Faillites, redressements, liquidations : en 2025, le prêt-à-porter français s'est retrouvé au bord du précipice
information fournie par Boursorama avec Media Services 29/12/2025 à 11:35

Les effectifs ont fondu de 400.000 salariés dans les années 1970 à 60.000 aujourd'hui, selon les représentants du secteur.

( AFP / DIMITAR DILKOFF )

La grande crise que traverse le prêt-à-porter en France -secoué par la fast-fashion et la seconde main- s'est poursuivie en 2025, avec son lot de faillites, de redressements judiciaires et de liquidations. Pourtant, des experts jugent le rebond possible, entre recentrage sur l'ADN des marques, innovation et montée en gamme.

En cette fin d'année, la marque IKKS vient d'être reprise mais va perdre la moitié de ses employés, Jott a été placée en redressement judiciaire et Anne Fontaine a vu son plan de sauvegarde validé. Avec Camaïeu, Kookaï, Jennyfer, André, San Marina, Minelli, Comptoir des Cotonniers, Princesse Tam Tam ou encore Kaporal , on ne compte plus les entreprises françaises en difficulté dans ce secteur ou tout bonnement disparues.

Près de 1.500 boutiques de vêtements ont fermé en France en 2024, selon un rapport parlementaire. L'Union des industries textiles indique que les effectifs ont fondu de 400.000 salariés dans les années 1970 à 60.000 aujourd'hui. Ce chiffre n'inclut cependant pas les salariés en boutiques -70.000 fin 2023, selon la Fédération nationale de l'habillement.

Après le difficile passage à la vente en ligne, le Covid-19 ou l'inflation, les acteurs traditionnels affrontent désormais la concurrence de la seconde main et de la mode ultra-éphémère , un "profond bouleversement" selon Gildas Minvielle, directeur de l'Observatoire économique de l'Institut français de la mode (IFM). Désormais 13% des ventes en valeur et près de 30% des volumes achetés passent par ces deux canaux de vente, selon l'IFM.

"La prise de part de marché de ces nouveaux rentrants est très importante, très dommageable pour les acteurs plus historiques", explique Gildas Minvielle à l' AFP . "Si le marché avait été porteur, on aurait pu espérer qu'il y ait de la place pour tout le monde mais ce n'est pas le cas".

"Paupérisation" brutale

Avec un prix moyen par article Shein ou Temu à 9 euros, trois fois moins que le milieu de gamme traditionnel, ces groupes asiatiques provoquent une "paupérisation" brutale, "dans un contexte où le pouvoir d'achat n'est pas très soutenu", dit-il.

Pour remonter à la source de la "dégringolade", il faut voyager dans les années 90 avec "l'arrivée des marques de fast-fashion" de première génération , comme Zara et H&M, proposant "des collections qui changent toutes les semaines pour forcer à l'achat", pose Benoît Heilbrunn, philosophe et professeur de marketing à l'ESCP Business School. "Les enseignes françaises n'ont pas réussi à suivre, parce qu'elles n'avaient pas et n'ont toujours pas de modèle industriel", relève le spécialiste des marques, alors que 97% des textiles consommés en France sont importés.

L'autre problème, c'est que "les marques françaises de textile ne racontent plus rien depuis des années", déplore-t-il, "on ne parle jamais d'innovation, on ne parle jamais de produits".

"Spirale de la mort"

Experte de la mode et de la distribution, Françoise Clément confirme et pointe les enseignes restées dans leur "zone de confort", cherchant à "acheter le consommateur avec la promo mais qui finalement n'ont pas créé de valeur". Selon cette consultante, ex-directrice textile pour Carrefour, les marques doivent se raccrocher à leur "ADN de base" et proposer un "positionnement clair" pour survivre.

Le secteur du prêt-à-porter est comme "un sablier", métaphorise-t-elle : le haut du sablier (luxe et marques "héritage") reste solide grâce au prestige. Dans le bas de gamme, c'est la course aux prix avec une "spirale de la mort". Qui trouve toutefois son public. Entre deux, le milieu de gamme est le segment le "plus en difficulté" .

Les marques de milieu de gamme doivent "se diversifier et se premiumiser" et ne surtout pas imiter la fast-fashion, estime Françoise Clément. L'avenir requiert un équilibre entre "qualité, attractivité, innovation et désirabilité", comme chez "Lacoste ou Aigle", ou Le Slip Français, concernant le fabriqué en France, ou encore Decathlon, qui allie "accessibilité et innovation".

La crise de l'habillement n'est "pas une fatalité" , insiste-t-elle. Loin de la "sinistrose" ambiante, "des opportunités" existent pour des "marques qui se bougent".

Le rapport annuel State of Fashion BOF-McKinsey dénombre plusieurs axes stratégiques à développer : le recours "nécessaire" à l'intelligence artificielle, la diversification des lieux de production face aux "turbulences" des droits de douanes internationaux, l'élévation en gamme ou encore l'intégration d'une offre seconde main.