne", a-t-il aussi avancé, "en étant plus désintéressé pour beaucoup, en sachant aussi faire preuve d'humilité, peut-être aussi un peu parfois d'effacement de certains ego".
La veille, Bruno Retailleau, le président des Républicains reconduit au ministère de l'Intérieur, avait critiqué la composition de la nouvelle équipe moins de deux heures après son annonce, jugeant qu'elle "ne reflét[ait] pas la rupture promise".
Bruno Retailleau a réitéré ses critiques sur TF1 lundi, évoquant un problème de "confiance" et reprochant à Sébastien Lecornu de lui avoir caché - malgré un long entretien dominical - l'arrivée au ministère des Armées de l'ancien ministre de l'Economie Bruno Le Maire .
L'élu vendéen qui avait accepté l'an dernier de faire partie du "socle commun" a mis la balle dans le camp d'Emmanuel Macron, "clef de voûte" qui a "le pouvoir de dissoudre" ou "de nommer un autre gouvernement."
"C'est à lui choisir. C'est lui qui a les clefs pour notre avenir", a-t-il dit.
Aux deux extrêmes de l'arc politique, La France insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN) réclament une dissolution rapide, voire une démission du président.
"S'il y a situation de blocage, alors il faudra retourner aux urnes. Mais je pense qu'il y a d'autres moyens avant d'en arriver là. Simplement, ces moyens-là ne m'appartiennent pas, a dit Bruno Retailleau.
La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon a proposé une rencontre aux autres partis de gauche afin d'"envisager toutes les hypothèses ouvertes par cette situation".
Cette idée sera étudiée par le Parti socialiste (PS) et le Parti communiste français (PCF) lors de leurs réunions respectives, a appris Reuters auprès des partis concernés.
Mais la cheffe de file des Écologistes, Marine Tondelier, a dit douter d'un rapprochement à gauche, alors le PS tente de s'émanciper des Insoumis.
"Ça paraît assez évident que le Parti socialiste, qui est d’ailleurs en ce moment en train de se réunir, ne va pas accourir vers La France insoumise comme si de rien n'était. Ce qui a été dit et ce qui a été fait les mois précédents laisse des traces et c’est normal", a-t-elle dit sur BFM TV.
DÉMISSION INATTENDUE
Emmanuel Macron a accepté la démission du gouvernement de Sébastien Lecornu au lendemain de la présentation d'une équipe "resserrée" de 18 membres, aggravant la crise politique née de la dissolution de l'Assemblée nationale décidée l'an dernier par le chef de l'Etat.
Fidèle à son positionnement sans concession vis-à-vis de l'Elysée, Jean-Luc Mélenchon a réclamé l'examen immédiat de la motion déposée par 104 députés visant à destituer Emmanuel Macron.
Le Rassemblement national a réitéré pour sa part sa demande de dissoudre l'Assemblée nationale et appelé à la démission du président.
"Il ne peut y avoir de stabilité retrouvée sans un retour aux urnes et sans la dissolution de l’Assemblée nationale", a déclaré Jordan Bardella, président du RN.
Les marchés financiers ont fortement réagi à la démission du Premier ministre français : le CAC 40 a perdu plus de 2% avant d'amortir un peu ses pertes, à -1,18% vers 13h30. Les actions bancaires ont vivement réagi, BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole perdant de 4% à près de 6%. L'euro reculait de 0,7% sur la journée à 1,1665 dollar.
(Rédigé par Kate Entringer, avec la rédaction de Paris, édité par Elizabeth Pineau)