Droits de l'Homme: le travail de l'ONU confronté à une "menace existentielle", alerte une ONG
information fournie par AFP 21/10/2025 à 18:08

L'assemblée générale des Nations unies, à New York, le 29 septembre 2025 ( AFP / ANGELA WEISS )

Le travail de l'ONU en matière de droits humains est particulièrement ciblé par des coupes budgétaires dans un contexte de profonde crise financière, représentant une "menace existentielle" pour ce volet essentiel des efforts onusiens, avertit une ONG mardi.

Le non-paiement par Washington de ses cotisations à l'ONU, conjugué aux manœuvres de la Chine et de la Russie pour couper les financements de certains organismes, pourrait porter un coup fatal au combat de l'ONU contre les violations des droits, alerte le rapport de l'ONG Service international pour les droits de l'Homme (ISHR).

"À l'heure où l'ONU est en pleine réforme et où la crise financière la frappe durement, ces efforts (…) constituent une menace existentielle pour le système des droits humains" de l'organisation, explique l'ONG basée en Suisse, qui évoque en particulier le danger pesant sur le crucial travail d'enquête.

En République démocratique du Congo, une enquête sur les crimes de guerre ordonnée par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU n'a pu être ouverte faute de fonds et d'autres pourraient être paralysées pour les mêmes raisons.

- Crise de liquidités -

La situation est telle que l'ONU envisage une réduction de 15% de son budget ordinaire pour 2026, pour faire face à des problèmes chroniques de liquidités exacerbés par la politique du président américain Donald Trump.

Les États-Unis, traditionnellement premier contributeur de l'ONU, ont suspendu leur financement peu après le retour au pouvoir de Trump en janvier.

Au 30 septembre, Washington devait 1,5 milliard de dollars de cotisations impayées à l'ONU, dont 300 millions de dollars d'arriérés accumulés au cours des années précédentes, selon l'ISHR.

Et la Chine, deuxième pays le plus contributeur, a honoré ses engagements "extrêmement tard".

Pékin n'a effectué le paiement de l'année dernière que le 27 décembre, rendant ainsi les fonds inutilisables, le règlement financier de l'ONU exigeant que les montants non dépensés avant la fin de l'année soient restitués aux États membres, rappelle l'ISHR.

La proposition de réforme de l'ONU80 vise à répartir les coupures budgétaires entre les trois piliers de l'organisation (paix et sécurité, droits humains et développement durable). Mais l'ISHR craint que ces coups de rabot "touchent de manière disproportionnée le pilier des droits humains en raison d'années de sous-financement".

Le secteur reçoit moins de 1% du budget total de l'ONU. Et les coupes envisagées pourraient avoir un impact considérable sur le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme (HCDH), qui a déjà vu des dizaines de millions de dollars de contributions volontaires américaines s'évanouir cette année.

Au total, l'agence n'a reçu que 73% des contributions promises au budget ordinaire pour 2025, laissant 67 millions de dollars d'impayés. "C'est un énorme déficit", a constaté sa porte-parole Liz Throssell dans un entretien à l'AFP.

"On parle de victimes moins protégées, de personnes qui ne peuvent obtenir justice (...) On a atteint le seuil critique d'efficacité du système."

Kaoru Okuizumi, directrice adjointe du Mécanisme d'enquête indépendant pour le Myanmar, a indiqué à l'AFP que les coupes pourraient entraîner la perte de 27 postes, soit un tiers des effectifs de cet organisme chargé de recueillir des preuves sur des crimes graves.

- "Instrumentalisation" -

Et cette crise pourrait être aggravée par des efforts déployés par certains pays visant à supprimer le financement des enquêtes sur les droits humains lors des négociations budgétaires de l'ONU.

La Russie et la Chine, en particulier, "ont instrumentalisé les négociations budgétaires de l'ONU pour servir leurs propres intérêts et soustraire leurs alliés à tout contrôle, au détriment des droits humains", accuse Madeleine Sinclair, directrice du bureau new-yorkais d'ISHR.

Le rapport documente les manœuvres de perturbation et de politisation des discussions techniques au sein de la Cinquième Commission de l'Assemblée générale, où les États négocient le budget de l'ONU.

Les deux pays ont plusieurs fois pris position pour réduire drastiquement le financement des droits humains, avec le soutien d'autres "États autoritaires", a-t-il indiqué.

Sous prétexte de recherche d'efficacité, ils parviennent à réduire les crédits destinés au HCDH et aux enquêtes sur les violations commises dans des pays comme la Russie, la Biélorussie et la Corée du Nord.

Et d'autres pays cèdent aux pressions, acceptant parfois même de bloquer le financement d'enquêtes qu'ils avaient eux-mêmes soutenues au départ.

"Les propositions avancées par la Chine et la Russie visent clairement à paralyser le HCDH", insiste Angeli Datt, auteure du rapport. "Il ne s'agit pas d'efficacité."