Europe de la Défense, acheter européen plutôt qu'américain : Villeroy de Galhau plaide pour "l'intégration industrielle et stratégique" de l'UE
information fournie par Boursorama avec Media Services 07/03/2025 à 11:52

Des centaines de milliards d'euros d'investissement sont annoncés pour le réarmement européen. Au-delà des chiffres, l'enjeu est celui d'une réflexion globale vers plus d'autonomie stratégique, rappelle le gouverneur de la Banque de France.

Francois Villeroy de Galhau, le 24 mai 2024, à Stresa (Italie) ( AFP / GABRIEL BOUYS )

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a défendu vendredi 7 mars une "intégration industrielle et stratégique" accrue au sein de l'Union européenne, au-delà de son réarmement, pour répondre au rapprochement entre Washington et Moscou. "L'Europe doit se réarmer face à la menace russe et au retournement américain" mais "plus de défense en Europe, cela doit aussi signifier aussi plus d'Europe de la défense", a déclaré François Villeroy de Galhau sur Radio Classique , vendredi 7 mars.

"Il faut qu'on intègre, qu'on coopère mieux en Europe. On a trop d'industriels séparés, nationaux. Parce que si cet argent sert à maintenir notre dépendance par rapport aux fournitures américaines, nous n'avons pas gagné l'autonomie stratégique" , a-t-il précisé. Il faut "plus d'argent, mais plus d'intégration industrielle et stratégique".

Pour le patron de Bpifrance, le plan de Merz "sera une bonne nouvelle politique quand on commencera à acheter européen"

La déclaration du gouverneur de la Banque de France fait notamment écho aux observations du directeur de la Banque publique d'investissement quant à l'attrait des voisins pour l'équipement d'Outre-Atlantique. Interrogé sur France Culture sur les annonces du probable futur chancelier Friedrich Merz quant au revirement stratégique allemand, et les centaines de milliards promis pour le réarmement du pays, Nicolas Dufourcq s'est ainsi montré prudent. "La nouvelle sera importante politiquement quand les Allemands achèteront du matériel européen. Aujourd'hui, ils achètent des F-35 qui sont téléguidés par les Américains. Il faut comprendre ça", a ainsi noté le directeur général de Bpifrance, mercredi 5 mars.

"Le problème de l'industrie de défense française, qui est l'industrie de défense la plus puissante et la plus profonde d'Europe, est qu'elle est une goutte d'eau dans un océan bleu de matériel américain en Europe. C'est ça qui va pas ! Quand il s'est agi pour les Allemands d'acheter un dôme de fer comme en Israël, ils auraient tout à fait pu l'acheter à Thales et à Leonardo (géant italien de l'aéronautique, ex-Finmeccanica, ndlr ). Ils ont choisi un consortium israélo-américain. Ce sera une bonne nouvelle politique quand on commencera à acheter européen", a t-il commenté.

L'adaptabilité du tissu industriel plutôt que les grands programmes, nouvel "art de la guerre"

Le directeur de BpiFrance note par ailleurs la nécessité de fluidifier les rouages dans l'ensemble du tissu économique. "Est-ce que le sujet est un sujet de masse financière? Je n'en suis pas si sûr. Ce que l'Ukraine nous montre, c'est que dans l'art de la guerre d'aujourd'hui, il faut être extrêmement mobile, et des chaînes PME-ETI-grands groupes hyper fluides, très articulées, qui sont capables de se réadapter très rapidement. Les très grands programmes, ce n'est peut-être plus l'avenir de la guerre. Or aujourd'hui, on a un squelette qui est très engourdi, qui fait que l'Etat met beaucoup d'argent en haut, mais ça ruisselle relativement mal vers les ETI et les PME, qui ont de gros problèmes de trésorerie, et ça n'est pas normal. Il faut désengourdir toute la chaîne du squelette de l'industrie de défense française".

Graphique montrant les dépenses militaires en part du PIB en fonction de la distance entre Moscou et la capitale des pays d'Europe membres de l'Otan ( AFP / Jean-Michel CORNU )

Alors que la France souhaite augmenter ses dépenses militaires, à l'instar d'autres pays européens comme l'Allemagne, François Villeroy de Galhau note lui que le pays avait "moins de marges de manoeuvre budgétaires" que son voisin, première économie de la zone euro, presque deux fois moins endettée par rapport à son produit intérieur brut (PIB). "Raison de plus pour être très sérieux sur les autres dépenses publiques. Il faut viser au moins leur stabilité en volume, c'est-à-dire en tenant compte de l'inflation", a-t-il prévenu.

"Il faut que nous ayons une volonté de retrouver la maîtrise de notre dette, comme la maîtrise de façon générale de notre économie et de notre défense. Mais la volonté, cela veut pas dire forcément la brutalité, cela peut se passer dans un effort juste et partagé", a-t-il développé, rappelant que les dépenses publiques en France étaient les plus élevées d'Europe. "Nous ne pouvons pas continuer à tout faire ou à faire exactement comme avant", a t-il jugé.