Face aux "menaces", la France crée un service militaire volontaire
information fournie par Reuters 27/11/2025 à 07:12

Un soldat français

Emmanuel Macron annoncera jeudi la transformation du Service national universel (SNU), un dispositif décrié, en service militaire volontaire à l'heure où l'Union européenne est contrainte à un aggiornamento sécuritaire face à la "menace" russe et au retrait progressif des Etats-Unis.

La France épouse ainsi un mouvement à l'oeuvre dans plusieurs pays européens qui ont adapté ou réactivé la conscription militaire ou l'enrôlement volontaire à l'aune de ces nouveaux enjeux géostratégiques - singulièrement du conflit russo-ukrainien en cours depuis février 2022.

"Les Allemands, Danois, pays de l'Est, une dizaine de pays s'engagent aussi sur cette voie", souligne-t-on à l'Elysée.

Le président Jacques Chirac avait décidé en 1996 la suspension de la conscription en France, effective depuis 1997.

Un service national universel civil a été créé en 2019 pour les jeunes de 15 à 17 ans, avec un "séjour de cohésion" et deux semaines de mission d'intérêt général, mais le "SNU" n'a jamais suscité l'engouement.

Le chef de l'Etat annoncera l'instauration de ce "service militaire volontaire" nouvelle manière (un dispositif du même nom existe déjà, mais avec un objectif d'insertion sur le marché du travail) à l'occasion d'une visite à la 27e brigade d'infanterie de montagne de Varces (Isère).

"Le projet est réaliste et tient compte de l'état de nos disponibilités aujourd'hui. Il est réaliste et phasé dans le temps", dit-on dans l'entourage d'Emmanuel Macron.

Lors de son traditionnel discours aux Armées, le 13 juillet dernier, le président, chef des armées, avait mis en exergue "un moment de bascules", citant notamment "la permanence d'une menace russe aux frontières de l'Europe" et "l'hybridité croissante des conflits".

"Il n'y a plus d'arrière et il n'y a plus de front. Les conflits sont multiformes, multichamps et supposent de la densité. Ils supposent de durcir nos capacités, nos forces et la nation", avait-il souligné.

Jusqu'à "perdre ses enfants"?

Ces mots du chef d'état-major des armées françaises, le général Fabien Mandon, prononcés le 18 novembre lors d'un discours au Congrès des maires de France, à Paris, ont alarmé et brouillé le message présidentiel.

"POUVOIR SE BATTRE"

"Si notre pays flanche parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, parce qu’il faut dire les choses, de souffrir économiquement parce que les priorités iront à la production de défense, alors on est en risque", a déclaré l'officier, prédisant une confrontation avec la Russie d'ici à 2030.

Selon une étude de l'Institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire (IRSEM) publiée en avril 2024 sous la direction de la sociologue Anne Muxel dont l'Elysée a pris connaissance, quatre jeunes sur dix âgés de 18 à 25 ans, soit une proportion relativement constante depuis une bonne vingtaine d’années, se disent prêts à s'engager.

"Certains événements majeurs, notamment en 2015 après la série d’attentats touchant le pays, ont même déclenché un surcroît d’adhésion à ce type d’engagement. Ces dispositions favorables ne se traduisent pas automatiquement par des passages à l’acte concrets, loin de là, mais elles confirment la bonne image des armées", relève la directrice déléguée du Cevipof.

"Confrontés à la perspective d’éventuels conflits majeurs sur le sol français, leurs capacités de résilience [des jeunes, NDLR] sont perceptibles dans leurs réponses. Une large majorité d’entre eux se sent concernée et dit pouvoir se battre."

Cette perspective fait bondir dans les rangs de La France insoumise (LFI), qui refuse, par la voix de son chef de file Jean-Luc Mélenchon, de "prévoir des sacrifices qui seraient la conséquence de nos échecs diplomatiques." L'ancien sénateur plaidait toutefois lors de la campagne présidentielle de 2022 pour une conscription obligatoire de neuf mois.

Emmanuel Macron s'est employé à calmer les esprits mardi sur RTL.

"Il faut vraiment, en tout cas tout de suite, supprimer toute idée confuse qui consisterait à dire qu’on va envoyer nos jeunes en Ukraine. Ce n’est pas du tout le sens de cette affaire", a-t-il assuré en écho au propos "déformé" du général Mandon.

Pour le Parti socialiste, l'hypothèse d'un service militaire volontaire est "un élément de la dissuasion et, à ce titre, un élément important". Le Rassemblement national et les Républicains ont salué l'initiative présidentielle.

(Rédigé par Sophie Louet et Elizabeth Pineau, édité par Blandine Hénault)