France: Lecornu annonce renoncer au 49.3, poursuit ses consultations information fournie par Reuters 03/10/2025 à 12:53
Le gouvernement français n'aura pas recours à l'article 49.3 de la Constitution, a déclaré vendredi le Premier ministre Sébastien Lecornu, qui poursuit ses consultations politiques et promet une "nouvelle méthode de partage du pouvoir" avec l'Assemblée nationale.
"J'ai décidé de renoncer à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, puisque cet article au fond permet au gouvernement d'interrompre les débats, d'engager la responsabilité du gouvernement et au gouvernement d'écrire la copie", a-t-il déclaré à Matignon.
"C'est un outil utile, mais (...) dans un Parlement qui fonctionne, dans un Parlement en plus, qui a été renouvelé il y a plus d'un an, qui ressemble aux Français avec ses divisions, on ne peut pas passer en force et on ne peut pas contraindre son opposition", a-t-il expliqué.
Le Premier ministre, qui s'est engagé à présenter un projet de budget "robuste" pour 2026 alors que son prédécesseur François Bayrou a été renversé à l'Assemblée nationale après l'échec d'un vote de confiance, a affiché son volontarisme.
"Renoncer à l'article 49.3 ne doit pas nous faire renoncer à ce que la France ait un budget", a-t-il dit, avant des rencontres à Matignon avec les dirigeants du Rassemblement National (RN), du Parti socialiste (PS), des Écologistes et du Parti communiste français (PCF).
L'article 49.3 donne la possibilité au Premier ministre de faire adopter un projet de loi sans un vote de l'Assemblée nationale.
Une partie de l'opposition, tout en affichant sa méfiance, a salué la décision de Sébastien Lecornu.
Ne pas utiliser le 49.3 "m'apparaît plus respectueux de la démocratie que ce qui a pu être fait dans les années précédentes", a déclaré Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale, après s'être entretenue avec Sébastien Lecornu.
"IL NE FAUT PAS QU'IL Y AIT D'ARNAQUES DERRIÈRE"
"Je ne vois pas bien la rupture avec le macronisme, mais (...) j'attends le début de la semaine prochaine où, semble-t-il, se déroulera le discours de politique générale, car c'est celui en réalité qui est attendu", a-t-elle ajouté, précisant que son parti évaluerait lundi la prise en compte de ses demandes par le Premier ministre.
Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a pour sa part déclaré avant de s'entretenir avec Sébastien Lecornu que "renoncer au 49.3, c'est accepter l'idée que désormais, c'est le Parlement et lui seul qui aura le dernier mot".
"Simplement, nous savons aussi que derrière cette proposition se cachent des détails qui permettent au gouvernement de continuer à cornaquer, à caporaliser le débat parlementaire", a-t-il toutefois ajouté. "Donc nous allons vérifier tous ces éléments. Nous allons aussi poser des questions très concrètes. Nous ne sommes pas uniquement à la recherche d'éléments de procédure."
Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, a estimé que de nombreuses questions sur la mise en oeuvre de ce que propose le Premier ministre restaient en suspens. "Il ne faut pas qu'il y ait d'arnaques derrière", a-t-il prévenu au micro de BFMTV.
La France Insoumise (LFI) de son côté a de nouveau appelé à un renversement du futur gouvernement qui devrait être formé la semaine prochaine.
"Dès la nomination de ce gouvernement illégitime, nous déposerons une motion de censure pour nous opposer à ce naufrage et protéger le pays des conséquences graves du sauve qui peut macroniste", a déclaré Manuel Bompard, coordinateur de LFI, sur X.
Dans le camp présidentiel, sans surprise, la décision de Sébastien Lecornu a été applaudie.
LECORNU PROMET DES COMPROMIS
"C'est le choix courageux de la confiance dans la démocratie parlementaire et le compromis", a déclaré Benjamin Haddad, ministre démissionnaire délégué chargé de l'Europe, sur le X, en référence à l'abandon du recours du 49.3.
"La décision courageuse du Premier ministre place chacun devant ses responsabilités", a écrit sur X Gabriel Attal, le président du groupe Ensemble pour la République (EPR).
Sébastien Lecornu a également estimé avoir "commencé à tracer des chemins qui vont (...) permettre de trouver des compromis à l'Assemblée nationale".
"Le gouvernement va devoir aussi lui changer de méthode. Des compromis avant la séance, pendant la séance, parfois aussi après les séances", a-t-il ajouté, précisant qu'il proposerait dans les prochains jours à Emmanuel Macron une liste de membres du gouvernement "qui devront accepter de rentrer aussi dans une nouvelle méthode de partage du pouvoir avec l'Assemblée nationale."
Abordant les revendications des oppositions sur une plus grande justice fiscale et la suspension de la réforme des retraites, Sébastien Lecornu a aussi promis des améliorations.
"C'est ce que je proposerai d'ailleurs aujourd'hui: c'est une amélioration de notre régime de retraite, notamment sur les questions de pénibilité pour les femmes, c'est pas uniquement la taxe Zucman", a-t-il dit.
Les syndicats ont organisé jeudi une journée de mobilisation en France pour tenter de peser sur les choix budgétaires du gouvernement que s'apprête à former Sébastien Lecornu et contester par avance toute continuité dans la politique économique et fiscale appliquée sous Emmanuel Macron.
(Rédigé par Claude Chendjou et Nicolas Delame, édité par Benjamin Mallet)