France: L'ex-président Sarkozy condamné à cinq ans de prison dans le dossier libyen information fournie par Reuters 25/09/2025 à 17:01
L'ancien président Nicolas Sarkozy a été condamné jeudi à cinq ans de prison après avoir été déclaré coupable d'association de malfaiteurs dans l'affaire dite du financement libyen de sa campagne électorale présidentielle victorieuse de 2007.
La peine étant assortie d'une exécution provisoire, l'ex-chef de l'Etat aujourd'hui âgé de 70 ans devrait être incarcéré d'ici un mois, même s'il fait appel de ce jugement.
"Pour le tribunal, ce sont des faits d'une gravité exceptionnelle de nature à altérer la confiance dans les institutions mêmes de la République", a déclaré la présidente du tribunal, Nathalie Gavarino, lors du prononcé de la peine.
Visiblement ému, Nicolas Sarkozy a dénoncé devant la presse "l'injustice" dont il dit être victime.
"Ce qui s'est passé aujourd'hui (...) est d'une gravité extrême pour l'État de droit, pour la confiance que l'on peut avoir dans la justice", a-t-il dit, son épouse Carla Bruni-Sarkozy à ses côtés.
"Cette injustice est un scandale. Je ne m'excuserai pas de ce que je n'ai pas fait. Naturellement, je ferai appel", a-t-il poursuivi. "La haine n'a décidément aucune limite (...) S'ils veulent absolument que je dorme en prison, je dormirai en prison, mais la tête haute."
Nicolas Sarkozy a été relaxé des accusations de recel de détournement de fonds publics, de corruption passive et d'infractions au code électoral.
"UN FONDEMENT TRÈS ÉTRANGE"
"Le tribunal a déclaré solennellement que le document [du média en ligne] Mediapart, à l'origine de cette procédure, était je cite : 'un faux'", a encore déclaré l'ancien président.
Son avocat, Christophe Ingrain, a dénoncé un "fondement très étrange".
"La raison pour laquelle il est condamné c'est parce qu'on lui reproche supposément d'avoir laissé des collaborateurs à lui, Brice Hortefeux, Claude Guéant, envisager un financement par la Libye", a-t-il dit.
En mars, le parquet national financier avait requis sept ans de prison, 300.000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité à l'encontre de Nicolas Sarkozy, soupçonné d'avoir reçu de l'argent du régime de l'ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi pour financer la campagne qui lui a permis de diriger la France de 2007 à 2012.
Nicolas Sarkozy a toujours plaidé la thèse du "complot" dans cette affaire pour laquelle il a été mis en examen en mars 2018.
Parmi ses 12 co-accusés, trois ont été relaxés, dont l'ancien ministre Eric Woerth. L’ancien secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, a été condamné à six ans de prison sans mandat de dépôt en raison de son état de santé et 250.000 euros d'amende. Brice Hortefeux, ancien ministre, a lui écopé de deux ans de prison, aménageables sous bracelet électronique avec exécution provisoire et 50.000 euros d'amende.
Parmi les réactions, le président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale, Laurent Wauquiez, a apporté "soutien" et "reconnaissance" à un "homme d'Etat" qui "a toujours servi la France avec passion et engagement."
A gauche, le député Alexis Corbière a jugé que cette condamnation devait "sonner la fin de la monarchie présidentielle, de son irresponsabilité, la fin de la Ve République."
La cheffe de file du Rassemblement national Marine Le Pen a quant à elle dénoncé l'exécution provisoire d'une peine, qui la concerne dans l'affaire des assistants parlementaires du Front national, pour laquelle elle a fait appel.
"La négation du double degré de juridiction par la voie de la généralisation de l'exécution provisoire par certaines juridictions représente un grand danger, au regard des grands principes de notre droit, au premier rang desquels se trouve la présomption d’innocence", a-t-elle écrit sur le réseau X.
Pour le politologue Jean-Yves Camus, "l'opinion pensera peut-être que ce jugement met fin à une soi-disant impunité des politiques, il n'empêche qu'être condamné même quand on fait appel est un problème".
Bruno Cautrès, chercheur au Cévipof, souligne pour sa part que le terme "association de malfaiteurs, dans l'imaginaire populaire, cela fait vraiment comportement mafieux, c'est lié au grand banditisme. Cela s'ajoute à l'image de 'bling bling' qui l’a poursuivi pendant sa présidence".
"Ces dernières années, l'opinion s'est habituée à ce que Nicolas Sarkozy ait affaire aux juges. Pour le public c'est quelqu'un de malin, astucieux, dynamique, volontaire et en même temps qui a toujours affaire aux tribunaux", a dit le politologue à Reuters.
Fin décembre, Nicolas Sarkozy a été définitivement condamné dans l'affaire dite des "écoutes" à trois ans de prison, dont un an ferme, pour corruption et trafic d'influence.
L'ex-président a fait savoir en juin qu'il engagerait un recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme.
(Reportage Juliette Jabkhiro, avec Nicolas Delame et Elizabeth Pineau, édité par Kate Entringer)