Face aux "menaces", la France crée un service militaire volontaire
information fournie par Reuters 27/11/2025 à 14:48

Emmanuel Macron dévoile un nouveau service militaire national lors d'un discours devant l'armée à la base militaire de Varces

Emmanuel Macron a annoncé jeudi la transformation du Service national universel (SNU), un dispositif décrié, en service militaire volontaire à l'heure où l'Union européenne est contrainte à un aggiornamento sécuritaire face à la "menace" russe et au retrait progressif des Etats-Unis.

La France épouse ainsi un mouvement à l'oeuvre dans plusieurs pays européens qui ont adapté ou réactivé la conscription militaire ou l'enrôlement volontaire à l'aune de ces nouveaux enjeux géostratégiques - singulièrement du conflit russo-ukrainien en cours depuis février 2022.

Le président Jacques Chirac avait décidé en 1996 la suspension de la conscription en France, effective depuis 1997.

Un service national universel civil a été créé en 2019 pour les jeunes de 15 à 17 ans, avec un "séjour de cohésion" et deux semaines de mission d'intérêt général, mais le "SNU" n'a jamais suscité l'engouement.

Dans un discours prononcé à l'occasion d'une visite à la 27e brigade d'infanterie de montagne de Varces (Isère), Emmanuel Macron a pourtant insisté sur la "soif d'engagement" des jeunes, et la nécessité de leur fournir un terrain d'expression.

"Notre jeunesse aspire à la liberté et a soif d'engagement. Il existe une génération prête à se lever pour la patrie (...) Offrons à notre jeunesse un idéal en même temps que cette liberté de servir notre pays", a déclaré le chef de l'Etat.

"Notre nation sera forte si notre jeunesse est unie autour de nos valeurs."

Cet engagement voulu par le président de la République pourra donc s'exprimer à compter de l'été 2026 dans le cadre du nouveau service national, qui concernera essentiellement les jeunes âgés de 18 à 19 ans sur une base purement volontaire.

EXCLUSIVEMENT SUR LE TERRITOIRE NATIONAL

"Trois mille jeunes seront choisis à l'été 2026", à partir de candidatures déposées en début d'année, a déclaré Emmanuel Macron, qui a avancé un objectif de 10.000 jeunes incorporés par an à partir de 2030 et de 50.000 à partir de 2035.

Il s'agira d'un service militaire d'une durée de dix mois, pendant lesquels les jeunes seront intégrés aux forces armées, avec un uniforme et une arme, a précisé le chef de l'Etat. Ils toucheront une solde dont il n'a pas précisé le montant.

Le coût de ce nouveau service national sera financé "par l'actualisation de la loi de programmation militaire 2026-2030, qui prévoit un budget supplémentaire de plus de 2 milliards d'euros", a-t-il indiqué.

Lors de son traditionnel discours aux Armées, le 13 juillet dernier, le président, chef des armées, avait mis en exergue "un moment de bascules", citant notamment "la permanence d'une menace russe aux frontières de l'Europe" et "l'hybridité croissante des conflits".

Emmanuel Macron a repris cette thématique à Varces, mais après la polémique suscitée par les récents propos du chef d'état-major des armées françaises, le général Fabien Mandon, s'inquiétant du fait que le pays ne serait "pas prêt à accepter de perdre ses enfants", il a insisté sur le fait que les jeunes qui feront leur service militaire n'auront pas vocation à être déployés sur un théâtre de guerre étranger.

"Nos jeunes, je le dis avec clarté, serviront sur le territoire national et uniquement sur le territoire national, c'est-à-dire en métropole et dans nos outre-mer. Le service national, c'est le territoire national", a-t-il martelé.

"LA PEUR N'ÉVITE JAMAIS LE DANGER"

Selon une étude de l'Institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire (IRSEM) publiée en avril 2024 sous la direction de la sociologue Anne Muxel dont l'Elysée a pris connaissance, quatre jeunes sur dix âgés de 18 à 25 ans, soit une proportion relativement constante depuis une bonne vingtaine d'années, se disent prêts à s'engager.

"Certains événements majeurs, notamment en 2015 après la série d'attentats touchant le pays, ont même déclenché un surcroît d'adhésion à ce type d'engagement. Ces dispositions favorables ne se traduisent pas automatiquement par des passages à l'acte concrets, loin de là, mais elles confirment la bonne image des armées", relève la directrice déléguée du Cevipof.

"Confrontés à la perspective d'éventuels conflits majeurs sur le sol français, leurs capacités de résilience [des jeunes, NDLR] sont perceptibles dans leurs réponses. Une large majorité d'entre eux se sent concernée et dit pouvoir se battre."

Cette perspective fait bondir dans les rangs de La France insoumise (LFI), qui refuse, par la voix de son chef de file Jean-Luc Mélenchon, de "prévoir des sacrifices qui seraient la conséquence de nos échecs diplomatiques." L'ancien sénateur plaidait toutefois lors de la campagne présidentielle de 2022 pour une conscription obligatoire de neuf mois.

"Dans ce monde incertain où la force prime sur le droit, où la guerre se conjugue au présent, notre nation n'a droit ni à la peur, ni à la panique, ni à l'impréparation, ni à la division", lui a indirectement répondu Emmanuel Macron en conclusion de son discours à Varces.

"La peur n'évite jamais le danger. La seule façon de l'éviter, c'est de s'y préparer", a-t-il insisté.

Les autres partis d'opposition ont plutôt bien accueilli la création du service militaire volontaire, le Parti socialiste disant y voir "un élément de la dissuasion", tandis que les Républicains et le Rassemblement national ont salué l'initiative présidentielle.

(Rédigé par Sophie Louet, Elizabeth Pineau et Tangi Salaün, édité par Blandine Hénault)