Face aux actes antimusulmans, une association réclame des "états généraux" information fournie par AFP 11/09/2025 à 11:00
Des "états généraux" pour répondre aux actes antimusulmans: dans un entretien à l'AFP, Bassirou Camara, président de l'Addam, une association proposant depuis le printemps une plateforme de signalement de ce type d'actes, juge urgent d'écouter l'anxiété de la communauté musulmane.
Question : Neuf têtes de cochon ont été découvertes mardi devant des mosquées d'Ile-de-France. Même s'il s'agit d'une possible opération de déstabilisation venue de l'étranger, selon le parquet de Paris, la condamnation rapide de ces actes par l'exécutif vous a-t-elle rassuré?
Réponse : La brutalité de l'événement nous a surpris. Mais on s'attendait à une aggravation graduelle des actes antimusulmans, avec la libération du discours de haine qu'on dénonce depuis des mois, et la stigmatisation permanente des musulmans, notamment par les partis d'extrême droite.
Le ministre de l'Intérieur a pris les dispositions nécessaires pour que les forces de l'ordre soient mobilisées, et une enquête a été diligentée assez rapidement. C'est un motif de satisfaction. Mais on attend des gestes et des mots beaucoup plus forts pour rassurer les musulmans, dont l'anxiété et l'inquiétude s'accroissent.
Q. Que demandez-vous concrètement?
R. Nous sommes satisfaits de voir que des réponses plus rapides sont trouvées, par exemple pour la fête de l'Aïd où les conditions de sécurité ont été améliorées.
Nous appelons aussi à des états généraux sur la question des actes antimusulmans, et plus largement sur la haine antireligieuse qu'on sent monter dans notre pays. Il faut réunir des experts, des sociologues... pour trouver des pistes avec les services de l'État.
Q. Y a-t-il selon vous un caractère spécifique aux actes antimusulmans ?
R. L'islam est parfois considéré comme la dernière religion arrivée à la table de la République, et se retrouve attaqué à des fins électoralistes. Mais les musulmans font pleinement partie de la communauté nationale ! Ils contribuent à la richesse économique, culturelle et intellectuelle du pays. Ils n'aspirent qu'à vivre tranquillement leur religion dans le respect des lois de la République et de la laïcité.
Aujourd'hui à la recherche d'un bouc émissaire, certains disent que le problème c'est l'islam. Non, le problème c'est de ne pas réussir à joindre les deux bouts à la fin du mois.
Et en cas de crise, lorsque des écervelés tuent au nom de l'islam, les musulmans ont l'impression qu'ils doivent réaffirmer leur amour de la République. Cette stigmatisation n'a pas lieu d'être.
Q. Le rapport publié au printemps sur les Frères musulmans a-t-il contribué à un amalgame?
R. Ce rapport est venu rajouter de la confusion à une confusion déjà existante. Aujourd'hui, un musulman investi dans le milieu associatif, ou en politique, peut se retrouver taxé de frère musulman.
Q. L'an dernier, 173 actes antimusulmans ont été recensés. Cela reflète-t-il fidèlement la réalité?
R. Il s'agit des dépôts de plaintes, pas de la totalité des actes antimusulmans, qui sont beaucoup plus nombreux.
L'Addam (soutenue par l'Etat, NDLR), qui propose une plateforme de signalements, publiera de premiers chiffres en octobre. Il s'agit aux deux tiers d'atteintes aux personnes: violences, insultes, menaces... Les femmes notamment sont visées, avec des voiles arrachés ou des propos insultants.
Q. Comment expliquer cette sous-déclaration?
R. Beaucoup de victimes se disent "à quoi bon déposer plainte puisqu'il n'y aura aucune suite ?". D'autres ont peur d'entrer dans un commissariat parce qu'ils ne savent pas comment ils seront reçus.
Il faut aussi faire de la pédagogie au sein des services de l'État, sur la manière d'accueillir ces plaintes.
Du côté de l'Addam, nous sommes en train de constituer un réseau de référents territoriaux, qui accompagneront les victimes pour déposer plainte.